« La Mauritanie est le seul pays du Sahel à avoir su chasser les terroristes »

La Croix  – Entretien – Dans le Sahel, la Mauritanie est le seul pays à ne pas avoir connu d’attaques djihadistes depuis 2011. Une exception régionale sur laquelle revient le général mauritanien Saidou Dia, ancien directeur du cabinet du commandant de la Force conjointe G5 Sahel.

Entre 2005 et 2007, le groupe Al-Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) a lancé une série d’attaques dans des pays du Sahel, dont la Mauritanie. Nous avons pris le temps d’étudier ces terroristes. Qui étaient-ils ? Quels étaient leurs modes d’action, leur organisation, leurs ressorts, leurs financements, les lieux qu’ils occupaient ?

Sur cette base, nous avons ensuite développé une stratégie globale. Nous avons créé un cadre juridique pour qualifier ces attaques, arrêter et juger rapidement les terroristes. Nous avons apporté une réponse économique et administrative dans les zones vulnérables d’où ils opéraient : renforcer la présence de l’État et les services de base. Nous ne voulions plus leur laisser des espaces où ils puissent entrer en contact avec les populations.

Et sur le plan militaire ?

S. D : Nos actions ont été renforcées par un dispositif militaire et sécuritaire, dont les unités méharistes du Groupement nomade (GN). Montées sur dromadaires, elles prolongent la présence de l’État dans les zones enclavées. Les méharistes surveillent, renseignent et protègent les populations, ils assurent les soins médicaux, le curage des puits, exercent certaines fonctions de police judiciaire.

Nous avons aussi créé des groupements spéciaux d’intervention : ils disposent d’une grande puissance de feu, sont rapides et autonomes. Les routes sont surveillées par des moyens aériens, dès que les terroristes les empruntent on le sait et on les neutralise. Notre dispositif est complété par des patrouilles et l’instauration de postes fixes de contrôle des identités à la frontière.

Vous vous êtes aussi attaqué aux motivations et justifications théologico-politiques de ces groupes.

S. D : Grâce à notre stratégie sécuritaire, nous avons démantelé 45 cellules dormantes dans Nouakchott. Parmi les terroristes arrêtés, il y avait leurs leaders religieux. Nous leur avons envoyé nos plus grands imams, ceux dont la renommée est mondiale afin qu’ils discutent doctrine entre eux.

Ils ont dialogué sur les ressorts religieux de leurs actions, les aspects juridiques sur lesquels ils s’appuient pour agir et recruter de nouveaux adeptes. Aux termes de ces discussions, plus de 95 % des terroristes se sont repentis. Ils sont aujourd’hui très bien insérés dans notre société. Ils ont bénéficié d’un programme d’intégration à leur sortie de prison qui a très bien fonctionné.

Quels étaient les points de discussion doctrinale ?

S. D : Le rapport à l’étranger. Pour ces terroristes, la charia les autorisait à les prendre en otages, à les tuer car ils étaient des mécréants. Nos grands théologiens leur ont démontré que leurs principes n’étaient ni dans le Coran ni dans les autres sources du droit musulman.

Ils leur ont montré que la charia imposait de protéger l’étranger. Pour lutter contre ces lectures erronées du Coran, nous avons décidé d’enseigner dans nos écoles notre rite, c’est-à-dire le sunnisme, un rite médian et tolérant, afin de les prémunir de toute dérive idéologique qui les conduirait au terrorisme.

Un sunnisme salafiste. Or, le salafisme n’est pas particulièrement réputé pour son goût de la tolérance.

S. D : Vous vous trompez. Le mot salafisme n’a pas le même sens à Paris qu’à Nouakchott. Pour nous, il est un mot arabe qui veut dire « les anciens » et non une idéologie extrémiste qui pousse à l’intolérance et à la violence.

Nous sommes des salafistes car nous nous inscrivons dans le sillage des compagnons du Prophète, nous professons leur islam. Or, ils étaient tolérants, ils coexistaient avec les « gens du Livre » sans problème.

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Recueilli par Laurent Larcher

 

 

 

 

 

Source : La Croix (France)

 

 

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