
La finale de la Ligue des champions entre Manchester City et Chelsea est aussi le match de deux des entraîneurs les plus en vue de notre temps. Deux hommes qui s’apprécient énormément depuis une soirée à boire du bon vin et à parler football ensemble.
Chaque match de football est un livre d’histoires, et la finale de la Ligue des champions, qui opposera ce samedi à Porto Manchester City et Chelsea, en contient suffisamment pour garder les grands enfants éveillés une bonne partie de la nuit – mais il faut choisir.
Il y aurait le duel Portugal-Allemagne, avec côté Skyblues le trio Bernardo Silva, Joao Cancelo et Ruben Dias issu du centre de formation du Benfica Lisbonne; et côté Blues Antonio Rüdiger, Timo Werner et Kai Havertz, en sus bien sûr de l’entraîneur Thomas Tuchel.
Tiens, il y aurait l’histoire de la revanche de ce technicien licencié par le Paris Saint-Germain deux jours avant Noël 2020, quelques heures après une victoire 4-0 contre Strasbourg et quatre mois pile après avoir disputé une finale de Ligue des champions (défaite 1-0 face au Bayern Munich), qui s’y invite sur le banc de sa nouvelle équipe…
Une nouvelle dimension
Il y aurait aussi des choses à écrire sur son homologue Pep Guardiola, vainqueur de la «Coupe aux grandes oreilles» en 2009 et 2011 avec Barcelone qui, malgré son aura sans égale et des équipes taillées pour le succès, n’a pas encore pu la soulever ailleurs, que ce soit avec le Bayern (entre 2013 et 2016) ou Manchester City (depuis 2016).
Mais le plus intéressant des matchs dans ce match est sans doute celui qui opposera les deux entraîneurs. Une victoire permettrait à l’un comme à l’autre de prendre une nouvelle dimension, Tuchel en décrochant son premier titre suprême, Guardiola en devenant le quatrième technicien à en aligner trois (après Bob Paisley, Carlo Ancelotti et Zinedine Zidane).
Surtout, les deux hommes comptent parmi les principales figures d’une époque qui a transformé les coachs en véritables stars. Ils sont considérés avec de plus en plus d’insistance comme des grands maîtres d’échecs qui alignent les joueurs comme des pions et orchestrent leur possession ou leur gegenpressing comme d’autres leur défense sicilienne. Pep Guardiola contre Thomas Tuchel est incontestablement une rencontre au sommet de ce monde-là.
Les intéressés ne diront pas le contraire, eux qui se tiennent en haute estime depuis le temps où l’Espagnol travaillait en Bavière tandis que l’Allemand frottait la lampe de son génie tactique à Mayence. Leur premier duel remonte au 19 octobre 2013. Il n’y a pas match: 4-1 pour le Bayern Munich. Mais malgré la différence de budget, et de valeur des effectifs qui en découlent, les protégés de Tuchel cherchent à jouer plutôt qu’à bétonner derrière. Cinq mois plus tard, rebelote, défaite de Mainz 05 (0-2) mais prestation sérieuse et ambitieuse. En conférence de presse, Guardiola, conscient du rouleau compresseur qu’il pilote, s’en étonne presque: «Aujourd’hui, c’était fun!»
Une soirée à Munich
Il s’en souvient et quand l’occasion se présente de rencontrer un Thomas Tuchel au chômage, qui a quitté Mayence et n’a pas encore rebondi à Dortmund, il la saisit, comme l’a raconté Michael Reschke à The Athletic. Présent lui aussi durant la fameuse soirée au Schumann’s Bar, à Munich, l’ancien directeur sportif du Bayern n’en a rien oublié.
«Ils discutaient des mouvements et des changements tactiques de matchs qui avaient eu lieu des années auparavant. Ils déplacent des moulins à poivre et des verres à vin, mais la plupart du temps, ils rejouaient des parties entières dans leur tête. Je n’arrivais pas à croire qu’ils se souvenaient des moindres détails. Ils se disaient des choses comme: tu sais, quand tu as fait entrer tes latéraux à l’intérieur contre le Real Madrid en 2009, en deuxième mi-temps? Pourquoi?»
De cette soirée, Guardiola a récemment dit se rappeler avoir mangé «de la bonne nourriture», bu «du bon vin» et parlé «football, football, football, football». «C’est un bon souvenir. Depuis, nous avons une bonne relation.»
En Allemagne, Thomas Tuchel resta incapable de battre celui qu’il tient pour l’une de ses principales sources d’inspiration. Son meilleur résultat avec Dortmund contre le Bayern de Guardiola: un nul 0-0, entre une lourde défaite 5-1 et un match fou perdu 4-3. Mais en Angleterre, et même s’il tient Manchester City pour «une référence», l’ancien coach du PSG reste sur deux succès consécutifs en Coupe (1-0) et en championnat (2-1). Mais c’est le résultat du match de ce samedi qui entrera vraiment dans l’histoire.
Lionel Pittet
Source : Le Temps (Suisse)
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