Que valent les armées du Sahel seules face au terrorisme ?

La ministre française des Armées assure que les forces sahéliennes sont capables de combattre les groupes djihadistes. Mais les experts sont sceptiques.

Après plus de huit ans d’engagement, la France va donc retirer progressivement ses troupes du Sahel dans un délai de deux ans environ, même si le calendrier reste à préciser. La première étape du retrait sera marquée par la fermeture de certaines bases et une réorganisation de la lutte anti-djihadiste autour d’une « alliance internationale » associant les Européens. Une alliance autour du groupement de forces spéciales Takubaqui pourrait venir en appui aux armées des pays sahéliens.

Même si pour Florence Parly, les armées sahéliennes sont en mesure de faire face à leurs ennemis, notamment grâce aux opérations conjointes menées avec les troupes françaises et aux formations reçues, Mahamadou Sawadogo, expert en sécurité, estime que « le retrait des troupes françaises au Sahel, particulièrement pour les cinq pays du G5 Sahel, va être une épreuve dure et difficile pour les armées africaines. »

L’expert en sécurité explique que « ces armées dépendaient de la puissance, de la logistique de Barkhane et des techniques de combat de cette armée qui maitrisait le Sahel depuis huit ans. Les armées doivent désormais s’adapter, évoluer seule ou en région pour pouvoir faire face à une menace terroriste qui est beaucoup plus puissante et beaucoup plus organisée. »

Une coopération entre les forces africaines

 

C’est ce que prône aussi le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré.

Dans une déclaration, mercredi (09.06.21), il a appelé les pays africains à se ressaisir et s’unir pour contrer les djihadistes. Un avis que partage Maixent Somé.

Pour l’analyste politique burkinabè, les Etats du Sahel doivent coopérer surtout dans le contrôle des frontières.

« Quand les terroristes peuvent se replier dans un pays et aller attaquer l’autre, comment est-ce que vous faites pour lutter contre le terrorisme ? Ça, c’est à nos pays de le faire et ils ne le font pas suffisamment », déplore Maixent Somé.

L’expert rappelle « qu’avant la mise en place du G5 Sahel et même au début du G5 Sahel, les autorités burkinabè n’avaient pas le droit de poursuivre sur le territoire malien des bandits maliens qui venaient faire des attaques et des razzias de bétail au Burkina et se replier au Mali. Il n’est pas normal qu’un criminel dans un pays aille se réfugier tranquillement dans le pays voisin et continuer à mener ses activités criminelles. »

S’attaquer aux problèmes fondamentaux de gouvernance

 

Pour Gilles Yabi, directeur du think tank Wathi, les marges de manœuvre des pays africains sont réduites pour améliorer la sécurité dans la région. Les pays africains n’ont pas « une palette d’options ».

Il souligne « que la situation est extrêmement complexe et extrêmement difficile et qu’entre la volonté de récupérer de la souveraineté et la capacité de le faire, il y a un temps.

Gilles Yabi estime que « malheureusement, il y a des erreurs qui ont été commises sur la durée : ce qui n’a pas été fait pour renforcer les systèmes de sécurité et de défense des pays africains et ce qui n’est pas fait sur le plan de la gouvernance politique et économique des pays. Malheureusement, cela va continuer à peser pendant longtemps sur les options dont on dispose. »

 

Le poids de la présidentielle en France

 

Le directeur du think tank Wathi estime que les enjeux de politique intérieure en France, notamment la prochaine présidentielle, ont influencé la décision d’Emmanuel Macron de se désengager au Sahel. Car une partie croissante de l’opinion publique en France est soit hostile soit ne comprend pas les raisons de la présence militaire en Afrique.

Nafissa Amadou, Richard Tiéné, Kossivi Tiassou

Source : Deutsche Welle (Allemagne) – Le 11 juin 2021

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