« Notre diaspora est une chance » : Emmanuel Macron rend hommage aux binationaux

Le chef de l’Etat a échangé, vendredi 8 octobre, avec onze jeunes lors du sommet Afrique-France qui se déroule à Montpellier.

Le Monde – Et soudain, le ton change. Après plus de 2 h 20 d’explication sans filtre avec onze jeunes, le président de la République se veut un peu moins spontané et plus solennel. En bataillant sur l’immense scène avec Sandrine, franco-tchadienne, et Lova, franco-malgache, Emmanuel Macron tient à passer un message net à tous les binationaux : « Pendant des décennies, on vous a beaucoup expliqué qu’il fallait vous excuser de ne pas être totalement français. Vous êtes totalement français. La France s’épouse par ses valeurs, son histoire, sa langue. » En discutant et parfois en s’accrochant avec Eldaa, burkinabé ; Arthur, ivoirien ; Cheikh, sénégalais et face aux centaines d’Africains assis dans l’atrium, le chef de l’Etat s’adresse, sans détour, à la diaspora : « On vous a entré quelque chose dans l’esprit : ça serait un moins d’être de la diaspora. C’est une énorme erreur. C’est un plus pour vous et pour la France. Notre diaspora est une chance pour ce qu’on a à faire en France et pour nous aider à réussir cette aventure avec l’Afrique. »

Vendredi 8 octobre, au Sud-de-France Arena de Montpellier, le président, dans un exercice qu’il affectionne, a voulu se confronter à la jeunesse de l’autre rive de la Méditerannée lors du sommet Afrique-France, nouvelle formule. En effet, pour la première fois dans l’histoire de ces rencontres, aucun chef d’Etat ou de gouvernement du continent n’a été convié. M. Macron a souhaité mettre à l’honneur la société civile et les diasporas africaines de France pour avoir un dialogue « sincère » et « brutalement honnête », selon les mots d’une participante.

Pas d’excuse

Pendant plus de trois heures, le président a donc débattu sans tabou avec onze « pépites » originaires du Maroc, de Cote d’Ivoire, du Kenya, ou encore du Mali. Avec éloquence, humour et ironie, ces jeunes ont sommé Emmanuel Macron de « demander pardon au continent africain » pour les crimes pendant la colonisation. De ne plus « coopérer et collaborer avec des présidents dictateurs ». Ou de mettre un terme au franc CFA. Ils ont fustigé l’« arrogance », le « paternalisme », le « déni » de la France à ne pas reconnaître et « panser » les douleurs liées au passé. Ils ne veulent plus aussi entendre parler d’« aide » mais exigent d’être considérés comme un « partenaire d’égal à égal ».

Pour « réinventer » une relation « apaisée » entre l’Afrique et l’Hexagone, Emmanuel Macron a dû convaincre, se justifier et clarifier. Pour être clair, il ne demandera pas pardon. « Ce n’est pas ça que je dois faire, c’est trop facile. Je crois à une politique de reconnaissance. Oui la France a une responsabilité immense dans le commerce triangulaire et la colonisation. Elle n’y est pas seule mais elle y a largement contribué, explique-t-il. Ce n’est pas un travail de honte de soi ou de repentance, c’est un travail de vérité. Il n’y a pas de fierté sans vérité. »

Depuis son arrivée à l’Elysée en 2017, M. Macron a cherché à parler à l’Afrique « en se libérant des carcans institutionnels », comme le souligne un de ses conseillers. Pour changer de méthode ou d’approche, il a souhaité – « pour être efficace » – renouveler les interlocuteurs, et transformer les regards entre ces deux voisins. Pour y arriver, il mise essentiellement sur la diaspora. « C’était l’angle mort de notre politique », précise un conseiller de l’Elysée. Car face à la présence accrue de la Chine et de la Russie sur le continent, « nous avons un avantage comparatif par rapport aux concurrents : des millions de Français qui ont une affinité avec l’Afrique. Encore faut-il la mobiliser », ajoute-t-il.

Opposition à Zemmour

Justement, lorsque le chef de l’Etat s’adresse, lors du sommet de Montpellier, à la jeunesse africaine, il parle aussi à celle de la France. M. Macron compte, entre autres, sur ces binationaux pour porter ses messages sur l’autre rive de la Méditerranée. « Notre pays s’est construit dans ce rapport à l’Afrique. Nous avons près de 7 millions de Français dont la vie est intimement, familialement, de manière directe, en première ou en deuxième génération, liée à l’Afrique, insiste le chef de l’Etat. On ne peut pas avoir une France qui construit son propre roman national si elle n’assume pas sa part d’africanité, si elle ne regarde pas à travers ses pages sombres ou heureuses, ses histoires tragiques ou d’amour qui a fait et continue de faire notre pays. »

En cette période préélectorale, les propos du président de la République prennent une autre résonance. Alors qu’Eric Zemmour – encore non-candidat – est mesuré très haut par certains instituts de sondage, M. Macron semble peu à peu opposer son « universalisme » au projet de civilisation du polémiste d’extrême droite qui souhaite, lui, « franciser » les prénoms des nouveau-nés. Lors de son débat avec les jeunes, il a rappelé que « la démocratie, c’est un combat. C’est fragile. Quand les gens pensent qu’on peut changer l’histoire, la falsifier, qu’on peut se mettre à relativiser des valeurs universelles y compris chez nous dans le débat français ». Difficile de ne pas y voir une allusion à M. Zemmour…

 

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Source : Le Monde

 

 

 

 

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