Note de lecture : Bravo mon frère en « nez » d’avoir « épaté » le monde par ta plume !

Initiatives News – Il s’appelle Mohamed. Il est Musulman de nom, noir de teint. Il est le prix Goncourt,

l’antichambre du Prix Nobel de littérature, pour cette année 2021. Il n’a que 31 ans seulement, Mach’Allah. Bravo mon frère en « nez » d’avoir « épaté » le monde par la seule force de ton talent.  Tellement, mais tellement fière de ta performance.

On aime ou on n’aime pas, selon sa capacité de compréhension et sa possibilité à voir au-delà du simplisme érigé en modèle par le virtuel et son monde. Il n’a pas que du talent, il a le Graal du don en plus. Du génie à l’état pur et ça fait plaisir

N’est pas Mbougar qui veut!

N’est pas Mbougar qui veut. Son génie réside en grande partie dans la transgression et un affranchissement résultant de deux mondes irréconciliables mais capables d’accoucher d’un chef-d’œuvre, ‘’ La plus secrète mémoire des hommes’’. Une capacité de projection jusque dans le devenir de ce qui va être et qui s’avère finalement. Mbougar a prédit les gros titres et adjectifs qui allaient lui être attribués, des attributs communs et éphémères, surfaits et destructeurs, affublés à tout africain qui parait être plus que son assignation première. Celle de taire son génie dans les ténèbres. N’est-ce pas Senghor qui dit que :’’ l’émotion est nègre et la raison est héléne’’, rendant cette piètre assertion véridique. Verdict pour les cœurs et les esprits les plus obtus.

Il est vrai que de premier abord, il peut être douloureux de lire cette œuvre. On en ressent de la colère, de l’indignation, de la tristesse, de la douleur voire du dégoût. Voilà pourquoi, dès le début, je me suis dite, pour la lire entièrement, je me dois d’être têtue, persévérante, pugnace, et avoir une forte aversion pour le goût de l’inachevé.  Voilà la trame de la plaisante violence que je me suis faite.

Un livre volcan, un tourbillon…

‘’ La plus secrète mémoire des hommes’’ est une éruption volcanique, un tourbillon de l’inattendu car hors des canaux classiques de l’écriture. Il n’y figure aucune trame habituelle de l’écriture, on ne connaît pas vraiment l’histoire, on ne peut pas prédire la fin, les évidences sont trompeuses et le clou c’est qu’il ne se prête pas à la lecture en diagonale encore moins à l’impatience.

L’œuvre n’est pas complexe, elle est profonde. Il ne parle pas de quelqu’un. C’est de la littérature. Ses personnages ne sont pas que des êtres de chairs et de sang comme on l’imagine mais tous les tourbillons que le roman, l’écriture, la littérature ont connu sur cent (100) ans et dans différents continents.

Eh oui le récit s’étend sur une centaine d’années sur différents évènements comme : l’envahissement de notre culture, la colonisation, l’impérialisme, les deux grandes guerres, l’holocauste, la révolution argentine, la gouvernance de nos états africains, la régression et la décadence européenne.

Aussi la grandeur, oui la grandeur africaine ! Notre capacité de relèvement même s’il déteste ‘’la résilience’’, certainement un clin d’œil aux programmes dit de développement qui pullulent sous nos cieux. Il y relate la force de nos valeurs ancestrales, nos mythes, nos fois ; une belle déclaration d’amour en conclusion pour l’Afrique et le Sénégal en particulier. Il répond sans le dire et défait cette idéologie qui dit et nous tympanise avec ‘’ le français, langue étrangère’’. En cette période trouble dans notre pays, ceci parle particulièrement à une mauritanienne comme moi.

Elimane, Siga D, Diégane, Assane-Paule, Ousseynou, Mossane et tous les autres ne sont que ce que nous voulons qu’ils soient, presque une révélation des pensées les plus intimes de tout un chacun, enfouie dans les abysses de nos âmes.

Il le dit en préambule, en d’autres termes, mais le sens reste intact : l’œuvre n’appartient absolument pas à son auteur, elle le transcende, chaque lecteur lui redonne naissance, lui redonne vie. Donc je pense que les différentes interprétations que son œuvre suscite sur la toile et dans les médias ne sont qu’une prémonition de sa ferme conviction de départ. Il a anticipé les interprétations infinies de ses lecteurs et détracteurs.

la plus secrète obsession mêlée de peurs et d’angoisses

Ces derniers, majoritairement sur la toile, ont voulu le guillotiner, asphyxier son œuvre, telle une vilaine araignée qui s’enfile sur sa proie. Comment peut-on juger une œuvre qu’on n’a pas lue intégralement ou même partiellement ?  Hélas, une paresse intellectuelle à l’air du vide est passée par là !

