Interview de Meghan et Harry : la famille royale britannique essuie une nouvelle crise

Lors de l’interview réalisée par Oprah Winfrey dimanche sur CBS, la duchesse de Sussex a affirmé que des membres de la famille s’étaient inquiétés de la couleur de peau de son fils Archie avant sa naissance.

L’interview-événement a tenu ses promesses : interrogés par Oprah Winfrey, la reine des talk-shows américains, dimanche 7 mars, sur la chaîne CBS, Meghan Markle, 39 ans, et son mari, le prince Harry, 36 ans, ont lancé quelques grenades dégoupillées contre la famille royale britannique, que celle-ci aura du mal à parer, et qui donnent l’image d’une institution excessivement traditionaliste, voire institutionnellement raciste, incapable de faire prendre la greffe avec une jeune actrice américaine métisse.

Les yeux embués de larmes, chignon bas et longue robe en soie noire, Meghan a raconté s’être sentie si isolée et peu soutenue par sa prestigieuse famille d’adoption, après avoir été « réduite au silence », qu’elle avait « des pensées suicidaires » à cinq mois de grossesse.

« C’est une fois que nous avons été mariés [en mai 2018] que tout a empiré, quand j’ai compris que je ne serai pas protégée et qu’ils [l’entourage de la famille royale] étaient prêts à mentir pour protéger d’autres membres de la famille royale », a ajouté Meghan.

Ce n’était pas Kate, duchesse de Cambridge, a-t-elle encore affirmé, qui avait pleuré à la suite d’une dispute entre les deux femmes liée aux préparatifs du mariage de Meghan – mais bien elle, contrairement à ce qu’ont rapporté les tabloïds britanniques. L’Américaine a avoué au passage avoir été « naïve » et ne pas s’être renseignée avant d’entrer dans le giron de la famille Windsor, en 2017.

 

La « couleur de peau » d’Archie

 

Harry, costume clair et air grave, a expliqué, quant à lui, à quel point il se trouvait « pris au piège » dans sa propre famille avant de rencontrer sa future femme, et que son père, Charles, a refusé de lui parler quand il lui a annoncé sa volonté de quitter le pays avec sa femme. Début 2020, Harry a choisi l’exil volontaire – en Californie – pour préserver son épouse, car il ne voulait pas « que l’histoire se répète », comme avec sa mère, la princesse Diana, a-t-il encore confié à Oprah Winfrey. « Mon père et mon frère sont prisonniers » du système, a-t-il dit. « Ils ne peuvent pas partir », comme Harry l’a fait après avoir réalisé qu’il était lui-même « prisonnier ». « Et j’ai une énorme compassion pour cela », a ajouté le prince.

L’intervieweuse était venue en voisine – elle aussi habite à Montecito, l’enclave pour super-riches de Santa Barbara où le couple a acquis une immense villa pour 11 millions de livres sterling (12,77 millions d’euros) en 2020.

L’allégation la plus sérieuse est probablement celle liée à la « couleur de peau » d’Archie, le fils du couple. Un membre de la famille royale – Meghan et Harry ont refusé de livrer son nom – a exprimé des « inquiétudes » sur la couleur de peau du bébé, et demandé « à quel point elle serait sombre », quand la duchesse était enceinte. Les accusations de racisme sont parmi celles que la famille royale britannique redoute le plus, ayant à cœur de paraître moderne et adaptée à un pays comptant près de 15 % de personnes issues de minorités ethniques.

Le couple – qui attend un deuxième enfant, une fille, ont-ils révélé dimanche – a quand même pris soin d’épargner la reine, Elizabeth II, 94 ans, une icône dans son pays et une figure très populaire aux Etats-Unis.

 

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Harry et Meghan ont, enfin, assuré qu’ils voulaient tirer un trait sur les dissensions familiales et « maintenant avancer ». Difficile cependant, après de tels propos, d’imaginer une réconciliation rapide : un an après le « Megxit », Meghan et Harry ont vraiment brûlé tous les ponts avec Buckingham Palace.

