Aung San Suu Kyi devant la justice, l’ONU redoute « une guerre civile »

L’ex-dirigeante Aung San Suu Kyi est convoquée devant la justice jeudi quelques heures après un réquisitoire implacable de l’émissaire de l’ONU pour la Birmanie qui a alerté d’un risque de « guerre civile » et de « bain de sang imminent » dans le pays.

Plus de 530 personnes, dont de nombreux étudiants, des adolescents et des enfants, ont été tuées par les forces de sécurité depuis le coup d’Etat militaire du 1er février, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Des centaines d’autres, détenues au secret, sont portées disparues. Les violences contre les civils ont déclenché la colère parmi la vingtaine de factions ethniques rebelles que compte la Birmanie: certaines ont lancé des attaques contre la police et l’armée, cette dernière ripostant par des raids aériens.

Il y a « un risque de guerre civile à un niveau sans précédent », a mis en garde Christine Schraner Burgener, émissaire de l’ONU pour la Birmanie lors d’une réunion à huis clos du Conseil de sécurité des Nations Unies. Elle a exhorté le Conseil à « envisager tous les moyens à sa disposition pour (…) éviter une catastrophe multidimensionnelle au coeur de l’Asie », lors de cette rencontre en urgence demandée par le Royaume-Uni. Mais les 15 membres sont restés divisés : Si Washington et Londres ont défendu la mise en place de sanctions par les Nations Unies, Pékin, allié traditionnel de l’armée birmane, a rejeté fermement cette idée, tout en appelant à « revenir à une transition démocratique ».

Profitant de ces dissensions, les généraux poursuivent leur sanglante riposte contre les opposants au putsch et resserrent leur étau judiciaire à l’encontre d’Aung San Suu Kyi, 75 ans. L’ex-dirigeante doit comparaître ce jeudi en visioconférence devant un tribunal de Naypyidaw, la capitale administrative. Son équipe d’avocats a tenu hier une première réunion avec elle par vidéoconférence. « Elle paraît en bonne santé », malgré les deux mois passés en détention, selon eux.

L’audience de jeudi devrait être brève et ne traiter que des aspects administratifs de la procédure. La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 est poursuivie pour quatre chefs, dont « incitation aux troubles publics ». Elle est aussi accusée d’avoir perçu plus d’un million de dollars et onze kilos d’or de pots-de-vin, mais n’a pas encore été inculpée pour « corruption ».

Bannie de la vie politique

Si elle est reconnue coupable des faits qui lui sont reprochés, elle pourrait être condamnée à de longues années de prison et se voir bannie de la vie politique.

La résistance contre le régime militaire se poursuit avec des dizaines de milliers de fonctionnaires et de salariés du privé toujours en grève. Des veillées à la bougie et des prières silencieuses ont été organisées jeudi à la mémoire des « martyrs » morts ces deux derniers mois. Les craintes d’un conflit plus large entre les militaires et des factions rebelles s’intensifient.

Depuis l’indépendance de la Birmanie en 1948, une multitude de groupes ethniques luttent contre le gouvernement central pour obtenir plus d’autonomie, l’accès aux nombreuses richesses naturelles ou une part du lucratif trafic de drogue. L’armée avait conclu ces dernières années un cessez-le-feu avec certains d’entre eux, mais depuis le putsch plusieurs ont apporté leur soutien au soulèvement populaire et repris les armes ou menacé de le faire.

Au moins 20 soldats ont été tués et quatre camions militaires détruits mercredi lors d’affrontements avec l’Armée de l’indépendance kachin (KIA), l’une des rebellions armées les plus puissantes de Birmanie, selon le média local DVB News. Et 11 personnes ont péri mardi dans des raids aériens dans une région minière de l’Etat Karen, d’après le site Karen News.

Sollicité, le porte-parole de la junte n’a pas répondu à la demande de l’AFP qui n’a pas pu confirmer à ce stade de manière indépendante ces deux attaques.

Sur le front politique, de nombreux membres de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi ont été arrêtés, dont au moins deux sont morts en détention. Mais des députés évincés du Parlement par les putschistes ont annoncé qu’il formerait début avril « un nouveau gouvernement civil » de résistance.

 

AFP

Source : L’Orient Le Jour (Liban)

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