Vu du Royaume-Uni – Le monde change et il est de plus en plus français

Jadis moquée pour son immobilisme et son dirigisme d’État, la France se présente aujourd’hui comme un îlot de stabilité au sein des pays développés, suggère l’hebdomadaire britannique New Statesman. Natalité, temps de travail, diplomatie : l’Hexagone a créé un modèle en passe de s’exporter.

Voilà des décennies maintenant que la France est le chiffon rouge qui s’agite devant le taureau du dogme libéral atlantiste. Traitant avec tiédeur une alliance transatlantique jugée sacro-sainte par d’autres, dévouée au multilatéralisme gaullien en des temps apparemment unipolaires, résolument étatiste au mépris de la doctrine économique libérale hayékienne, vigoureusement dirigiste* à l’heure de la décentralisation et du pouvoir en réseaux, elle a parfois des airs de village d’Astérix : un pays d’irréductibles qui résistent encore et toujours à la fin de l’histoire.

“Achetez Taïwan, gardez l’Italie, revendez la France”, conseillait Thomas Friedman en 1999, dans son ode à la mondialisation libérale, The Lexus and the Olive Tree [non traduit en français]. Au moment de la guerre d’Irak, les Français se faisaient traiter de “vieille Europe” par Donald Rumsfeld, alors secrétaire américain à la Défense, et de “capitulards bouffeurs de fromage” par les autres. “Si le modèle français est si génial, comment se fait-il que le pays brûle ?” ironisait Peter Mandelson en 2005, tandis que des émeutes faisaient rage dans les banlieues parisiennes.

Désespérante France ! Voilà un refrain souvent entonné par des libéraux anglo-saxons bouffis de suffisance. En 2012 (année marquée chez nous, au Royaume-Uni, par un Osborne tout-puissant au ministère des Finances, et par la “bromance” entre Obama et notre premier ministre David Cameron), The Economist taxe la France de “pays dans le déni” : “L’électorat français a la mauvaise habitude de croire en la bienveillance de l’État”, tance un éditorial donneur de leçons. En 2017 (le Royaume-Uni et les États-Unis sont alors sous le choc, l’un du Brexit, les autres de l’élection de Donald Trump), il est de nouveau de bon ton de regarder d’un œil optimiste la France, qui vient d’élire Emmanuel Macron.

 

Ne plus dépendre des États-Unis

 

Les récents événements sont venus me rappeler ce va-et-vient bien connu. Joe Biden stupéfie les alliés des États-Unis en reprenant en partie à son compte “l’Amérique d’abord”, qui fut le credo de Trump en politique étrangère. Les Européens sont pris de court par le retrait américain d’Afghanistan.

Comme l’écrivait tout dernièrement Tony Blair, “pour la Grande-Bretagne, désormais sortie de l’Europe et aujourd’hui ébranlée par la fin de la mission en Afghanistan que son plus grand allié a décidée sans la consulter ou presque, le temps est venu d’une réflexion approfondie”. En Allemagne, le candidat à la chancellerie Armin Laschet dénonce la “déconfiture” de Biden et estime que “l’UE doit être en mesure d’agir sans les États-Unis”.

Pourtant, une capitale a semblé moins ébranlée que d’autres, et c’est Paris. Doutant de la capacité des États-Unis à organiser un retrait ordonné, la France avait commencé dès le mois de mai l’évacuation de ses collaborateurs afghans, et retiré ses dernières troupes en 2012. Macron s’est fait depuis longtemps le chantre de l’“autonomie stratégique”, autrement dit d’une véritable capacité de l’Union européenne à intervenir dans le monde sans dépendre des États-Unis – en 2019, il est allé jusqu’à déclarer l’Otan en état de “mort cérébrale”. C’est le genre d’idées que la débâcle en Afghanistan vient relancer, et ce jusque dans des capitales européennes où

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Jeremy Cliffe
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New Statesman – Londres

 

 

 

 

Source : Courrier international

 

 

 

 

 

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