’La plus secrète mémoire des hommes’’ a permis, entre autres prouesses, de déterrer à l’insu des uns et des autres – paroliers, grands critiques, inconnus, la plus secrète obsession mêlées de peurs et d’angoisses dans leur bas-fonds.

Je le dis pour les frileux de la parole et de la bienséance, car dites-moi seulement, que dévoile ‘’la plus secrète mémoire des hommes’’ que nous n’invitons pas dans nos demeures ; que nous n’accueillons pas dans notre intimité familiale ? Sexe, mensonges, trahison, haine, hypocrisie, immoralité, homosexualité, libertinage, novelas, télé réalité, film, séries, cinéma et j’en passe. Merci d’avoir lavé à grande eau notre Afrique et nous africains de tous exotismes, d’avoir ouvert nos perspectives et de nous dire que nos rêves n’ont pas de limites ; que notre épiderme et le ciel sous lequel on naît ne sont pas des restrictions et des limites indépassables ; que les africains ne sont pas bons qu’à danser, rire, faire du sport, amuser la galerie, être membré comme personne, avoir des rondeurs disproportionnées. Rien de toutes ces affabulations.

Ce livre est le plus optimiste de tout ce que je n’ai peut-être jamais lu, jusque-là, car il ouvre les limites du possible. Aucune barrière, aucune chaîne ne tient sous la plume, au royaume de la littérature de Mohamed Mbougar Sarr. Voilà pourquoi on y croise nos peurs profondes, nos envies et nos désirs intimes les plus inavouables mais que la plume de Mbougar laisse libre expression.

J’y vois le dédoublement d’Alfred Musset par la démultiplication d’Elimane. Me revient à l’esprit cet adage populaire : ‘’ en partageant la connaissance, on la multiplie contrairement à toutes les autres mondanités de la vie qui se réduisent quand on les partage’’. A chaque fois, il prospecte en profondeur un pan entier de qui nous sommes dans la conjugaison de nos instincts inavouables.

Au détour de la plume sulfureuse de l’auteur, par moment, on fait la rencontre de nos mythes : le crocodile, les viscères enterrés sous le manguier, la folie, le cimetière, la nudité de Mossane. Aussi de notre background animiste, de l’introduction des fois – musulmanes et chrétiennes – de l’effervescence de la littérature africaine à travers la négritude, la colonisation, du post -colonisation, de la désillusion de nos indépendances, et du regain de révolte de nos jeunes à plus d’affirmation.

Le pied de nez littéraire aux trop pressés de parler

Je salue ce pied de nez littéraire adressé à tous les sachants perdus dans les méandres d’une seconde de gloire virtuelle; ce pied de nez aux trop pressés de parler. Une peur panique de cette urgence et besoin de s’exprimer pour feindre d’exister. Aux ignorants de tout, même méconnus d’eux-mêmes qui finissent par s’imaginer savants au détour d’une perception de quelqu’un d’autre, parés des atours d’intelligence, et dont la répétition donne une ampleur incroyable. Pour donner l’impression d’avoir compris, il saisit l’essence par l’essentialisation.

On ne peut condamner cette œuvre, elle vit et habite en littérature. Je crois que l’auteur a accouché aux forceps de cet ouvrage et que toute la gestation s’est faite au bord d’un précipice. Voilà pourquoi il nous tient en haleine tout du long des pages. L’intrigue y est permanente !

Je suis déjà honteuse d’avoir lu le roman en format e-book mais la faute à trop-plein d’envie de découverte. Mea-culpa. Je ne vais rien vous raconter de plus, faites-y une plongée les yeux grandement ouverts, de l’introspection sans préjugé aucun. Sans jugement à priori.

Je n’y ai vu rien de sexuel. Les séquences d’apparence érotiques ne sont que des invitations de découvertes et de prospections de soi et des autres ; de mondes qui s’interconnectent au fil de l’histoire et des époques.

Elimane n’est l’amant de personne. Il est juste la symbolique de la littérature engagée, de la production littéraire pour le beau, le bien, le politique, l’asservissement, la liberté. Au final, le périple littéraire sur un siècle de nos écrits au fil de l’histoire.

Regardez, la nuit fiévreuse de Diegane et de Siga D, le premier soir qui s’évanouit au fil d’une mélopée que l’on retrouve 400 pages plus loin. Revivez cette nuit dans la capitale entre Ousseynou et Mossane et puis Mossane et Assane-Paule qui engendre Elimane.

 

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TOURE Djeinaba Yeya

 

 

 

 

 

Source : Initiatives News

 

 

 

 

 

 

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