Agronomie – LEUR LABO EST ICI, LEUR TERRAIN EN AFRIQUE

Ibra Touré, Amah Akodewou et Lucrèce Nlend Nkott sont chercheurs au Cirad à Montpellier. Leur motivation : conduire des études utiles aux populations africaines.

Lucrèce Nlend Nkott est arrivée en France en 2016 pour faire une thèse, qu’elle soutiendra en juillet, après cinq ans de formation en agro-économie au Cameroun. À 28 ans, la doctorante explique s’être orientée vers le secteur agricole car « il rassemble une grande partie de la population africaine, et c’est un levier de développement économique et social ».

« J’ai envie de faire quelque chose qui aide ma communauté de façon générale. » Elle estime par ailleurs que « c’est un secteur d’activité pluridisciplinaire, qui prend en compte les aspects agronomiques, économiques, sociologiques, politiques, anthropologiques, psycho- logiques, etc., ce qui le rend d’autant plus exaltant ». La ville de Montpellier regorge de laboratoires de recherche particulièrement réputés en agronomie, ce qui a attiré Lucrèce Nlend Nkott. Comme elle, Ibra Touré et Amah Akodewou travaillent au Centre de coopération internationale en recherche agro- nomique pour le développement (Cirad), considéré comme un pilier dans ce secteur.

 

Respectivement originaires du Cameroun, de Mauritanie et du Togo, ces scientifiques se plaisent à Montpellier, « une ville où il fait bon vivre ». Pour autant, ils n’ont jamais perdu de vue leur objectif pré mier : mener leurs travaux de recherche en Afrique.

Une recherche au service du continent africain. Embauché au Cirad en 1996, Ibra Touré est géomaticien spécialiste des questions de pastoralisme, « un système d’élevage mobile dans les zones arides et semi- arides, qui va à la recherche des pâturages en fonction des saisons ». À la frontière entre la géographie et l’informatique, « la géomatique, c’est l’aspect système d’information, et qui dit information dit action ». Aujourd’hui, le but de ses travaux de recherche est « de donner des arguments ou des informations en mesure d’aider la politique de développement ».

Si son oncle géologue a nourri chez lui un certain intérêt pour les cartes, Ibra Touré a aussi choisi cette voie car il y avait « un besoin d’enseignants et de chercheurs autour de ces questions de géographie et d’aménagement d’espaces » en Mauritanie.

Écologue forestier, Amah Akodewou a orienté son cursus de formation vers un poste qui lui permet d’aider « les populations, ou le Togo, à mieux gérer leur écosystème forestier naturel ». Grâce à ses travaux de recherche, cet amoureux de la nature et fervent défenseur de sa conservation espère ainsi « contri- buer, autant que faire se peut, à la résolution des pro- blèmes environnementaux ».

Avec son travail au Cirad, il s’intéresse « à la restau- ration des écosystèmes dégradés et à la gestion des ressources naturelles, particulièrement des arbres dans les paysages des zones sèches ». Il s’agit « d’abord d’accompagner les populations pour leur permettre de répondre à leurs besoins » toujours avec une dimen- sion de conservation de la nature.

Décrocher un poste en France pour exercer en Afrique ? Les postes que chacun d’entre eux occupe au sein du Cirad leur permettent d’intervenir dans divers pays d’Afrique. Pour autant, ils n’avaient pas forcément imaginé que leur carrière se dessinerait ainsi.

« Je suis arrivé en France en novembre 2015 dans le cadre de ma thèse. À l’époque, je n’avais pas dans la tête de venir pour rester. » Après sa maîtrise en sciences de l’environnement, Amah Akodewou quitte le Togo pour faire son doctorat.

 

Avec la bourse togolaise qui lui est délivrée, il doit trouver un laboratoire d’accueil. L’unité “ forêt et société ” du Cirad répond favorablement à sa demande.

Durant sa thèse, il cherche à « comprendre l’influence des activités humaines sur l’évolution ou le changement de la végétation […] dans et autour de l’aire protégée Togodo », au Togo.

En 2019, « après que j’ai soutenu ma thèse, il n’y avait pas de possibilités d’emploi dans mon pays ». Il s’installe donc à Montpellier. En 2020, il mène une activité de consultance pour le Cirad qui lui permet d’intervenir au Ghana et au Cameroun avant d’être embauché à l’automne 2020 en tant qu’ingénieur forestier dans divers pays d’Afrique.

Un schéma qu’a également connu Ibra Touré, arrivé en France en 1989. « J’étais encore jeune, je voulais finir ici et repartir chez moi pour travailler. Mais ça ne s’est pas passé comme ça. » Après une thèse à Nice, il postule et décroche un poste au Cirad à Montpellier. Cette embauche lui permet de partir en expatriation au Sénégal à peine trois ans plus tard. Il a alors pour mission de monter une équipe de recherche sur « l’orientation des pasteurs mobiles et des éleveurs au Sahel, cette bande entre le Sahara et les régions soudaniennes, qui part de la Mauritanie jusqu’à Djibouti et l’Ethiopie ».

 

Légendes de photos :

  1. Lucrèce dans les rizières de
  2. Amah a réalisé des recherches dans différents pays d‘Afrique.
  3. Ibra lors d’une mission sur le pastoralisme au Sénégal.
  4. Au Maroc, Ibra rencontre les éleveurs.

 

 

Bien que Montpellier soit resté son pied-à-terre en France toutes ces années, il ne s’y réinstalle vraiment qu’en 2017 et attend déjà de « repartir pendant deux ans ou trois ans, car le Cirad c’est aussi ça ».

Pour son doctorat, Lucrèce Nlend Nkott s’est intéressée à la question des semences dans deux pays d’Afrique : « J’ai postulé à ce sujet parce qu’il portait sur le Burkina Faso et Madagascar. » Au cours de deux missions, de cinq et six mois, elle a « essayé de voir tous les acteurs qui globalement financent ou accompagnent la production de semences » et ainsi pu rencontrer des interlocuteurs très divers, des producteurs aux chercheurs, en passant par des représentants de ministères et d’ONG.

Par la suite, elle ambitionne de « faire de la recherche appliquée qui ait un impact direct sur les communautés avec lesquelles je travaille. Cela dépendra des opportunités qui s’offrent à moi, mais j’aimerais rester sur des thématiques proches de l’Afrique ». Et de conclure : « Je suis africaine et j’ai envie de rentrer chez moi. »

 

Salomé Benzoni

 

 

 

Le Cirad, quèsaco ?

 

Créé en 1984 sous la forme d’établissement public à caractère industriel et commercial, le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) travaille autour de grandes thématiques comme la sécurité alimentaire, la gestion des ressources naturelles, le changement climatique, la réduction des inégalités et la lutte contre la pauvreté.

L’objectif des opérations menées par cet établissement est double. Il s’agit non seulement de mettre la recherche au service du développement, mais également de produire et diffuser des informations et partager des connaissances. Les domaines d’activités du Cirad touchent autant les sciences du vivant que les sciences sociales ou encore les sciences de l’ingénieur appliquées à l’agriculture, l’environnement, l’alimentation et la gestion des territoires, en partenariat avec plus de cent pays et deux cents institutions du Sud (Afrique, Asie du Sud-Est, Amérique latine, notamment).

 

 

 

 

 

 

Source : Supplément à La Gazette n° 1738 – Du 7 au 13 octobre 2021

 

 

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