Les ébats sexuels du vice-président choquent le Zimbabwe

Kembo Mohadi a annoncé sa démission, lundi 1er mars, sur fond de scandale après une affaire qui renforce l’incompréhension des Zimbabwéens face aux excès des responsables politiques du pays.

En ces temps troublés de pandémie, de pénuries et de terribles difficultés en général, les habitants du Zimbabwe n’ont pas perdu tout à fait l’envie de rire. Une bonne occasion vient de leur en être offerte par le second vice-président, ou désormais ex-second vice-président du pays, Kembo Mohadi. Ce dernier, 71 ans, a présenté sa démission, lundi 1er mars, au terme d’une série de fuites dans les médias, concernant certains aspects de sa vie sentimentale ou, pour pour être plus juste, de ses aventures sexuelles.

Des enregistrements ont été diffusés qui, s’ils étaient authentifiés, montreraient à l’œuvre un haut responsable zimbabwéen toujours vert n’hésitant pas, par exemple, à inviter de façon pressante sa maîtresse (une femme mariée, ont jugé bon de préciser les commentateurs), à le rejoindre dans son bureau de la présidence pour s’y livrer à des ébats sur place « parce que ailleurs ce n’est pas possible ». D’autres éléments qui se sont mis à pulluler ces dernières semaines dessinent un tableau dans lequel cette aventure serait loin d’être un fait isolé.

 

« Sabotage politique »

 

Comme il se doit, le second vice-président se dit victime d’une cabale et, dans une lettre étrangement fleurie, il a offert sa démission, tout en dénonçant l’action de « pseudo-paparazzis » mais aussi, de façon plus touffue, « l’interconnectivité avec l’écologie des réseaux sociaux qui ont relayé de façon virale des éléments de panique morale, tout en faisant circuler des mensonges, des mythes créés de toutes pièces, de façon à salir la réalité de [sa] vie d’homme dédié à [sa] famille », un homme qui se considère comme la « victime de distorsions de l’information, d’un montage audio, d’une manipulation orchestrée par des hommes de l’ombre et d’un sabotage politique. »

Les détails assez scabreux qui apparaissent dans les fuites ont tout de même créé un émoi au Zimbabwe et, aussi, un peu d’ironie. Car il y a bien de la farce dans cette affaire, qui dit quelque chose de l’incompréhension des Zimbabwéens face aux excès d’une microclasse politique abonnée aux scandales.

 

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La jeune femme impliquée dans cette ultime affaire, glisse, au cours d’une des conversations mises en ligne, qu’il lui faudrait de l’argent, et vite ; ce à quoi son interlocuteur, qui semblait pourtant dans une très grande hâte de la voir passer la porte de son bureau « pour lui donner [des faveurs sexuelles] », et ayant absorbé des toniques dans cette perspective, devient soudainement distant et élude avec soin la question.

Ce n’est pas le seul souci de Kembo Mohadi. Alors que des révélations avaient permis d’apprendre, en 2019, l’ampleur de ses émoluments dans ses nouvelles fonctions – soit 14 000 dollars par mois (11 000 euros) –, son ancienne épouse, Tambudzai Mohadi, sénatrice, et également pilier du parti au pouvoir, avait avancé que c’était à peu près le montant de la pension alimentaire (13 394 dollars) qu’elle estimait légitime de recevoir après trente années de mariage.

 

Sang chaud et grand destin

 

Pour justifier son exigence, par avocats interposés, elle avait fait valoir que son ex-mari l’avait « habituée à un niveau de vie très élevé ». Des disputes assez graves avaient opposé ensuite les deux anciens époux. La première Mme Mohadi, responsable politique de la région de Beitbridge, frontalière de l’Afrique du Sud, avait déclaré que son ex-époux (remarié très vite après son accession au sommet de l’Etat avec une femme de quarante ans plus jeune) avait forcé la porte de leur ancien domicile à coups de barre de fer ou de hache, et menacé de la tuer. S’il ne s’agit pas d’une invention de « pseudo-paparazzis » comme dans le cas du dernier scandale, cela tendrait à confirmer que Kembo Mohadi a le sang chaud.

On ne sait si l’ex-épouse savoure par conséquent sa revanche, aujourd’hui, ou se désole à l’idée que sa pension est probablement compromise. Mais un rebondissement n’est peut-être pas à exclure, si on s’en tient à la prophétie d’un célèbre prédicateur originaire du Malawi, actif dans toute l’Afrique australe : Shepherd Bushiri. Ce dernier a déclaré opérer des miracles de toutes sortes, guérir du sida, amener la prospérité et bien d’autres choses encore (notamment marcher en suspension au-dessus du sol).

 

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En 2016, il avait prédit à Kembo Mohadi qu’un grand destin, le plus grand même, l’attendait, et qu’il le voyait « la tête ceinte d’une couronne », mais aussi que de mystérieux ennemis tenteraient « de le percer de flèches » et de le tuer.

A ce moment, plusieurs factions s’entre-déchiraient au Zimbabwe, dans la perspective de la succession de Robert Mugabe, qui présidait le pays depuis l’indépendance, en 1980, mais allait sur ses 93 ans avec d’évidentes difficultés à conserver la fermeté de son contrôle.

 

« Conditions de vie très élevées »

 

M. Mohadi avait, pendant de longues années, dirigé la sécurité d’Etat, et il faisait à cet égard figure de pièce maîtresse dans le système de surveillance et de répression du régime. Le fait qu’il ait basculé lors du coup d’Etat, l’année suivante, en faveur d’Emmerson Mnangagwa,lui aussi vice-président avant de prendre les rênes du pays, a pu apparaître comme une source d’inspiration.

 

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Il faudrait demander à Shepherd Bushiri ce qu’il en pense, mais ce ne sera pas facile. Accusé de fraude et de blanchiment d’argent en Afrique du Sud, interpellé, le prophète a profité d’une libération sous caution pour fuir le pays, sans doute à bord de l’un de ses jets, pour se réfugier au Malawi, avec ses cinq passeports en main. Il y a été arrêté, puis libéré. La vie au sommet, surtout avec cette habitude des « conditions de vie très élevées », n’est jamais de tout repos.

Jean-Philippe Rémy

(Johannesburg, correspondant régional)

Source : Le Monde

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