Sahel – Au Burkina Faso, un coup d’État si prévisible

Courrier internationalCe n’était ni un “mouvement d’humeur” ni une simple mutinerie, contrairement à ce qu’ont assuré les autorités du Burkina Faso. Mais un coup d’État sur fond d’insécurité endémique et de tensions entre le président Kaboré et l’armée. Et pour Le Pays, c’est toute la stabilité institutionnelle de l’Afrique de l’Ouest qui doit être repensée.

Une mutinerie qui tourne au coup d’État. C’est la situation que vit le Burkina Faso au lendemain du mouvement d’humeur du 23 janvier, dans quelques casernes de la capitale et de l’intérieur du pays. En effet, dès le matin du lundi 24 janvier, plusieurs sources faisaient état de l’arrestation, par les soldats mutins, du président Kaboré ainsi que de plusieurs autres personnalités.

La confusion était telle que personne ne pouvait dire avec exactitude ce qu’il en était. Preuve que les tractations ont certainement été longues. Avec ce coup de force, c’est une nouvelle période d’interrogations qui s’ouvre pour le Pays des Hommes intègres, qui ne sait pas de quoi demain sera fait. Et la question majeure qui se pose est la suivante : quels lendemains pour le Burkina Faso ?

Quel avenir pour la Cedeao ?

 

Cette question est d’autant plus fondée que ce coup de force intervient au moment où des pays comme le Mali et la Guinée, qui en ont récemment connu, sont dans le collimateur de la communauté internationale, qui continue de maintenir la pression pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel normal.

Soit dit en passant, si ce n’est pas un pied de nez à la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), cela signifie à tout le moins que l’institution sous-régionale est loin de faire peur avec ce coup de force qui intervient au lendemain de lourdes sanctions prises contre le Mali. De quoi s’interroger sérieusement sur l’avenir de cette institution qui, malgré ses limites et les reproches, semble décidée à jouer son rôle de vigie de la démocratie. Qu’en sera-t-il du Burkina ? C’est le wait and see.

Cela dit, au-delà de l’émotion, les Burkinabés attendent d’en connaître davantage sur les tenants et les aboutissants de ce coup de force et les motivations réelles de ses initiateurs. Au-delà, on attend de voir l’accueil que les Burkinabés lui réserveront. Cela dit, pour de nombreux Burkinabés, ce coup de force est loin d’être étonnant. Car les conditions semblaient réunies, face à la détérioration continue de la situation sécuritaire et aux nombreuses frustrations exprimées par les populations, qui souffrent le martyre au point qu’elles ne savent plus véritablement à quelle armée se vouer.

 

Jeu électoral faussé

 

Dans ces conditions, si les mutineries du 23 janvier devaient être la traduction de ces frustrations au sein de la grande muette, on peut comprendre que l’étau se soit resserré autour du régime du président Kaboré. À présent, il faut espérer que la situation n’expose pas le pays à de lourdes sanctions de la communauté internationale, qui pourraient peser sur les populations.

Au-delà, c’est le lieu de s’interroger sur les fondements de ces coups d’État récurrents en Afrique. Une situation qui interroge d’autant plus le système électoral que, d’Amadou Toumani Touré [président malien renversé par un coup d’État militaire en mars 2012] à Alpha Condé [président guinéen renversé par un coup d’État militaire en septembre 2021] en passant par Ibrahim Boubacar Keïta [président malien renversé par un coup d’État en août 2020], les pronunciamientos venus mettre fin à des régimes constitutionnels sont intervenus dans des contextes où ces présidents avaient été “confortablement réélus”.

Si le jeu électoral est faussé à la base avec tout ce qui se dit comme achats de votes et de consciences, peut-on véritablement s’étonner de la suite ? C’est dire s’il est temps, pour les Africains, de tirer leçon des coups d’État en vue de revoir de fond en comble le système électoral, pour qu’au-delà de la légalité des urnes ces chefs d’État élus aient la légitimité nécessaire qui les mette éventuellement à l’abri des coups d’État.

C’est à ce prix que l’Afrique pourra véritablement construire une démocratie qui résiste aux coups d’État. Chose qu’aucune institution supranationale, pas même la Cedeao, ne semble pour le moment en mesure de défendre dans son espace géographique. C’est dire si un président correctement élu n’est jamais mieux défendu que par son peuple, s’il est en phase avec lui dans la gestion de la chose publique.

 

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