A Dakar, une journée politique sous haute tension

L’arrestation des trois figures de l’opposition Barthélémy Dias, Ousmane Sonko et Malick Gakou a provoqué, mercredi, la colère de leurs partisans dans les rues de la capitale sénégalaise.

Le Monde – Des pneus en flammes ont brièvement bloqué la VDN (voie de dégagement nord) un des axes principaux de Dakar, mercredi 10 novembre après-midi, en pleine heure de pointe. Ils avaient été allumés par des militants qui demandaient la libération de trois figures de l’opposition : Ousmane Sonko, leader du Pastef, Malick Gakou ex-ministre et président du Grand Parti, et Barthélémy Dias, candidat à la mairie de la capitale sénégalaise.

Tous trois avaient été interpellés un peu plus tôt dans la journée, alors que Barthéméy Dias se rendait au tribunal pour une audience en appel dans une affaire de meurtre qui remonte à 2011. Dispersés par les gaz lacrymogènes de la gendarmerie en fin de journée, les manifestants se sont rapidement calmés après l’annonce de la libération des trois hommes.

 

Cette journée heurtée intervient au lancement d’une séquence électorale à haut risque pour le pouvoir : scrutins municipaux et départementaux le 23 janvier 2022, qui constitueront le premier test électoral depuis la réélection de Macky Sall à la présidentielle de 2019, puis les législatives en juillet. Elle ravive également le spectre des affrontements meurtriers du mois de mars qui s’étaient déroulés dans des circonstances comparables.

« Un complot »

Les incidents de mercredi ne sont pas une surprise. Depuis quelques jours, Barthélémy Dias appelait ses bouillants partisans à « envahir le tribunal » le jour de sa convocation. Maire d’une commune d’arrondissement de la capitale, il doit être jugé en appel avec d’autres prévenus pour la mort en 2011 de Ndiaga Diouf. Ce lutteur décrit comme un homme de main du régime de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012), avait été tué par balle alors que la mairie de Barthelemy Dias était attaquée dans un contexte de contestation grandissante contre la candidature du président sortant.

Barthélémy Dias dénonce aujourd’hui « un complot » et une « instrumentalisation de la justice » dans le but de torpiller sa candidature à la mairie de Dakar, fief de l’opposition. Celui qui vient d’être désigné pour porter les couleurs d’une vaste coalition politique est persuadé que le pouvoir cherche « tous les moyens pour ne pas organiser les élections le 23 janvier 2022 ».

 

Mercredi matin, Barthélémy Dias était en route vers le palais de justice − accompagné d’un cortège de militants et de plusieurs leaders politiques dont Ousmane Sonko et Malick Gakou − quand il a appris que l’audience avait été reportée au 1er décembre. Convocation à laquelle il a déjà prévu de ne pas se rendre. Bloqué par les forces de l’ordre durant près d’une heure non loin du tribunal, il a rebroussé chemin pour rentrer chez lui. C’est alors que des incidents ont éclaté entre militants et forces de l’ordre. Quelques gaz lacrymogènes ont été tirés, des voitures abîmées et des personnes blessées, selon plusieurs membres de l’opposition. Les trois hommes politiques ont été embarqués dans un fourgon de la police et emmenés au camp Abdou Diassé.

En mars, on avait assisté à un scénario étrangement comparable. Ousmane Sonko avait alors été interpellé pour « troubles à l’ordre public ». Lui aussi se rendait en cortège vers le palais de justice où il était convoqué pour une très embarrassante affaire de « viol avec menaces » dans un salon de massage. S’en étaient suivies de violentes émeutes qui avaient fait une dizaine de morts. Lui aussi avait dénoncé un « complot » pour l’écarter de la scène politique. Ousmane Sonko, héraut de la lutte contre la corruption du régime et la mauvaise gouvernance, a déboulé récemment sur la scène politique sénégalaise. Très populaire auprès des jeunes, des classes populaires et de tous ceux qui aspirent au renouvellement de la classe politique, ce trublion avait surpris tout le monde en arrivant en troisième position à la présidentielle de 2019 (16 %).

« Apprentis pyromanes »

« Je savais que cela recommencerait », lançait, mercredi soir, Leslie Lopez. Ce membre du Pastef avait passé la journée dans le cortège de Barthémély Dias. En mars aussi il avait manifesté. Alors que les trois leaders étaient toujours en état d’arrestation, des membres de la coalition dont ils font tous partie, Yewwi Askan Wi, avaient tenu une conférence de presse au ton véhément. Khalifa Sall, pourtant considéré comme un modéré, appelait les jeunes à la « résistance (pour) que nos camarades ne passent pas la nuit dans un commissariat ». Cet ancien maire de Dakar a subi les foudres d’une justice sénégalaise controversée, condamné en 2018 à cinq années de prison par une cour spéciale à l’issue d’une procédure critiquée par les organisations de défense des droits humains pour « escroquerie aux deniers publics et blanchiment de capitaux », avant d’être gracié.

La libération des trois hommes a été saluée par les militants et les responsables de l’opposition. « Notre mobilisation a porté ses fruits », s’est félicité Déthié Fall, mandataire national de la coalition Yewwi Askan Wi. « Je suis tellement content que nos otages soient libérés, on a besoin de sang neuf et de changement. Nous voulons la paix et nous sommes prêts à nous sacrifier pour l’obtenir », criait Momo, 28 ans, à l’arrivée de son idole politique, Ousmane Sonko, au domicile de Bartyhélémy Dias.

Devant une meute de journalistes, le turbulent Ousmane Sonko a dit vouloir la paix « mais pas à n’importe quel prix ». « Si Macky Sall ne l’a pas compris, je ne pense pas qu’il terminera son mandat », a-t-il ajouté, menaçant.

 

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Source : Le Monde

 

 

 

 

 

 

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