On connaît son prénom, Moima, on sait également qu’elle est issue de la communauté Haratine. Il y a quelques semaines à Ouadane, au nord de la Mauritanie, cette quinquagénaire a été offerte en dot par un marié à son épouse. En clair, Moima devenait l’esclave de ce nouveau foyer. On n’en sait guère plus sur le contexte de cette affaire. Notamment comment Moima s’est retrouvée esclave, et qui l’aurait vendue. Nullement inquiétées, et sans le moindre remord, les personnes impliquées seraient venues se plaindre du tapage fait autour de la divulgation de cette affaire. Devant témoins, « elles ont affirmé que Moima est leur esclave », précise Aziza Brahim de l’ONG SOS Esclaves-Mauritanie, qui a soulevé l’affaire. Une attitude qui laisse à penser que la pratique semble normale dans ce pays.
L’affaire a déclenché une vive polémique. La Commission nationale des droits de l’Homme du pays, réputée proche du pouvoir, a démenti les faits. « Il n’a pas été établi, après investigations, d’une quelconque preuve de ces allégations », a affirmé Me Ahmed Salem Bouhoubeyni, son président. Selon lui, lors de l’enquête, « le mandataire du couple qui célébrait le mariage, un témoin, la mère de l’épouse, et même l’iman qui a célébré l’union, n’ont parlé d’esclave offerte dans une dot », rapporte le site internet la Nouvelle Tribune. Pas un mot en revanche du témoignage de la victime. A-t-il seulement été recueilli ? Mystère.
Un sujet sensible
La question de l’esclavage est particulièrement sensible en Mauritanie. Bien qu’aboli en 1981, puis pénalisé en 2007 (jusqu’à vingt ans de prison), il perdure encore sans que cela n’entraîne de réelles poursuites judiciaires. Des militants dénoncent des parodies de procès qui s’achèvent par des non-lieux. Selon certaines associations, 4% de la population de Mauritanie vivrait en esclavage, soit 160 000 personnes dans un pays de quatre millions d’habitants.
La Mauritanie est régulièrement pointée du doigt quant à son manque d’effort pour supprimer cette pratique. En 2019, les Etats-Unis lui retiraient même le statut de partenaire commercial privilégié, en raison de la persistance de pratiques de « travail forcé » et « d’esclavage héréditaire ».
Les Haratines victimes de l’esclavage
L’esclavage en Mauritanie se double également d’une persécution d’un peuple, les Haratines. Ce peuple noir est asservi depuis le XIe siècle par les Arabo-Berbères. Aujourd’hui, les Haratines demeurent « le groupe qui est le plus victime de discrimination et d’exclusion dans un pays caractérisé par des hiérarchies sociales et ethniques profondes », explique l‘ONG Minority Rights. L’esclavage moderne serait une résultante de cette exclusion et concerne en premier lieu les femmes.
« Dans la société essentiellement agricole et pastorale de la Mauritanie, on dépend essentiellement des esclaves Haratines pour effectuer une gamme de types de travail, y compris la garde des enfants, la cuisine, la collecte du combustible et l’élevage, pendant de longues heures et généralement sans salaire. »
Corvéables et victimes sexuelles
Certaines anciennes victimes ont témoigné lors d’enquêtes menées par les Nations unies en 2008, puis en 2014. « Les Haratines qui sont encore dans l’esclavage travaillent de longues heures sans être payés, et sont entièrement dépendants de leurs maîtres pour la nourriture, les vêtements et les abris. Ils ne reçoivent généralement pas d’éducation ou de formation. Ils vivent à la merci de leurs propriétaires et peuvent être soumis à des mauvais traitements, au viol et d’autres violences, ainsi qu’à la séparation de leurs familles et proches ».
Certaines ont reconnu également avoir donné naissance à un enfant de leur maître. Une procréation qui constitue à la fois un lien de dépendance et la perpétuation de l’esclavage.
Source : France Info
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