La relation entre Harry, sixième dans l’ordre de succession, et le palais, était glaciale depuis que le prince et sa femme ont décidé d’abandonner une partie de leurs obligations royales et de traverser l’Atlantique. La reine a refusé le « un pied dedans, un pied dehors » que réclamait le couple (poursuite à mi-temps des classiques œuvres de charité sous le ciel gris du Royaume-Uni, tournages pour Netflix et exploitation de la marque « Sussex » sous le soleil californien). Elizabeth II a imposé un « Megxit dur », allant jusqu’à retirer à Harry ses titres militaires honorifiques.

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La querelle familiale a viré à la guerre de communication depuis début mars, à mesure que les médias britanniques multipliaient les révélations sur le supposé harcèlement que Meghan a fait subir à son personnel durant son séjour britannique, entre 2017 et 2020. Exigences incessantes, courriels du matin au soir… Buckingham Palace a fait savoir qu’il ouvrait une enquête pour harcèlement – un empressement très inhabituel.

 

La contestation de la monarchie marginale au Royaume-Uni

 

Comment le palais va-t-il répliquer aux attaques du couple ? Les médias britanniques faisaient savoir dimanche, que la reine ne regarderait pas le « cirque » de l’interview, lequel ne devait être diffusée que lundi 8 mars sur la chaîne ITV. Dimanche, la BBC – qui ne retransmettra pas l’entretien – a diffusé un programme consacré à la famille royale célébrant le Commonwealth. Depuis la chapelle Saint-George de Windsor, Elizabeth II a insisté sur l’importance de « l’unité » et des liens avec « ses amis, ses collègues et sa famille » en ces temps de pandémie.

La famille royale britannique a déjà essuyé bien des crises et y a jusqu’à présent toujours survécu. La plus violente remonte à la fin des années 1990 : en 1995, la princesse Diana révèle lors d’une interview dévastatrice à la BBC, à quel point sa rupture avec le prince Charles est consommée. « Le problème, c’est que nous étions trois dans ce mariage », avoue t-elle candidement, faisant allusion à la maîtresse de son mari, Camilla Parker-Bowles. Ravagée par la dépression, confrontée à une institution hypocrite et sans empathie, Diana conquiert les cœurs des Britanniques et sa mort tragique, deux ans plus tard, la transforme en icône. A l’époque, Buckingham vacille.

 

 

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Vingt-cinq ans plus tard, la contestation de la monarchie reste marginale au Royaume-Uni. La reine est très respectée, son style – neutralité totale, retenue absolue dans les médias – est considéré comme un modèle achevé d’exercice de la royauté. Son mari, le prince Philippe, 99 ans, est en mauvaise santé – il est toujours hospitalisé à Londres, après avoir subi une intervention cardiaque.

Mais le reste des Windsor, qui étale ses divisions et ses infidélités depuis des décennies, ne dispose pas du même capital sympathie, même si le prince Charles, sa femme Camilla, Kate et William, travaillent beaucoup à donner l’image d’une famille consacrée au service du pays et de ses habitants.

 

Deux camps

 

Le grand déballage royal divise en tout cas l’opinion publique britannique en deux camps. Les partisans de Buckingham Palace considèrent la conduite de Harry comme profondément offensante pour la reine, et dénoncent celle de Meghan, qui voulait « se la jouer comme Beyoncé », pour reprendre l’expression d’une source royale citée par le Times.

Ces partisans de la « firme », sont plutôt conservateurs et âgés. « Elle pensait qu’elle pourrait être sur un pied d’égalité avec la reine et la duchesse de Cambridge [Kate, la femme de William]. Elle n’a rien compris à l’ordre hiérarchique », glisse un membre du palais à propos de Meghan, dans le Sunday Times, dimanche.

Le camp de Meghan et Harry est plus jeune et résolument à gauche. Il estime que l’actrice américaine a été victime d’une institution rigide, incapable d’accueillir sa différence, voire raciste. Il est moins présent dans les médias nationaux, davantage sur les réseaux sociaux, peut-être parce que les Sussex ont (aussi) déclaré la guerre aux tabloïds britanniques – et même gagné un procès contre le Mail on Sunday, après la publication par celui-ci d’échanges épistolaires entre Meghan et son père.

Les « pro-Meghan » s’étonnent, enfin, que la famille royale s’acharne à ce point contre elle et Harry alors que le prince Andrew, ami à peine repenti du pédophile américain Jeffrey Epstein, n’a pas fait l’objet d’une telle relégation.

 

 

 

Cécile Ducourtieux

(Londres, correspondance)

Source : Monde

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