La loi sur la restitution des biens mal acquis en passe d’être promulguée

Les députés et sénateurs se sont accordés sur un texte permettant de restituer aux populations les fonds confisqués par la justice française à des dirigeants corrompus.

C’est l’aboutissement d’une quinzaine d’années de combat des associations de lutte contre la corruption internationale, telles Sherpa et Transparency International. L’Assemblée nationale et le Sénat se sont mis d’accord, le 24 juin, sur les principes d’une restitution « au plus près de la population de l’Etat étranger concerné » des biens mal acquis confisqués par la justice française.

La lecture, mardi 13 juillet au Palais-Bourbon et mercredi 21 juillet au Palais du Luxembourg, des conclusions de la commission mixte paritaire est une formalité avant la promulgation de la loi « de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ». Dans ce texte soumis au Parlement par le gouvernement, les députés ont inscrit ce dispositif totalement novateur avant que les sénateurs n’en renforcent sensiblement les garanties.

Il s’agira de redistribuer, sous forme d’aide au développement, les fonds confisqués par la justice française lors d’une condamnation pénale dans le cadre d’une affaire de corruption, détournement de fonds, blanchiment ou autre prise illégale d’intérêts par une personne dépositaire de l’autorité publique d’un Etat étranger, chargée d’un mandat électif public ou d’une mission de service public.

 

Redistribution

 

Chez Transparency International France, on se félicite de cette conclusion du processus législatif, alors que se profile l’épilogue judiciaire de l’affaire Teodorin Obiang. Le cas du vice-président de la Guinée équatoriale, fils de celui qui préside ce pays depuis quarante-deux ans, est l’un des plus souvent cités au sujet du pillage des ressources nationales à des fins personnelles par des dirigeants indélicats. La Cour de cassation pourrait trancher d’ici à fin juillet un dernier recours au sujet de la condamnation pour blanchiment d’argent de M. Obiang, accusé d’avoir détourné quelque 150 millions d’euros entre 1997 et 2011, et de la confiscation de ses biens, dont un hôtel particulier avenue Foch et 17 voitures de luxe, prononcée par la cour d’appel.

Sans cette loi, le produit de la vente des biens confisqués irait dans les caisses de l’Etat français. Désormais cet argent ira sur une ligne budgétaire au sein de la mission aide publique au développement (APD), pour financer des actions de coopération et de développement dans les pays concernés. C’est donc l’Agence française de développement qui sera chargée de cette redistribution, sous le contrôle du ministère des affaires étrangères.

Au Sénat, où une ambitieuse proposition de loi sur le sujet avait été votée à l’unanimité en 2019 à l’initiative du sénateur du Loiret Jean-Pierre Sueur (PS), il a été précisé dans la loi que la restitution doit se faire « au plus près des populations, dans le respect des principes de transparence et de redevabilité, et en veillant à l’association des organisations de la société civile ». Pour les organisations non gouvernementales (ONG) des pays concernés, comme des associations françaises, cette précision était essentielle afin de s’assurer que les fonds ne soient pas de nouveau détournés lorsque les structures étatiques locales restent sujettes à la corruption.

 

Rôle des associations

 

« Les associations pourront contribuer au choix de l’usage des fonds », se réjouit-on chez Transparency. La loi précise que « le ministère des affaires étrangères définit, au cas par cas, les modalités de restitution de ces recettes de façon à garantir qu’elles contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations ».

Les modalités pratiques restent à préciser, maintenant que le cadre de transparence et de redevabilité est fixé. Par exemple, pour s’assurer, lors du débat sur le prochain projet de loi de finances, que les fonds restitués ne puissent pas être confondus avec le budget de l’APD et viennent bien en plus. Ce à quoi Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, s’est engagé.

 

Jean-Baptiste Jacquin

Source : Le Monde

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