Tribune : 28 novembre, tout un évènement !

 Initiatives News – Pendant longtemps, j’ai senti entre le désir ardent d’oublier, de faire comme si de rien n’était.  Un peu à l’image de la petite fille terrifiée par les ombres de sa chambre croyant dur comme fer, déceler des monstres et que fermer les yeux très fort, très très fort, pourrait les faire fuir, à stopper  et à faire arrêter ces fantômes.

Et la peur atroce, avec la boule au ventre d’oublier, et de perdre mon âme, mon humanité parce que j’aurais fait un effacement de l’ensemble du vécu d’une partie des miens, de mes compatriotes, des citoyens de mon pays, niés jusque dans leur droit d’exister. Normal me diriez-vous, car qui n’a pas peur d’une amputation ? Personnellement, j’en suis terrifiée !

083-93 serait apparemment la solution pour nos autorités. Amnistie, ils ont dit. Amnésie, ils prônent, Une injonction à ma mémoire et à mon esprit de procéder à une perte partielle ou totale, et ce, juste parce que pour les connaisseurs, et pour notre bien-être commun, c’est ce qu’il y a de meilleur. Juste parce qu’ils l’auront dit, les souffrances, les manques, les absences, les traumatismes et la douleur s’évanouiront.

Bravo messieurs, mesdames, mes frères et sœurs !  Quelle grande capacité que la vôtre. Le choix de l’oubli volontaire. Eh bien, chers tous et toutes, apprenez que décréter un oubli ne suffit pas ! Ne suffit plus. Pas à ma mémoire. Pas à ma conscience et encore moins à mon inconscient. Mon subconscient s’y refuse et fait bloc.

Est-ce de ma faute ? Quelle est la peine encourue parce que j’ai fait usage de mon objection de conscience ? Mon incapacité est-elle un aveu de culpabilité ?

Les réminiscences sont violentes quand  elles sont faites de douleurs et d’atrocités cauchemardesques. Que les cauchemars ne se limitent pas aux profondeurs de la nuit et du sommeil mais deviennent une continuité du quotidien. Car qu’y a-t-il de plus affligeant que de souffrir et de n’avoir aucun droit à le faire entendre. Même pas crier, même ne pas faire entendre un écho lointain et évanescent de notre désespoir.

En lieu et place du silence -clémence, pardon, absolution, indulgence, grâce absoute, oubli imposé – j’aimerais bien avoir le choix de mariner dans ma misère et ma douleur en paix.

A défaut d’empathie,  que l’indifférence soit la seule réponse à ma souffrance.

Merci de m’ignorer ! Il n’est tout de même pas trop demandé que de souffrir en Paix. Rien de plus.

J’ai découvert une évidence parentale à travers nos enfants, le temps n’efface rien et qu’à la place de l’oubli, ils auront une meilleure analyse de notre vécu. Une meilleure compréhension grâce aux écrits, à la magie des réseaux sociaux et surtout au recul de l’histoire.

Alors à toutes les bonnes volontés, soyez tranquilles, notre mort n’éteindra rien de notre écran funeste du passé si présent. Seulement que les vérités se feront plus ardentes, impossibles à panser par la purulence.

J’ai un profond attachement à la Mauritanie, à ma Mauritanie devrais-je dire. J’en suis même amoureuse. Et aussi douloureuse que puisse être cette idylle, il n’y a rien ni personne qui pourra m’en départir. Elle m’accompagnera à ma tombe à l’heure dite. Voilà pourquoi je rejette avec la dernière énergie du désespoir, le degré zéro de la citoyenneté qu’est l’indifférence et que, par ailleurs, je réclame à défaut de l’empathie du miroir mental et sociétal dans lequel chacun se refléterait en l’autre, dans une Mauritanie rêvée mais pour l’heure, couchée à plat ventre. Une gestation douloureuse y a laissé ses stigmates.

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Djeinaba Yéya Touré

 

 

 

 

 

 

Source : Initiatives News (Le 27 novembre 2021)

 

 

 

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