Les anciens élèves de l’école d’Aéré Mbar (1961-1969) ont rendu le 25 juillet 2021 un vibrant hommage à mon distingué Maître d’Ecole Monsieur BA Mamadou Sileye (assis au deuxième rang sur cette photo en partant de la droite) , Directeur d’école d’Aéré Mbar (1961-1969) puis Directeur d’Ecole Bababé (1969-1991). Je fais partie de la cohorte de Bababé en 1974.
Je remercie vivement les promoteurs de cette excellente et inédite initiative, si rare dans nos contrées. Rendre hommage à quelqu’un qui est vivant est une très bonne pratique. Les hommages à titre posthume sont des hommages par défaut, apportent peu à l’illustre disparu et ravivent les chagrins liés à la perte d’un être très cher.
Monsieur BA, comme nous l’appelons jusqu’à présent, comme signe d’immense déférence, est né en 1940 à Wothie. Il a étudié à Saint-Louis du Sénégal, puis à l’Ecole des Instituteurs de Boutilimit où il a obtenu le diplôme d’Instituteur de son Etat en 1958. En devenant Enseignant, mon Maître a répondu aux exigences de la transmission de connaissances consacrée par le Saint Coran qui, outre qu’il commence la Révélation par le verset « «LIS » mentionne plus de 400 fois le terme « SAVOIR ».
En dépit des conditions matérielles difficiles actuelles des enseignants, beaucoup de faisceaux concourent à dire que le métier d’Enseignant est un métier béni par l’Islam.Tous les hommes vertueux vouent une immense gratitude à leur Maître d’Ecole. Ce fut le cas d’Albert Camus qui après son prix Nobel de littérature en 1957 écrivit à M. Germain, son Maitre d’Ecole pour lui remercier «sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de cela ne serait arrivé».
En plus du devoir religieux, El Hadj BA Mamadou Sileye a considéré au moment de l’indépendance que la mission la plus noble était d’enseigner. Pour lui, enseigner est multidimensionnelle en plus de l’acquisition progressive des connaissances modernes, il faut apprendre à s’enraciner dans sa culture et être au service de sa communauté pour lutter contre la pauvreté.
Très tôt, il a compris que la lutte contre la pauvreté ne peut être gagnée sans l’acquisition de connaissances. Il s’y est investi corps et âme. Les résultats sont prodigieux ; à en juger par le nombre de cadres qu’il a formés qui ont servi valablement la Mauritanie, l’Afrique et le monde.
Il n’a jamais quitté la fonction d’Enseignant jusqu’à sa retraite bien méritée en 1991, après de nobles et loyaux services rendus à l’Etat Nation. Toute sa vie, il a servi avec abnégation. Il est resté un vrai patriote. Il continue ainsi d’inspirer plusieurs générations de par sa sagesse et sa clairvoyance.
Son impact est incommensurable sur le Laaw, région qu’il a servie avec abnégation au-delà de sa mission d’Enseignant. Figure marquante du système éducatif mauritanien, il est notre héros d’hier, d’aujourd’hui et pour toujours. Il est notre Panthéon vivant de l’Enseignant modèle qui a compris et appliqué tout temps qu’être enseignant est un sacerdoce.
Il m’a dispensé précocement mes premiers cours d’économie de développement en classe de CM2 en 1974 sans que je le sache en récitant innocemment. En effet, la récitation : Le laboureur et ses enfants de Jean de la Fontaine, qu’il aime bien, à côté d’autres comme j’aime le son du cor d’Alfred Vigny, comporte une fable importante qui continue de m’inspirer dans ma vie.
« Travaillez, prenez de la peine : c’est le fonds qui manque le moins. » Cette fable est une invitation à plus d’ardeur pour le travail et que l’argent est la résultante du travail bien fait et qu’il est en abondance pour ceux qui savent le générer honnêtement. Il nous a enseignés précocement et sans varier qu’il faut tout temps mettre en avant le savoir, l’intégrité, le travail et l’apport pour l’élévation de nos communautés. Mon Maître est un adepte du travail et de la défense de l’héritage culturel et patrimonial que nous ont laissé nos parents. C’est l’infatigable défenseur de l’agriculture et la propriété foncière. Son crédo est l’islam, le savoir, la terre et le travail. Ce dernier se décline comme suit : « Travailler, toujours travailler et encore travailler. »
Il a été parmi les premiers militants anti-esclavagistes dans les années 60. Sa maison était un sanctuaire pour tous. Quiconque y entrait était libre, prenait le chemin libérateur de l’école. Il était pris en charge, nourri et blanchi jusqu’à devenir un membre de la fratrie. Il a de tout temps défendu l’école républicaine nourrie de la devise nationale : Honneur-Fraternité-Justice.
Comme disait François Mitterrand : Être enseignant ce n’est pas un choix de carrière, c’est un choix de vie. Mon Maître a tout donné à l’école républicaine mauritanienne. Le seul retour qu’il en attendait est la formation de cadres intègres, compétents et dévoués à la cause nationale et à leur communauté. Personnellement, je dis avec beaucoup d’autres, il a réussi avec beaucoup de succès sa mission d’allumer et d’entretenir la flame pour repousser les ténèbres de l’ignorance.
Puisse Allah SWT le garder longtemps parmi nous avec une santé de fer au milieu de sa famille et des populations du Laaw, du Fouta et de toute la Mauritanie. Aamine
Votre reconnaissant élève.
Alassane Bâ
Administrateur de Société et Banque, Abidjan. Ancien Directeur Général pi, Africa50, Investment Fund, Casablanca. Ancien DG Shelter Afrique, Nairobi Kenya. Ancien Chef de Division, BAD Abidjan.
Source : Financial Afrik
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