Cible de vives critiques après la chute de Kaboul, le président des États-Unis a “défendu fermement” lundi sa décision de retirer les troupes américaines d’Afghanistan, assurant que la mission de Washington n’avait jamais été de bâtir une nation démocratique.
“Confronté à la plus grande crise politique de son mandat”, le président Joe Biden a défendu, lundi 16 août, le retrait “chaotique” des forces américaines d’Afghanistan, en pleine prise de pouvoir des talibans, “endossant la responsabilité” d’avoir mis fin à la plus longue guerre des États-Unis, écrit le Los Angeles Times.
Lors d’un discours à la nation prononcé à la Maison-Blanche, le chef de l’État, tout juste revenu de Camp David, a affirmé qu’il ne regrettait pas d’avoir mis fin à la mission militaire américaine en Afghanistan, tout en reconnaissant que la prise de contrôle du pays par les talibans s’était produite plus vite que ce que son administration avait anticipé.
Je m’en tiens fermement à ma décision. Après vingt ans [de guerre], j’ai appris à contrecœur qu’il n’y avait jamais de bon moment pour retirer les forces américaines. La vérité, c’est que cela s’est déroulé plus rapidement que nous l’avions prévu.”
Joe Biden a dit avoir été confronté à un choix : soit poursuivre le retrait, soit faire entrer le conflit dans sa troisième décennie et, en fin de compte, sacrifier davantage de vies américaines. Le démocrate a estimé que le but de la guerre avait été atteint et qu’il était temps de partir. “Notre mission en Afghanistan n’a jamais été censée être la construction d’une nation”, a-t-il dit, faisant valoir qu’elle avait pour but d’empêcher que des attaques terroristes puissent être menées aux États-Unis.
Le locataire de la Maison-Blanche “a imputé la prise de pouvoir par les talibans à la réticence de l’armée afghane à combattre” les insurgés et a fait valoir qu’il n’était pas dans l’intérêt de Washington de rester dans le pays, relate le Washington Post. “Les troupes américaines ne peuvent pas et ne doivent pas se battre et mourir dans une guerre que les forces afghanes ne sont pas prêtes à mener elles-mêmes”, a-t-il affirmé. Il a par ailleurs menacé les talibans d’une réponse militaire rapide si le retrait américain était entravé.
Chaos
Le démocrate s’exprimait “un mois à peine après avoir déclaré aux journalistes qu’il était ‘improbable’ que les talibans prennent le contrôle du pays”, retrace le Los Angeles Times.
Mais surtout juste après la diffusion d’images “dramatiques” montrant “une course effrénée” pour évacuer l’ambassade des États-Unis à Kaboul alors que les combattants talibans avançaient dans la capitale afghane, rappelant celles, “sinistres”, du retrait américain de Saïgon à la fin de la guerre du Vietnam, remarque le New York Times.
Par ailleurs, “des images de personnes s’accrochant à un énorme avion militaire américain qui était en train de décoller”, à l’aéroport de Kaboul, “ont rapidement circulé dans le monde entier”, relate le quotidien. Le New York Magazine voit dans cette scène de chaos, au milieu de laquelle au moins trois Afghans sont morts après être tombés dans le vide, “un parallèle horrible avec l’attaque terroriste” du 11 septembre 2001 “qui avait déclenché l’invasion” américaine du pays.
Les talibans ont pris le contrôle de la capitale afghane dimanche après le départ du président Ashraf Ghani, “mettant ainsi un terme brutal aux efforts déployés depuis [deux décennies] par les États-Unis pour restructurer le gouvernement afghan et son armée”, explique NBC News. “La Maison-Blanche semble avoir été prise au dépourvu par la progression rapide” des insurgés, constate la chaîne, qui note qu’“au cours du week-end, les États-Unis ont été contraints d’envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan pour aider aux évacuations”.
Vives critiques
La “relative invisibilité” de Joe Biden ce week-end “pendant une crise majeure” a suscité de vives critiques de la part des républicains et même de nombreux démocrates, relève le Los Angeles Times. “Même ses alliés politiques décrivent le retrait comme désastreux”, observe le journal. Les propos du président, lundi, n’ont d’ailleurs “pas réussi à calmer l’indignation des deux côtés de l’échiquier politique”. “La décision d’accorder une plus grande priorité à une promesse politique qu’à la vie d’hommes, de femmes et d’enfants innocents est une tache sur la réputation de l’Amérique et sape notre crédibilité dans le monde”, a réagi le sénateur républicain de l’Utah Mitt Romney.
Mais le Los Angeles Times rappelle aussi que Joe Biden n’est pas le seul responsable du chaos actuel.
Trois présidents ont poursuivi, et parfois prolongé, cette guerre, qui a coûté aux États-Unis 2 600 milliards de dollars et la vie à plus de 2 400 militaires ; des centaines de législateurs ont voté pour l’autoriser. La décision de M. Biden d’y mettre fin, fondée sur une profonde conviction personnelle et sur le désintérêt croissant des Américains envers l’Afghanistan, a également suivi un calendrier mis en place par son prédécesseur [Donald Trump].”
De son côté, le Washington Post note que, de l’autre côté de l’Atlantique, le président français, Emmanuel Macron, a mis en garde lundi contre un afflux potentiel de migrants afghans en Europe, ajoutant que les dirigeants de l’Union européenne étaient en contact pour lancer une initiative contre l’immigration illégale.
Source : Courrier international (France)
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