Assimi Goïta : le jour de gloire / Par Jean-Baptiste Placca

Et si la popularité apparente du colonel Assimi Goïta se nourrissait des tensions et autres rivalités fréquentes avec Paris ? Le taciturne chef de la junte malienne se forge, sans mot dire, une image de résistant. Les slogans à sa gloire succèdent aux attaques en règle contre la France.

Lors des manifestations organisées en réaction aux sanctions prises contre le Mali, la foule n’a cessé d’acclamer le nom du colonel Assimi Goïta. Certains intervenants l’ont même comparé à Thomas Sankara. Comment expliquer que la popularité du chef de la junte malienne va grandissante, au fur et à mesure que tombent les sanctions, ou que la communauté internationale s’emploie à démolir son action ?

En politique, les pressions insistantes et les sanctions intempestives peuvent parfois aboutir à des effets pervers, à l’opposé des objectifs poursuivis. C’est un peu ce à quoi l’on assiste, au Mali. Le recours aux mercenaires est ce qu’il y a de plus désastreux, pour un État, quel qu’il soit. Mais, parce que c’est la France qui s’opposait à ce choix, une partie de la population malienne en est venue à considérer que si cela gêne la France, c’est donc une bonne chose pour le Mali. Vous avez vu à quelle vitesse les sanctions décidées par la Cédéao ont été présentées comme la conséquence d’une instrumentalisation des États ouest-africains par certaines puissances extérieures, en l’occurrence la France !

L’enjeu, pour Paris, est de prendre garde à ne pas se muer en allié objectif de la junte malienne. Chaque fois que la France s’élèvera contre une orientation prise par Bamako, une partie du peuple malien en déduira que c’est parce que ces dirigeants agissent pour le bien de leur pays. Peut-être est-il temps, pour Paris, de laisser Assimi Goïta face à son peuple, qui le jugera sur ce qu’il fait, et non plus sur les apparences de rivalités avec l’ancienne puissance colonisatrice.

Il reste que ces sanctions auront des conséquences pour d’autres États ouest-africains.

Oui, et c’est d’autant moins anodin que les importations et les exportations maliennes représentent le quart, sinon le tiers des activités de certains ports du golfe de Guinée. Plus largement, le poids des commerçants maliens est considérable, dans le chiffre d’affaires de certaines économies ouest-africaines, déjà affaiblies par les conséquences de la pandémie. Aucune aide extérieure ne pourra compenser un tel manque à gagner.

Certains aspects de ces sanctions laissent cependant perplexes. Les textes qui régissent ces institutions autorisent-ils ce qui, vu de loin, donne l’air d’être une confiscation de fonds appartenant au peuple malien ? Par ailleurs, n’était-ce pas une maladresse, pour l’UEMOA, que de s’être invitée en terre ghanéenne pour décider de sanctions aussi importantes, surtout lorsque l’on connaît les réticences des anglophones par rapport à la Zone franc ?

La manifestation contre les sanctions est devenue un meeting de soutien à Assimi Goïta, magnifié par le Premier ministre, paraît-il.

Choguel Maïga est arrivé en tenue militaire et, d’emblée, a annoncé que le destin de l’Afrique se jouait, à l’instant, au Mali. Et d’égrener les soutiens qui leur arrivaient de partout… de toute l’Afrique, et de bien au-delà. Il a alors chanté les louanges d’Assimi Goïta, avec une ferveur telle que nul n’oserait questionner la sincérité de tant de révérence.

« Nous n’avons peur que de Dieu et du peuple malien »… Fort heureusement, conclut-il, « Dieu et le peuple sont avec le gouvernement de transition ».

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Jean-Baptiste Placca

 

 

 

 

 

Source : RFI

 

 

 

 

 

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