Le documentaire « Noirs en France » bousculent des préjugés très ancrés

Un magnifique documentaire sur France 2 donne la parole à des Français noirs de tous âges et de tous horizons. Ils racontent leur histoire, pétrie de stéréotypes et d’idées reçues, mais pleine d’espoir et de fierté.

Le Monde – Dans un climat politique marqué par les anathèmes, les invectives et les préjugés, France 2 propose, dans le cadre d’une soirée événement, un regard riche, documenté et serein sur les Noirs de France. Dans un magnifique documentaire, l’écrivain Alain Mabanckou et la réalisatrice Aurélia Perreau donnent la parole à une écolière de 8 ans, un adolescent de Niort, une jeune danseuse, un couple mixte, un aide-soignant, un tirailleur sénégalais, mais aussi au joueur de tennis Yannick Noah, au rappeur Soprano, au comédien Jean-Pascal Zadi, à la journaliste Karine Baste-Régis, au chef cuisinier Mory Sacko ou à l’historien Pap Ndiaye.

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De la maternelle au monde du travail, tous racontent ces moments où ils ont compris, dans le regard des autres, qu’ils étaient d’abord et avant tout des « Noirs ». Et que cette caractéristique charriait avec elle nombre de préjugés : l’écolière s’entend dire à la récréation qu’elle ressemble à du « caca », l’aide-soignant sent le corps des personnes âgées dont il fait la toilette se raidir, la danseuse qui vient s’inscrire au conservatoire de danse classique se voit proposer un cours de hip-hop.

 

« Ils parlent français, eux ? »

 

Pour montrer que ces paroles, ces gestes et ces regards viennent de loin, Alain Mabanckou et Aurélia Perreau puisent dans les archives visuelles de la France du XIXe et du début du XXe siècle. On y voit se déployer les puissants stéréotypes associés aux Noirs, élaborés au fil de la traite négrière et de la colonisation – la sauvagerie, le goût de la danse, la force physique, l’inaptitude aux tâches intellectuelles. Des idées reçues encore très présentes, un siècle plus tard, dans les publicités « Y’a bon Banania » (1960) ou pour les biscuits Bamboula (1987), mais aussi dans les chansons pour enfants où Dorothée mijote dans une marmite entourée de cannibales vêtus de pagnes (La Machine avalé, 1988).

Les auteurs du film savent prendre leur temps, respecter les silences et saisir avec délicatesse les moments de gravité, de joie et de tristesse qui accompagnent la prise de parole de leurs interlocuteurs. Tous racontent les mille et une vexations et humiliations qu’ils ont vécues à l’école ou dans le monde du travail avec calme, précision – et parfois même humour.

Soprano, qui voyageait un jour en TGV première classe avec ses musiciens, se souvient ainsi avoir entendu le contrôleur leur signaler avec autorité que la seconde classe était plus loin avant de se tourner vers le manager – blanc – du groupe pour lui demander : « Ils parlent français, eux ? »

Jamais victimaire, toujours lucide, Noirs en France est surtout plein d’espoir. Kathy, la danseuse de 22 ans, a beau ne pas trouver de chaussons correspondant à la couleur de sa peau et s’entendre dire que son corps de Noire est peu adapté à la danse classique, elle n’a aucune « envie de s’asseoir sur ses rêves » : « J’y vais, quoi ! », lance-t-elle joyeusement.

« On est né ici, on a grandi ici, on a le droit de se rêver astronaute, physicien ou cuisinier, ajoute Mory Sacko, aux racines maliennes et sénégalaises, qui dirige Mosuke, à Paris, premier restaurant ayant l’Afrique au menu doté d’une étoile au Michelin. Je trouve ça fantastique : on est une génération qui a le droit de rêver. »

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Source : Le Monde

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