Mauritanie : la députée Kadiata Diallo réagit sur l’adoption de la loi par le parlement sur les symboles nationaux

« Je pense qu’il y ’a une volonté manifeste de soustraire le président de la République et le gouvernement à la critique… »

Au lendemain de l’adoption de la loi sur les symboles nationaux par le parlement, la députée Kadiata Malick Diallo livre sa première réaction à Kassataya et les leçons de ce forcing des parlementaires de la majorité.

« Cette adoption précipitée de la loi c’est peut-être une manière de chercher à masquer les carences du pouvoir et son incapacité à répondre aux attentes des Mauritaniens».

Kassataya : votre réaction sur l’adoption de la loi sur les symboles nationaux ?

KMD : C’est très regrettable que le gouvernement ait insisté pour faire passer ce projet de loi que beaucoup assimile à une volonté de museler le peuple. Lorsque le gouvernement l’a déposé au parlement, à la hâte, au mois de juillet dernier, en fin de session, il y a eu une forte réaction de rejet au sein de l’opinion. Les groupes parlementaires, après concertations ont convenu de renvoyer son adoption à la session suivante pour trouver un terrain d’entente. Et immédiatement après l’ouverture de la présente session, le gouvernement est revenu à la charge, avec autant d’empressement pour demander la programmation de son adoption. À la veille de la séance plénière, la commission en charge de l’étude du projet a convoqué ses membres en réunion, mais s’opposera à l’ouverture de la voie aux amendements. Elle présentera à la séance plénière, un rapport très contesté, parce que n’ayant pas été révisé après la décision du report de son examen lors de la session passée et ne prenant donc aucun compte des discussions qui ont suivi, mais aussi sans même respecter les délais réglementaires de sa mise à la disposition des députés. Je ne comprends pas cette précipitation du gouvernement et la manière bâclée de présentation du rapport par la commission. Ce projet n’avait aucun caractère urgent et ne comble aucun vide juridique. On comprend aisément qu’il y a une volonté manifeste de soustraire des responsables publics comme le Président de la République et ceux qui ont la charge de gestion des biens de l’état à la critique, de consacrer l’impunité pour les forces qui se rendront coupables d’actes de répression et de tortures.

Kassataya : avant cette adoption, l’opposition parlementaire avait claqué la porte pour des raisons de procédures judiciaires. Comment expliquez-vous ce positionnement de l’opposition ?

KMD : Les députés de l’opposition ont été contraints de se retirer de la réunion de la commission d’abord parce qu’ils ont été privés de leur droit à proposer des amendements au texte du projet de loi qui devait être réouvert à la discussion après la suspension de son étude à la session précédente. Ils se sont aussi opposés à l’étude de projet, sans le respect du délai réglementaire, de distribution du rapport de la commission aux députés, ce qui a repoussé la plénière de vingt-quatre heures. Ils se sont aussi retirés de la plénière après avoir exprimé dans le débat, leur rejet de ce projet. C’est une manière plus forte d’exprimer son refus que de le faire par un simple vote.

Kassataya : Pensez-vous que cette sortie de l’opposition a vraiment influé sur les résultats de la commission justice-intérieur-défense ?

KMD : Les députés ne se sont retirés de la réunion de la commission qu’avec l’obstination de la majorité de celle-ci de les priver de leur droit de présenter des amendements et son refus de prendre en considération leur point de vue. Donc on peut dire qu’aussi bien pour la commission que pour la séance plénière, une majorité mécanique a permis de faire passer un projet de loi, largement rejeté par l’opinion publique nationale.

Kassataya : Quel impact cette nouvelle loi pourrait avoir sur le dialogue national en perspective ?

KMD : posez peut être la question à ceux qui croyaient au dialogue ou à la concertation comme le dit le pouvoir. Pour moi, cette manière cavalière de faire passer un tel projet, très controversé me renforce dans mes convictions qu’il n’y a pas de changement dans le mode de gouvernance et par rapport aux partenaires au dialogue, ça sonne comme une provocation.

Kassataya : quelles leçons tirez-vous de cette loi sur les symboles?

KMD :  Je pense d’abord que cette loi constitue un recul de la démocratie et particulièrement la liberté d’expression.

Ensuite, c’est peut-être une manière de chercher à masquer les carences du pouvoir et son incapacité à répondre aux attentes des Mauritaniens

Il faut noter d’ailleurs que le gouvernement n’a pas attendu l’entrée en vigueur de cette loi pour réprimer les blogueurs et ceux qui dénoncent les malversations. Mais il sera confronté à la réalité du contexte qui n’admet plus qu’on étouffe les libertés.

 

 

 

Propos recueillis par Kane Chérif

 

 

 

 

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