CÉSAR – “Les règles du jeu changent, non pas pour que le jeu s’arrête, mais pour jouer à égalité cette fois”, avait affirmé Roschdy Zem, président de cette édition des César 2021 dans son discours d’ouverture. Et il ne s’est pas trompé. La cérémonie, très attendue sur la question de l’entre-soi et de la diversité, a relevé ce pari.
Le premier prix de la soirée a donné le ton: sacrée meilleur espoir féminin, c’est la jeune actrice de 14 ans Fathia Youssouf qui est montée sur la scène de l’Olympia. Un couronnement pour son rôle dans “Mignonnes”, un film sur l’adolescence à Paris, entre traditions d’une famille polygame sénégalaise et réseaux sociaux, signé de la réalisatrice Maïmouna Doucouré.
Jean-Pascal Zadi prône “l’humanité”
Quelques minutes plus tard, au tour de Jean-Pascal Zadi de prendre le micro. L’acteur et réalisateur de 40 ans remporte le César du meilleur espoir masculin pour “Tout simplement noir”, une comédie qui s’attaque aux clichés racistes. Cet ovni cinématographique qui, selon lui, parle “avant tout d’humanité”, a cartonné sur les écrans entre les deux confinements.
“Chaque génération doit trouver sa mission, l’accomplir ou la trahir”, a déclaré Jean-Pascal Zadi en recevant son prix, citant le penseur du post-colonialisme Frantz Fanon. “Je remercie tous ceux qui ont ouvert la brèche avant moi”, a-t-il ajouté en citant notamment l’acteur Isaach de Bankolé (César du meilleur espoir masculin en 1987 pour “Black Mic-Mac”), la réalisatrice Euzhan Palcy (César de la meilleure première œuvre en 1984 pour “Rue Cases Nègres”), Omar Sy (César du meilleur acteur en 2012 pour “Intouchables”) et Ladj Ly (César du meilleur réalisateur l’année dernière pour “Les Misérables”).
“On peut se demander si notre humanité compte lorsque l’esclavage a été retenu comme crime contre l’humanité en 2001 et qu’aujourd’hui, dans l’espace public, certaines personnes qui ont activement participé aux crimes contre l’humanité sont glorifiées par des statues”, a-t-il encore déclaré et de finir le poing levé en signe de victoire.
La jeune réalisatrice Sofia Alaoui, qui a grandi entre le Maroc et la Chine, a elle remporté le César du meilleur film de court-métrage pour “Qu’importe si les bêtes pleurent”. Elle y raconte l’histoire d’un jeune berger et son père, bloqués par la neige dans leur bergerie dans les hautes montagnes de l’Atlas. “Maman je te remercie d’avoir toujours cru en moi quand tous se demandaient ce que j’allais bien devenir”, a-t-elle adressé à celle qui la regardait depuis “son canapé orange à Casablanca”.
Citons encore le César du meilleur acteur, remis à Sami Bouajila pour son rôle dans “Un fils”. Douze ans après son César du meilleur second rôle pour “Les Témoins”, le voilà à nouveau récompensé avec le film de Mehdi Barsaoui. “J’ai souvent l’impression que les rôles nous choisissent, plus qu’on les choisit”, a déclaré l’acteur en recevant son prix des mains de Fanny Ardant.
Avec une série de rôles d’envergure depuis trente ans, il a gagné la reconnaissance de ses pairs: prix d’interprétation à Cannes pour “Indigènes” de Rachid Bouchareb (2006), César du meilleur second rôle pour “Les témoins” d’André Téchiné (2007) et dernièrement une nouvelle distinction comme meilleur acteur dans une sélection de la Mostra de Venise pour “Un Fils”.
“Je ne me suis jamais senti dans la peau du beur de service. Ce sont des rôles qui font partie de moi. J’ai mis vingt ans à me défaire de toute étiquette, ce n’est pas pour en revendiquer une aujourd’hui”, confiait-il à l’AFP en 2011 pour la sortie d’“Omar m’a tuer”. “Je me défends de devenir le porte-parole d’une communauté: je suis d’abord un acteur”.
“Ce n’est pas parce qu’on parle plus des discriminations, qu’il y en a moins”
Tout au long de la soirée, de nombreuses voix ont pris la parole donnée par une maîtresse de cérémonie décapante, Marina Foïs. Pour interpeller la ministre de la Culture Roselyne Bachelot et le gouvernement sur leur manque de considération pour le secteur en pleine crise, mais aussi pour dénoncer les discriminations.
“Inchallah les choses vont changer pour les jeunes actrices et acteurs issus des minorités!” a fait le vœu Reda Kateb, “Français d’origine tchèque et algérienne” venu remettre un César. Tandis que l’humoriste Fary a cité le message d’Aïssa Maïga, moment marquant de l’édition 2020, avant d’insister: “Les discriminations dans le cinéma en France comme partout ailleurs, c’est comme les agressions sexuelles, ce n’est pas parce qu’on en parle plus et qu’on le voit plus, qu’il y en a moins.”
Et pour que les règles du jeu continuent de changer, pour citer le président de la soirée Roschdy Zem, faire entrer la diversité au sein de l’Académie des César, et ce à tous les échelons, est l’un des principaux chantiers de la nouvelle direction élue à l’automne dernier. “La parité, la diversité et la démocratie sont les trois critères que nous avons définis pour montrer rapidement l’évolution”, expliquait la présidente Véronique Cayla à Télérama. “Nous avons changé les règles d’adhésion, de façon à rendre l’accès plus facile pour les femmes, les jeunes et les personnes issues de la diversité”.
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Source : Le HuffPost
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