
Les Partenariats publics privés consistent en un transfert de risques entre le secteur public et le secteur privé de sorte que certains services publics relevant de la responsabilité du secteur public soient administrés par le secteur privé.
Ces dernières décennies ont vu l’explosion du recours aux PPP pour le développement et l’exploitation des infrastructures publiques dans le monde et en Afrique. On verra que son utilisation en Mauritanie fait encore plutôt figure d’exception.
Deux raisons principales incitent les autorités publiques à recourir aux PPP dans leur stratégie de développement des infrastructures et services publics :
- Que ce soit pour les pays industrialisés ou les pays en voie de développement, les ressources publiques ne sont plus suffisantes pour couvrir l’ensemble des besoins en investissement pour les services publics. L’épargne privée est donc plus que nécessaire pour venir à la rescousse des budgets étatiques déficitaires et de plus en plus encadrés. Les PPP, en proposant au secteur privé la conception, la construction et l’exploitation d’une infrastructure ou un service public, lui transfèrent les risquent associés au financement et à l’entretien de l’actif. Ils permettent donc de mobiliser les capitaux privés pour acquérir des infrastructures pour les services publics et soulagent les finances publiques.
- En matière de conduite de projets de construction et de prestation de services, le secteur privé, grâce à son savoir-faire et sa spécialisation, obtient des résultats plus satisfaisants qu’une autorité publique via un marché public classique. Les PPP, en transférant au secteur privé la conception et l’exploitation d’un service public, permettent de bénéficier d’une gestion plus optimale des ressources, d’un résultat plus fiable en termes de qualité et de modernité mais également de délais de construction plus raisonnables. Les PPP offrent donc de meilleures prestations au meilleur prix.
Toutefois, le recours aux PPP pour se doter et développer des infrastructures et services publics ne se justifie que si certaines conditions économiques, politiques, juridiques et institutionnelles sont réunies et de surcroit entrainent un gain d’efficience certain par rapport à un marché public classique.
La Mauritanie n’est pas en reste par rapport à cette quête de concours financiers et technologiques du privé pour développer les infrastructures publiques. La loi N°2017-06 du 1er février 2017 et la loi 2021-06 du 19 février 2021 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi 2017-06 ont été élaborées pour créer un cadre législatif favorable au développement des partenariats publics privés. Un comité interministériel, un comité technique et une cellule d’appui constituent l’ossature du cadre institutionnel et organisationnel des PPP. L’intérêt des autorités publiques est donc manifeste, même si encore une fois son utilisation n’est pas encore très répandue. Un portefeuille de projets éligibles à une exécution par PPP a été constitué et fait l’objet d’études. Jusqu’ici, seul le projet de construction et d’exploitation d’un terminal à conteneurs et d’une jetée pétrolière au Port de Nouakchott a fait l’objet d’une adjudication en faveur de ARISE.
Compte tenu du besoin important en investissement du pays et de la forte demande sociale d’infrastructures et de services publics, davantage de projets devraient être concretisés grâce à cette méthode.
En effet, les investissements publics dans notre pays sont en général exécutés via une passation classique de marchés publics. Outre les coûts d’investissement qui passent souvent du simple au double entre le budget prévisionnel et le coût réel final, les délais d’exécution des prestations prennent également beaucoup de retard.
Le système de passation des marchés publics, en sacralisant le moins disant qualifié conforme avec des critères de qualification plus ou moins souples, ne débouche pas que sur des attributaires avec des capacités techniques et financières satisfaisantes. Même si une partie de la solution est dans l’assainissement et le renforcement des critères de sélection des soumissionnaires, les partenariats public privé, avec des risques partagés et une sélection plus rigoureuse, ont le mérite de donner davantage de marge de manœuvre et de responsabilité au secteur privé de sorte à tirer le meilleur de leurs capacités technique et financière.
Tous nos projets d’investissement d’envergure doivent être étudiés dans l’optique d’être conduits sous forme de PPP pour notamment les capitaux et la qualité qu’ils peuvent procurer. Pour cela, nous devons tout d’abord investir dans le renforcement des capacités des ressources déjà existantes en vue de les doter des compétences nécessaires au bon diagnostic des projets susceptibles d’être éligibles aux PPP et à leur mise en place. En effet, les PPP ne sont pas la panacée. Ils doivent faire l’objet d’un choix judicieux et d’une mise en œuvre rigoureuse. Nos ambitions doivent être mesurées et planifiées. Compte tenu du statut de notre pays, à l’instar de beaucoup de pays en voie de développement caractérisés par une instabilité multiforme, la crise de confiance ne favorisera pas d’emblée la ruée de ce que le privé compte de meilleur sur nos demandes d’investissement. Nous prétendrons donc plus difficilement à tous les avantages que peut procurer le mécanisme des PPP.
Dans le cadre du PPP ayant doté le Sénégal de l’autoroute à péage Dakar – Diamniadio, malgré un concours financier de l’opérateur privé de seulement près de 16% du coût global, le projet est satisfaisant pour le Sénégal qui a pu se procurer une infrastructure de dernière génération et dont l’utilité publique n’est pas à démontrer.
Dans un premier temps, nous attirerons plus difficilement les capitaux privés, du moins internationaux, mais en travaillant sur l’instauration d’un climat de confiance avec nos autorités publiques acceptant de supporter davantage de risques qu’ils sont les mieux à même de gérer, nous pourrons bénéficier des technologies de pointe en matière d’infrastructures et de services publics.
Pour des infrastructures et des services publics de qualité, le réflexe PPP doit désormais guider tous nos décideurs publics. Des partenariats public privés ne serait-ce que pour l’exploitation de nos dernières acquisitions en termes d’infrastructures portuaires (Port de Tanit et Port de Ndiago) auraient vraisemblablement généré davantage de gain d’efficience et de retombées pour les populations que les modes de gestion choisis.
En tout état de cause, nous avons à notre disposition un outil révolutionnaire et moderne mais très complexe et exigeant. Il nous invite à l’engagement, l’exigence et l’efficience. A nous de jouer!
Youssouf Kébé / Économiste
Spécialiste en passation des marchés publics