J’ai été arrêté le 14 octobre 1986 vers 19 heures. Mon domicile a fait l’objet d’une persécution brutale et systématique, au cours de laquelle rien ni personne n’a été ménagée : ni moi-même bien sûr, ni mon épouse, ni notre enfant âgé alors de moins d’une année. Les hommes du commissaire sont tombés sur des documents en pulaar. Cela suffisait à leurs yeux comme pièces à conviction.
J’ai été conduit à l’ancienne sixième région militaire au 1er arrondissement où je suis arrivé vers 20 heures. J’ai été accueilli par Deddahi et Kerrani. Visiblement fatigués par une longue journée de tortures exercées sur mes malheureux prédécesseurs, ils me confièrent au sinistre brigadier Cheikh assisté de deux jeunes agents de police impolis et sanguinaires. Ils les chargent de me « préparer pour le lendemain ». Et Deddahi qui voulait s’ assurer que son cynique message est saisi dit au brigadier Cheikh : » j’espère que tu as compris ce que je veux » ?
« Parfaitement, mon commissaire » répondit le brigadier.
Je savais dès lors à quoi je pouvais m’attendre. C’est à dire à tout, sauf à une soirée tranquille. J’eus droit à une séance de « jaguar » durant laquelle les trois policiers se sont acharnés sur la plante de mes pieds suspendus en l’air, les tabassant à sang avec des matraques jusqu’à ce qu’évanouissement s’ensuive. C’est le moment choisi par mes bourreaux pour me jeter dans une fosse sceptique. C’est là, et dans ces conditions que j’ai passé ma première nuit de prison.
Le lendemain matin je fus présenté à Deddahi et Kerrani qui, d’entrée de jeu, commencèrent à se moquer de moi : « mon cher ami l’académicien (c’est ainsi qu’ils m’appelaient quand ils surent que j’étais inspecteur des sciences physiques), j’espère que la nuit vous a porté conseil et que vous allez nous dire ce que l’on veut savoir et ainsi on vous laisse tranquille. Sinon, sachez que nous avons reçu l’ordre de vous fusiller » me lancent-ils, sans s’embarrasser de formule.
Je leur pose alors la question suivante : « Que voulez vous savoir au juste » ?
Deddahi répond sans détours : « Nous savons que Ba Mamoudou Samboly, Ba Bocar Alpha et Kane Tidiane entre autres sont derrière votre mouvement. Nous voulons des aveux circonstanciés. Après quoi, vous êtes libre »
Je leur répondis tout simplement qu’ils se trompaient de personne en pensant qu’ils pouvaient me faire inventer des monstruosités pour incriminer des personnes honorables.
Deddahi réplique en ces termes : » Bien. C’est ce que l’on va voir ».
Il appela le sinistre brigadier Cheikh, qui se présente, accompagné toujours de ses deux agents impolis et sanguinaires. Le commissaire leur intime de m’amener pour une deuxième séance de jaguar. J’étais alors presque sans vie. Mais j’étais loin d’inspirer pitié au commissaire tortionnaire. Au contraire ma condition l’amusait. Les scènes de tortures avaient quelque chose de jouissif pour le duo satanique Deddahi-Kerrani.
Après de longues minutes de tortures, les deux hommes se présentent à moi et me demandèrent : « Alors l’académicien ! Tu n’as toujours rien à nous dire ? »
Je leur réponds que je n’avais rien à dire sur ce qu’ils me demandaient et que je n’étais au courant d’aucune action entreprise par ces messieurs pour aider notre mouvement.
C’est après cela que Daddahi demanda à un inspecteur nommé Hassan de recueillir ma déposition finale.
A travers ces lignes je tenais à apporter mon témoignage sincère et sur les conditions atroces de mon arrestation et apporter un démenti formel aux propos mensongers du commissaire tortionnaire Deddahi Ould Abdallahi qui a tenté dans sa récente interview avec le site Al fikr une ultime fuite en avant pour soulager sa mauvaise conscience.
Mamadou Bocar Ba
Ancien pensionnaire de la prison de Walata. Ancien membre des FLAM
Suggestion kassataya.com :
Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com