Conflit Israël-Palestine : chacun a raison, tout le monde a tort

Il n'y a pas de vérité à ce conflit, il y en a des milliers qui toutes méritent nos considérations.

Le conflit israélo-palestinien échappe à toute rationalité et écrire dessus revient à s’essayer à traverser le périphérique à une heure de grand trafic: une mission suicide. Quoique vous puissiez affirmer, quelle que soit la pertinence de votre raisonnement, la profondeur de votre pensée, non seulement vous vous retrouverez bien vite confronté à vos propres contradictions mais aussi aux vociférations des uns et des autres jamais assez prompts pour voir en vous soit un sioniste enragé, soit un islamiste convaincu.

Il n’y a pas de vérité à ce conflit, il y en a des milliers qui toutes méritent nos considérations. Sitôt qu’un argument pourtant teinté de bon sens est avancé, un autre tout aussi pertinent vient contredire le bien-fondé du premier sans qu’on puisse pour autant aboutir à une conclusion définitive. C’est là l’extraordinaire complexité de ce conflit où tout le monde, pour peu qu’on prenne un peu de hauteur, a raison et tort à la fois.

L’histoire de ce conflit ressemble à un immense organigramme si riche dans ses diverses déclinaisons qu’il finit par former une sorte de mosaïque indéchiffrable où faits historiques, limites géographiques, antécédents bibliques, fantasmes identitaires, récupérations politiques, obsessions messianiques et traumatismes génocidaires s’entrecroisent, se répondent, se contredisent et s’enchevêtrent dans un fouillis tel que parvenir à extraire une vérité indiscutable s’apparente à une mission impossible.

 

Et il puise si profondément dans les imaginaires des peuples concernés que parvenir à trouver une solution de compromis leur semblerait être comme un renoncement aux fondements même de leur identité. C’est peut-être une définition de l’enfer: quand les choses sont si étroitement imbriquées que la raison finit par abdiquer, remplacée par une sorte de folie incandescente, un désir ardent de plonger les uns et les autres dans une situation où, à la longue, on ne parvient plus à se trouver d’échappatoires.

Telle est la logique de ce conflit. Un bain bouillant d’aspirations contradictoires qui à force d’être exacerbées deviennent comme des pièces d’un puzzle dont on chercherait en vain à reproduire la figure originale. Que faire quand les aspirations légitimes des uns viennent contrarier les aspirations tout aussi légitimes des autres sans qu’elles puissent se fondre dans le même moule? Comment trouver un point de concorde lorsque chacun a de bonnes raisons pour ne point céder aux exigences des autres, quand des deux côtés du balancier, on peut se sentir légitime à habiter le même lopin de terre sans pour autant être prêt à accepter la présence de l’autre?

Terrible situation qui perdure depuis si longtemps que chacun des deux camps semble avoir été déserté par des hommes et des femmes de bonne volonté, ceux assez lucides pour réaliser que de continuer de la sorte s’apparente à un suicide organisé. Et assez courageux pour dire à leurs opinions publiques respectives que sans un minimum de souplesse, une once d’entendement, un brin de raison et de sagesse, on continuera à perpétuer un conflit qui, à intervalles réguliers, ensanglante avec sauvagerie les familles des deux camps.

C’est le propre de toute tragédie. Quand chacun de son côté court à sa propre perte sans qu’il lui soit permis d’échapper au destin qui l’accable. Israéliens et Palestiniens ont toutes les raisons au monde pour s’entendre et se respecter les uns les autres. Pour s’apprécier et s’aimer.

Ces deux-là sont frères de destin.

Le malheur, c’est qu’ils ne le savent pas encore.

 

 

Laurent Sagalovitsch

 

 

 

Source : Slate

 

 

Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page