Dialogue politique inclusif : Un ‘’parasite’’ nommé Aziz

Annoncé très imminent il y a quelques semaines, le dialogue inclusif serait-il sorti de l’agenda politique ? On n’en parle presque plus, le gouvernement paraît occupé ailleurs. 

Le fameux « dossier de la Décennie » aura à ce point obnubilé les esprits que l’ex-président Mohamed ould Abdel Aziz semble ainsi dicter, depuis près de deux ans, son tempo au gouvernement. La mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la gestion de ses dix années de pouvoir, les investigations de la brigade de la police des crimes économiques puis de la justice, suivies du placement sous contrôle judiciaire strict de celui qui dirigea le pays d’une main ferme, plus crainte que respectée, ont grippé le processus de dialogue enclenché il y a quelques mois.

L’ex-Président en a profité pour se repositionner sur l’échiquier politique et se présenter en principal opposant à son successeur. Il a multiplié les sorties médiatiques, poussant le pouvoir à tenter de les contrecarrer, et hurlé en conséquence à son « musellement » et son « embargo » auprès des organes de presse. D’accusé principal, Ould Abdoul Aziz cherche à se transformer en « victime » du régime en place qu’il se fait fort de charger, en lui renvoyant l’ascenseur à grands coups de « corruption »,  « incompétence »,  « clientélisme » et « accointances »,  voire « recyclage de gabegistes ». Plus grave, il traite Ghazwani de « fossoyeur de l’unité nationale et de la cohésion sociale ». En somme, tout ce dont il est lui-même chargé par la CEP. Ould Abdel Aziz refuse d’être enterré vivant par les graves accusations portées contre lui et son exclusion de l’arène politique. Il a donc décidé d’intégrer Ribat, le parti de Saad Louleid, ce qui lui a valu de sérieux ennuis.

Mais, revers de la médaille, l’ex-Président semble avoir engrangé un certain nombre de sympathies auprès de l’opinion. Usant des leviers de la communication de masse, il a en tout cas réussi à occuper les esprits, même si certains ne lui pardonnent pas les dérives graves constatées dans la gestion de ses dix ans de règne. Il a su démontrer qu’il est le seul, parmi les nombreux responsables épinglés par le rapport de la CEP, à faire l’objet de tracasseries de la part de la police et de la justice. Le voilà donc à afficher sa détermination à résister, à travers la tribune que lui offre le parti Ribat qu’il a réussi à sortir de l’anonymat. Son refus de l’offre de la Présidence de mettre à sa disposition un avion spécial pour ramener d’Espagne à Nouakchott la dépouille de sa défunte maman, et son mépris de toute compassion de la part des autorités mauritaniennes prouvent combien l’homme est engagé dans un bras de fer avec son successeur. Mais a-t-il d’autre choix ?

Coincé, de son côté, entre une volonté affichée de ne pas interférer dans le dossier pendant devant la justice et le souhait de l’opinion de voir le dossier de la décennie aller à son terme, pour dissuader désormais tous les responsables de piller les deniers publics, le pouvoir manœuvre quasiment à vue. Pour certains observateurs, les lenteurs observées depuis bientôt deux ans dans la gestion de ce dossier de la Décennie ne plaident pourtant pas en sa faveur. D’aucuns n’hésitent pas à parler de sa « complaisance » à l’égard de l’ex-Président. La vision opportuniste de la stratégie de celui-ci l’emportera-t-elle sur celle à plus long terme de son « ami de quarante ans » ? Les deux se connaissent en tout cas fort bien…

Jusqu’à quelle assignation finale ?

Face à ce qui ressemble fort à un blocage du « dossier dialogue », l’Union pour la République (UPR) qui en était à la manœuvre s’est donné un autre cheval de bataille. Ainsi a-t-elle mis à profit cette pause imposée par l’ex-Président pour mettre en œuvre les résolutions de son 2e congrès ordinaire de Décembre 2019 et en développer diverses thématiques, via des ateliers régionaux. Ses missions sillonnent le pays pour en débattre avec ses militants et sympathisants. Assez timide par rapport au dossier de la Décennie, l’UPR meuble visiblement bien son temps. Certains hauts responsables assez critiques vis-à-vis de leur ancien boss se sont murés dans un silence strident. Le parti peine cependant à innover sur les thèmes récurrents que sont l’unité nationale et la cohésion sociale. Essentiellement du réchauffé, diront certains.

Seul désormais le ministre porte-parole du gouvernement semble reprendre le flambeau, mettant à profit ses sorties, aussi bien lors des commentaires des conseils de ministres qu’à l’occasion de prises de contact dans son département, pour décocher quelques flèches à l’égard de l’ex-Président. Cependant, le soutien à la mise en œuvre du programme du président de la République n’a pas connu beaucoup d’enthousiasme ; le président de la République a dû réaménager son équipe ; sans susciter l’adhésion de l’opinion qui en demandait plus… Bref, le changement espéré de la part du président Ghazwani ne se fait qu’attendre. Et la nature ayant horreur du vide, Ould Abdel Aziz en profite pour occuper le terrain. Pas à pas, opportunité après opportunité. Jusqu’à quelle assignation finale ?

 

 

 

Dalay Lam

 

 

Source : Le Calame

 

 

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