France – Mort d’Adama Traoré : Cinq ans après les responsabilités toujours pas établies

Les proches d’Adama Traoré organisent ce samedi la traditionnelle marche pour réclamer justice, cinq ans après le décès du jeune lors de son interpellation par des gendarmes.

POLICE – Près de cinq ans, jour pour jour, après la mort d’Adama Traoré en juillet 2016 à la suite de son interpellation par des gendarmes, sa famille et ses soutiens organisent ce samedi 17 juillet leur traditionnelle marche annuelle pour réclamer “justice” pour le jeune homme noir, érigé en symbole des violences policières.

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré décède dans la cour de la caserne de Persan (Val-d’Oise), commune située à une trentaine de kilomètres au nord de Paris, peu après son arrestation par des gendarmes au terme d’une course-poursuite un jour de canicule.

Dépaysée à Paris, l’instruction est toujours en cours à ce jour. Elle s’appuie sur des expertises médicales dont les conclusions divergent sur le rôle joué par l’interpellation des gendarmes et les antécédents médicaux du jeune homme dans sa mort. Les militaires ne sont pas mis en examen à ce stade.

“Voilà trop longtemps que la justice piétine. Nous marcherons samedi 17 juillet pour la vérité et la justice, pour Adama”, a déclaré cette semaine Assa Traoré, sa grande sœur et figure de proue du combat de la famille, dans une déclaration diffusée sur les réseaux sociaux par le comité “La vérité pour Adama”.

Emmenés par cette militante charismatique, les proches d’Adama Traoré tiennent les militaires pour responsables de la mort du jeune homme de 24 ans et ont fait de son décès une affaire emblématique de la lutte contre les violences policières et le racisme.

 

Victoires judiciaires

 

Leur mobilisation a rencontré un nouvel écho dans l’opinion publique l’année dernière avec l’onde de choc mondiale qui a suivi le meurtre de l’Afro-Américain George Floyd aux États-Unis, une affaire que la famille Traoré et ses relais mettent en parallèle de la mort d’Adama.

La justice “doit maintenant mettre en examen les gendarmes qui ont écrasé Adama du poids de leurs corps il y a cinq ans, ces hommes qui l’ont laissé mourir, menotté sur le bitume de leur caserne il y a cinq ans”, a lancé Assa Traoré dans son message annonçant le rassemblement.

Pour ce cinquième anniversaire, la marche partira à 14H00 de la gare de Persan-Beaumont après une conférence de presse. Des artistes se produiront sur scène en soutien à la famille, parmi lesquels Youssoupha, Wejdene, Hatik ou Vegedream.

Cette année, le rassemblement à la mémoire d’Adama Traoré survient dans la foulée de deux victoires judiciaires pour sa fratrie, mais aussi d’une information relayée par Mediapart qui a suscité de nombreuses interrogations.

Début juillet, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Assa Traoré des poursuites en diffamation intentées par les gendarmes qu’elle accuse d’avoir tué son frère, estimant que ses propos s’inscrivaient dans son “combat personnel et militant”.

Une semaine plus tard, la cour d’assises du Val-d’Oise a accordé un acquittement retentissant à son frère Bagui au terme de trois semaines de procès pour des tirs sur les forces de l’ordre lors des nuits d’émeutes qui ont suivi le décès d’Adama Traoré.

La cour présidée par Marc Trévidic a fustigé la tenue de l’enquête dans le cas de Bagui Traoré, jugeant qu’il avait été renvoyé aux assises sans preuve contre lui. Elle a revanche condamné deux tireurs à jusqu’à douze ans de réclusion criminelle.

En parallèle selon Mediapart, trois gendarmes qui ont participé à l’interpellation au cours de laquelle Adama Traoré est mort, auraient été décorés en septembre 2019  De quoi déclencher la colère de l’avocat de la famille, Yassine Bouzrou. Selon le quotidien en ligne, ces décorations ne figurent pas au Journal officiel mais dans le dossier administratif des trois gendarmes.

Un complément d’expertise demandé

 

Les juges d’instruction chargés de l’affaire Adama Traoré ont par ailleurs ordonné un complément d’expertise médicale, les enquêteurs ayant recueilli de nouveaux témoignages et éléments médicaux, a appris ce samedi l’AFP de source proche du dossier.

Ce complément a été demandé le 30 juin aux quatre médecins belges qui avaient rendu en janvier un nouveau rapport, censé trancher la bataille d’expertises contradictoires au coeur du dossier.

Les experts belges avaient conclu que la mort de ce jeune homme noir, le 19 juillet 2016 dans la caserne de Persan (Val-d’Oise), avait été causée, en ce jour de canicule, par un “coup de chaleur” qui n’aurait toutefois “probablement” pas été mortel sans son interpellation sous le poids des trois gendarmes.

Depuis, les enquêteurs ont enfin pu interroger en mars un témoin direct, l’homme qui avait aidé Adama Traoré à s’échapper après une première interpellation.

“Adama était essoufflé (…) Je n’ai pas l’habitude de le voir essoufflé, mais c’est vrai que là quand je suis intervenu, j’ai été un peu surpris de le voir fatigué”, a déclaré cet homme, qui le connaissait depuis l’enfance.

“C’est comme si son corps ne réagissait pas. (…) Pour moi, il était dans un état qui n’est pas habituel, il ne parlait pas”, a raconté ce témoin.

Cet homme a ajouté qu’Adama Traoré était reparti “en marchant”, ce qu’a confirmé un employé de la mairie, témoin de la scène. Le gendarme, qui s’était foulé la cheville dans la bagarre avec les deux hommes, ne l’avait pas poursuivi.

Les enquêteurs ont par ailleurs saisi le dossier médical d’Adama Traoré à la médecine du travail, réalisé lors de son embauche par une association d’insertion en 2014. Placé sous scellés et transmis aux experts, il n’a pas à ce stade été communiqué aux avocats, en raison du secret médical.

Un arrêt de travail a également été retrouvé pour la période du 2 au 18 juin 2014, sans que le motif ne soit mentionné au dossier.

Une ancienne conseillère de Pôle emploi a par ailleurs rapporté aux enquêteurs avoir été informée de problèmes d’essoufflement d’Adama Traoré qui auraient justifié un changement d’affectation. Mais parmi la quinzaine d’ex-responsables ou ex-travailleurs de l’association auditionnés, aucun n’a confirmé cet élément.

Les experts doivent dire d’ici au 31 août si ces nouveaux éléments ont “vocation à modifier” leurs conclusions initiales, qui évoquait aussi le rôle joué, “dans une plus faible mesure”, par une maladie génétique et une pathologie rare dont souffrait Adama Traoré.

Source : Le HuffPost avec AFP

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