France Inter – C’était en 1994. Des femmes et des hommes, des enfants et des adultes, furent retenus dans un zoo près de Nantes pour offrir leur folklore en spectacle aux visiteurs : le « village ivoirien », sponsorisé par la marque de biscuits Bamboula, est au cœur d’un documentaire diffusé sur France 2.
Voilà une histoire de zoo humain qui ne date pas d’il y a un siècle. Nous sommes en France en 1994. Un tel niveau de mépris pour la dignité humaine est à hurler et ne doit pas tomber dans l’oubli. D’où l’intérêt de ce documentaire, « le village de Bamboula », diffusé sur France 2 le 18 janvier à 23h50 (et disponible en ligne). Il est porté par la voix du comédien Jean-Pascal Zadi :
En 1994, j’avais 14 ans. Au collège, des potes me disaient : « frérot, y’a pas tes tontons enfermés dans un zoo, le truc Bamboula à Nantes? » A l’époque, ça a fait beaucoup de bruit. Et puis on a oublié l’affaire. Sauf ceux qui l’ont vécue, bien sûr, et qui vont nous la raconter.
Bamboula : vous vous souvenez sans doute de ces biscuits, commercialisés par la marque Saint Michel dans les années 80 et 90. Ce fut le sponsor d’un parc animalier, à Port Saint Père, près de Nantes. Un safari parc, où on pouvait aller voir des girafes et des lions. Le directeur de l’époque décida d’y implanter un village ivoirien. Des musiciens, des chanteurs, des danseurs et des artisans furent installés dans un village reconstitué, avec des cases en argile et des toits de chaume. Les conditions de vie et de travail de ces hommes, ces femmes et ces enfants, très vite, scandalise des associations et syndicats, qui créent un collectif baptisé « Non à la réserve humaine ».
Passeports confisqués et conditions de vie indignes
Soignés par des vétérinaires, ces êtres humains exposés pour le folklore étaient aussi enfermés : le directeur du parc leur avait confisqué leurs passeports, prétendument pour ne pas qu’ils les perdent…
Le collectif a obtenu gain de cause sur certains points. Les enfants ont été scolarisés quelques heures par jour. Mais c’était bien peu par rapport à l’ampleur de ce qui posait problème. Les responsables du zoo expliquaient à l’époque que ces artistes étaient employés par l’Office ivoirien du tourisme. Car l’ambition était de promouvoir le tourisme en Côte d’Ivoire. Ils étaient payés un quart du SMIC et ne bénéficiaient d’aucune protection sociale. Le droit français ne s’appliquait pas. Le village ivoirien était une enclave juridique sur le territoire français, en somme. Ils étaient hébergés dans des conditions indignes, dormaient à plusieurs sur le même matelas à même le sol. Le documentaire aborde aussi des accusations d’agressions sexuelles commises sur des danseuses.
C’est aussi ça, l’histoire de France
Les réalisateurs, Yoann de Montgrand et François Tchernia, ont retrouvé beaucoup de ceux et celles qui ont vécu cette histoire et leur donnent la parole. Leur documentaire s’appuie aussi sur des images d’archives.
Source : France Inter