Ligue des champions : entraîneur du PSG, cet animal politique malgré lui

Comme ses prédécesseurs, Mauricio Pochettino compose avec le statut de certains de ses joueurs, comme est venu le rappeler l’épisode très commenté du remplacement de Lionel Messi, contre Lyon le 19 septembre.

Le Monde – Lionel Messi parle peu. Ses professeurs et entraîneurs s’inquiétaient d’ailleurs de ce mutisme lors de ses années de formation au FC Barcelone. Mais la recrue vedette du Paris-Saint-Germain (PSG) sait se faire comprendre sur un terrain. Remplacé à la 75e minute contre Lyon (2-1), le 19 septembre, lors de 6e journée de Ligue 1, il lui a suffi d’un mouvement d’épaule et d’une moue appuyée pour exprimer son désaccord avec le choix de son entraîneur, Mauricio Pochettino.

Depuis, l’Argentin n’en finit plus de se justifier sur sa décision et jure qu’il n’y a pas d’eau dans le gaz avec son compatriote. Peut-être, mais il existe une meilleure approche avant de recevoir Manchester City, mardi 28 septembre, pour un deuxième match de Ligue des champions aux allures de contrôle de niveau pour son équipe. « Leo est un champion, un gagnant, un compétiteur. Il est clair qu’un joueur n’aime pas sortir, a-t-il rappelé au micro de France Bleu Paris, au surlendemain du début de cette tornade médiatique. Mais c’est la responsabilité de l’entraîneur, avec les informations dont il dispose, de prendre les meilleures décisions pour l’équipe et ses joueurs. »

Dans les faits, l’ancien défenseur a sorti par précaution son attaquant, victime d’une « béquille » à la cuisse. Rien d’anormal. Sauf quand on parle d’un sextuple Ballon d’or (forfait à Metz et contre Montpellier dans la foulée). A Barcelone, n’importe quel entraîneur savait que lui indiquer la direction du banc était le plus court chemin vers le licenciement.

Mauricio Pochettino n’en est pas là. Mais pour avoir passé sous silence le coup reçu par Messi en conférence de presse le soir même, il a laissé du jeu pour une autre interprétation ; celle d’un acte d’autorité à destination de son vestiaire, à commencer par Messi, donc, mais aussi Neymar et Kylian Mbappé. Selon plusieurs sources, le natif de Murphy n’aurait pas cherché à démontrer qu’il était le seul shérif en ville. Si démesuré soit-il, l’épisode rappelle que, depuis l’arrivée du Qatar, en 2011, entraîner ce PSG est aussi une affaire politique. Certains des prédécesseurs de Mauricio Pochettino l’ont assez expérimenté pour le théoriser.

 

Le PSG et la République des joueurs

 

A commencer par le dernier, Thomas Tuchel. Ce 20 décembre 2020, il devine peut-être que son avenir au club est menacé, au moment de s’épancher auprès d’un journaliste de la chaîne allemande Sport1. « Suis-je toujours entraîneur ou suis-je un politicien du sport, un ministre des sports ? », s’interroge-t-il, trois jours avant son licenciement. Plus loin, il développe sa pensée : « J’aime juste le football. Et, dans un club comme celui-ci, ce n’est pas toujours juste du football. »

Tuchel tente bien de rétropédaler, d’évoquer une discussion en off, mais il en a déjà trop dit et aggrave son cas auprès du directeur sportif, Leonardo, visé entre les lignes par ce que le technicien désigne comme « de nombreuses influences qui vont bien au-delà des intérêts de l’équipe ». Réputé directif voire cassant à Dortmund, l’Allemand a pourtant essayé de s’adapter à ce vestiaire chargé en ego. Il surjoue ainsi la complicité avec Mbappé ou adopte la câlinothérapie avec Neymar, validant la thèse d’un club où l’entraîneur doit ménager ses stars s’il veut durer.

Dans ce contexte, même passer son tour pour la soirée d’anniversaire du Brésilien est interprété comme une volonté d’adopter un management moins copain-copain. Surtout quand, quatre jours plus tôt (le 1er février 2020), Tuchel a déploré le comportement de Mbappé, ronchon au moment d’être remplacé à 5-0 contre Montpellier. « Si je fais une gestion politique, je suis perdu, car tout le monde va faire pression sur moi… Je vais me retrouver à faire sortir Tanguy Kouassi, parce qu’il est le plus jeune », avançait-il, pas si ironique que cela, lors de la conférence de presse suivant la bouderie du Français.

Le PSG vivrait-il sous le régime de la « République des joueurs » ? Unai Emery l’a formulé d’une autre façon. Non reconduit au terme de sa seconde saison, en 2018, l’Espagnol livre un entretien passionnant au site The Tactical Room, dans lequel il admet ne pas avoir fait le même métier à Paris qu’à Séville ou Almeria. « Je sais quand je suis le principal responsable au sein d’un groupe et quand je ne le suis pas… Dans chaque club, tu dois savoir quel rôle tu occupes et quel rôle te confie le reste du groupe. Mon opinion est qu’au PSG le leader s’appelle Neymar. »

 

« Malléable et capable de s’adapter »

 

Les choses sont dites. Et depuis, Messi est arrivé, et Mbappé a continué à s’émanciper. Dans sa démonstration, Emery évoquait des clubs où le pouvoir émanait d’un président (le Real Madrid de Florentino Perez), d’autres d’un joueur (Barcelone avec… Messi, à l’époque) et certains quand même de l’entraîneur. Dans cette catégorie, il rangeait Manchester City et son manageur, Pep Guardiola. « L’une de ses chances à City, c’est de ne pas avoir une figure majeure à laquelle se plier. Il a de grands joueurs qui, lors du moment de vérité, ne font plus qu’un », développait l’actuel entraîneur de Villarreal.

D’ailleurs, Pep Guardiola n’a pas profité de sa stature d’ancien mentor de l’Argentin pour le recruter alors que, son divorce acté avec le Barça, les Citizens étaient l’autre destination possible pour lui. Il existe d’autres explications possibles entre le peu de goût de la femme de Messi pour le nord de l’Angleterre ou les 118 millions d’euros déjà investis sur Jack Grealish, mais Guardiola a peut-être aussi voulu s’éviter de fragiliser l’équilibre de son équipe avec un joueur de 34 ans de moins en moins porté sur l’effort défensif et difficile à sortir.

Lire la suite
Alexandre Pedro
Source : Le Monde
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page