Terrorisme – Burkina Faso : à Solhan, “on se serait cru dans un film d’horreur”

Selon un dernier bilan, 160 personnes ont été tuées dans une attaque terroriste au nord-est du Burkina Faso. C’est le pire bilan depuis que le pays a sombré dans la violence terroriste en 2015. Alors même que l’armée se trouvait en opération dans la zone du drame, son impuissance est un désaveu cinglant, estime ce quotidien burkinabé, qui dénonce l’inaction des autorités.

 

Le décompte macabre se poursuit. 160 ! C’est le bilan provisoire officiel de civils froidement exécutés par des Hommes armés non identifiés (HANI) dans le village de Solhan [au nord-est du Burkina Faso, non loin de la frontière avec le Niger], samedi 4 juin. L’on se serait cru dans un film d’horreur si l’on n’était pas dans un pays du Sahel où des fanatiques, sous l’emprise de la drogue, ont décidé de défier la raison humaine en profitant des vastes espaces du désert qu’ils ont transformés en cimetières.

Au-delà de ces chiffres qui font froid dans le dos, la première question que tout le monde se pose, est la suivante : que visent ces hommes sans foi ni loi qui ont perpétré le massacre de Solhan ? Par son ampleur, c’est le pire depuis 2015, date à laquelle le Burkina a basculé dans l’œil du cyclone terroriste ?

 

De l’or et des complices

 

À défaut d’être dans le secret des fous d’Allah, on ne peut que se risquer à émettre des hypothèses. La première est que les assaillants ont voulu apporter un démenti sanglant à l’armée nationale alors qu’il y a peu, le ministre de la Défense, Chérif Sy, annonçait le retour de la paix dans cette province.

La seconde hypothèse est que ce massacre vient comme une action de représailles contre des populations accusées par les groupes armés, de complicités avec les Forces de défense et de sécurité. [Selon les premières informations, les assaillants ont d’abord attaqué le poste des Volontaires pour la défense de la patrie, des supplétifs de l’armée, avant d’entrer dans le village et de s’en prendre à la population].

Une troisième hypothèse enfin pourrait s’inscrire dans la logique de prédation des ressources naturelles par les groupes armés. On le sait, en effet, Solhan dispose d’un important site aurifère qui doit faire l’objet de convoitises de la part des bandes armées qui n’hésitent pas à exploiter les ressources minières des zones sous coupe réglée, faisant ainsi de l’exploitation de l’or, l’une des sources importantes de financement du terrorisme dans les pays du Sahel. L’enjeu du massacre serait donc de semer le chaos propice à l’exploitation illégale et illicite des gisements aurifères pour alimenter la contrebande qui alimente à son tour le terrorisme en Afrique de l’Ouest.

Malaise au sein de l’armée

 

Mais comment les criminels sont-ils arrivés à concrétiser leur funeste dessein ? La question n’est pas saugrenue quand on sait que l’armée burkinabè dispose d’un détachement à quelques encablures de Solhan. Et quid des troupes du G5 Sahel et de la force française Barkhane qui ont pris pied dans cette zone appelée “le triangle de la mort” ? [La zone dite des “trois frontières” entre le Burkina Faso, le Niger et le Mali concentre les attaques terroristes depuis plusieurs mois]

Ces interrogations sans réponse laissent croire qu’il y a un malaise au sein des Forces de défense et de sécurité du Burkina Faso tant le manque de réaction est palpable. Et si la cohésion au sein de la Grande muette est mise en cause, alors cette question : le pays est-il gouverné ? On a des raisons sérieuses d’en douter d’autant que le Premier ministre a dit ne pas disposer de stratégie pour contrer l’insécurité.

 

Le président doit sortir de son sommeil

 

Toutes ces inquiétudes rappellent la nécessité de repenser en profondeur la stratégie de défense et de sécurité et cela, sans délais. L’urgence est là surtout avec les contrecoups de la suspension des patrouilles conjointes avec le Mali voisin décidée par la France et de la suspension de la coopération militaire par les Américains [suite au nouveau coup d’État au Mali]. Il nous faut donc, après que le seuil de l’horreur a été franchi, nous poser les bonnes questions pour trouver les bonnes solutions. Le chef de l’État, Roch Marc Christian Kaboré, en premier, doit sortir de son légendaire sommeil pour jouer les premiers rôles dans cette impérieuse introspection.

Il y va de son propre intérêt car ses concitoyens commencent à ne plus avoir foi en sa parole. En effet, pendant qu’il annonçait des opérations de ratissage pour retrouver et neutraliser les meurtriers de Solhan, les assaillants sont revenus à la charge en pillant et incendiant tout sur les lieux du drame.

En attendant que soit revue la politique de défense et de sécurité nationales, l’armée burkinabè se doit de laver son honneur. À défaut d’avoir pu prévenir l’hécatombe, elle doit démasquer les bourreaux de Solhan pour les envoyer vider leur contentieux avec leurs victimes dans l’au-delà.

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