L’art de l’interview, c’est le choix des questions. Dans celui concocté tout récemment avec Ould Abdel Aziz, par une « Jeune Afrique » dont nul n’aura oublié le singulier entrain à rafistoler, au cours de la décennie passée, l’image de notre putschiste national, on retiendra d’abord le message subliminal de leur agencement : fanfaronné opposant dès l’entame de l’entretien, l’ex-Président ne se voit plus situé, à son terme, qu’en sa relation, unique, avec l’actuel tenant du pouvoir. Exit donc les procédures pénales devant l’évidence de la seule alternance viable : c’était moi, c’est lui, ce sera moi demain, même si « ce n’est pas mon souhait » mais « je veux simplement que les choses changent »…
Pour faire éclore une telle burlesque suggestion, il aura fallu tout de même vingt-huit questions et autant de réponses dont le surréalisme, parfois, ne semble guère avoir ému Jeune Afrique. En commençant par zapper allègrement « la » vraie question des modalités du démentiel enrichissement d’Ould Abdel Aziz. Réduite à la portion (in)congrue : « Avez-vous déclaré votre patrimoine ? » ; celle-ci s’est vue liquidée tout aussi hâtivement par un « Oui, en arrivant et en partant » que la suivante, relative à la nature des quarante-et-un milliards d’anciennes ouguiyas récupérées par le Procureur, a délayé dans un magma de « biens appartenant aussi à de tierces personnes » et le couvert de ce qu’aucune de ces propriétés « ne porte juridiquement mon nom ».
Convention avec Arise au détriment des Mauritaniens ? « Tout ce qui a été dit de ce dossier passé plus de dix fois en Conseil des ministres, et à chaque fois perfectionné, est faux ». Caisses de l’État auditées, SNIM dont l’Inénarrable réduit abruptement la gestion à celle de sa société d’assurances :« aucune irrégularité » ; « s’il y en eut, comme dans tous les pays du Monde », […] « les responsables ont été sanctionnés ». Coups d’État ? « Tout était fermé […] j’y ai été obligé […] pour aider à ancrer la démocratie dans mon pays. » Valises bourrées d’argent au départ de Nouakchott pour Istanbul ? « Je n’ai même pas emporté un seul dollar […] tellement j’étais pressé de laisser le nouveau président s’occuper de son pays ! »
On va donc pleurer beaucoup sous les tentes. Mais consolez-vous, braves gens ! Il ouvrira son cœur,« le président parfait et modèle lors de sa sortie » (une éloge dont Son Emportée Boursouflure aurait cependant certainement mieux fait de laisser à ses lèche-bottes le soin de lancer)! « Je ne veux pas me barricader derrière l’article 93 ! », clame-t-il haut et fort,« Oui, je parlerai devant la justice ! »C’était donc cela le scoop de Jeune Afrique ? Quoiqu’il en advienne, s’il s’intéresse à la vie des puissants et aussi douteux soit le premier milliard – voire les suivants… – du Nabab, « cela ne veut pas dire que je ne m’intéresse pas à la vie de mes bergers ! », rappelle inextremis l’incorrigible opportuniste. Accourez au parti : le « Président des pauvres » remonte en selle ! Peut-être le sauverez-vous de la potence…
Ahmed Ould Cheikh
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