Concertations sur la réforme du système éducatif…. / Par Mariem Derwich

Tout compte fait, tout n’aura tourné qu’autour de la langue de l’enseignement, dans un pays qui n’a jamais vraiment pensé son histoire ni sa citoyenneté autrement qu’avec un regard idéologique et nationaliste, donc fortement biaisé, à la limite de la caricature d’une partie de l’intelligentsia qui se cherche un profil « hors Afrique », arc boutée sur une appartenance à un entité difficilement appréhendable, le « monde arabe ».

Arabe, français ? Français, arabe ? En elle-même une langue n’a jamais fait de mal à personne. Elle est véhicule, transmission, savoirs.

Elle ne devient assassine que lorsqu’elle est exclusive. L’arabe est une langue magnifique, aujourd’hui rendue laide par les nationalismes étroits.

Dans la conception d’une Nation Une elle sert de déversoir à l’exclusion de l’Autre fortement teinté de  » Tu es moi ou tu pars ».

Bien sûr qu’il faudra une langue ou DES langues d’enseignement afin de revenir dans le concert mondial, nous frayer un chemin dans le futur et non plus fantasmer un passé arrangé à toutes les sauces nationalistes.

J’entends ici et là des arguments dangereux et ineptes tels que  » nous devons utiliser l’arabe car langue du Coran »…

Ne construit-on une Nation et une citoyenneté qu’à l’aura d’une Foi et devons nous faire de la langue seulement un véhicule religieux ?

Je rappelle à tous ceux qui « communautarisent » l’arabe au motif qu’il serait « religieux », que même si le dernier Message fut transmis à un Arabe, notre mémoire religieuse musulmane fourmille d’envoyés et de messagers qui ne parlaient qu’araméen ou assyro babylonien. Issa en est un exemple fort. Ou Younés ( Jonas, etc etc… Juifs et parlant araméen je le rappelle). Serait ce donc dire que nous pourrions utiliser l’araméen comme moyen de citoyenneté? Pourquoi pas d’ailleurs? Puisque que, dans la réthorique actuelle qui veut imposer l’Arabe, nous mélangeons le fait religieux au fait social.Et utilisons le biais d’un pensée religieuse comme vectrice seule d’une citoyenneté…

Idée pas plus absurde que celle d’utiliser l’arabe…

Dans ce débat stérile et fortement politique il aurait été plus constructif de dépasser ces arguments, de s’éloigner du « fait religieux » comme moteur pour penser le « fait citoyen ».

Nous ne survivrons que dans le monde, ouverts à la mondialisation. Nous ne survivrons que si nous construisons, si nous osons, si nous nous dépoussiérons.

Nous survivrons que si nous sommes capables d’inventions, de créations, de contacts avec les autres. Nous ne survivrons que si nous sommes forces de propositions, capables d’échanger avec les autres, d’être moteurs et non plus simples spectateurs d’un monde qui va plus vite que nos petits débats idéologiques.

Pourquoi ne pas enseigner l’arabe et le français en même temps, pourquoi ne pas faire de nos enfants ceux qui nous rappelleront au monde quand notre génération aura disparu, toute confite qu’elle est dans un repli sur soi identitaire?

Ne choisir que l’arabe comme seule langue idéologique c’est transmettre une pauvreté intellectuelle, un rétrécissement du « penser le monde avec ses mots ». Une seule langue c’est pitoyable.

Mais c’est surtout, si nous acceptons l’idée d’une seule langue fantasmée, tuer l’autre, dans notre pays qui est multiple.

Si l’idéologie prime alors demain, dans 100 ans, dans 1000 ans nous aurons oublié que notre pays est mosaïques. Nos descendants ne se réclameront, école « républicaine » oblige, que d’une seule arabité, oubliant toutes les autres communautés.

Et c’est ainsi que les peuples disparaissent : quand on efface leurs langues.

Je n’oppose pas l’arabe au français. C’est stérile. Et dangereux. Et, tout compte fait, raciste. Je les mets ensemble.

Comme je dis qu’il faut aussi enseigner les autres langues. Pour que nos enfants n’oublient pas que la Mauritanie est aussi Hal pular, Soninké, Wolof, berbère, maure. Et pas seulement une nation arabe.

Je n’ai pas la prétention de proposer un modèle réformateur.

Je dis juste que construire une citoyenneté étroite c’est exclure l’Autre, cet Autre qui est aussi moi dans ce pays ,notre pays.

Je dis juste qu’effacer au nom d’un nationalisme arabe dépassé tout un pan de nos sociétés c’est porteur de révoltes.

Je dis juste que nous devons trouver le bon compromis entre un ciment commun et notre humanité.

Se revendiquer exclusivement arabe ne fait pas de nous des arabes. Cela fait de nous des apatrides de la mémoire, des exilés dans notre propre vie, dans notre histoire.

Je dis juste que ce discours nationaliste est has been.

Redonnons vie à l’Institut des Langues Nationales. Rendons leur noblesse à toutes les langues qui nous façonnent, ouvrons nous au monde avec des langues internationales.Ces langues internationales, l’arabe et le français, qui font aujourd’hui partie, quoi que l’on dise, de notre histoire. À nous d’en faire des forces et des segments.

Mariem Derwich

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