
Les observateurs reviennent cette semaine sur le 55ème anniversaire du Manifeste des 19 publié le 6 Janvier 66. Les auteurs des cadres négro-africains issus de la vallée seront tous arrêtés le 11 février 66 plongeant ainsi la Mauritanie dans un chaos politique et la première fracture ethnique après 6 années d’indépendance.
L’histoire retiendra l’origine de cette tension sociale c’est la grève illimitée des élèves noirs du lycée de Nouakchott le 4 janvier 66 pour protester contre l’enseignement de l’arabe obligatoire suivie par les élèves de la capitale du Gorgol, Kaédi ainsi que le soutien de fonctionnaires à Nouakchott et même au-delà des frontières mauritaniennes par des étudiants et stagiaires à Dakar.
Un mouvement de contestation scolaire qui ne laisse pas indifférent les 19 cadres noirs issus de la vallée qui vont publier le 6 janvier 66 un Manifeste. Ils seront tous arrêtés et emprisonnés le 11 février 66. Cette solidarité agissante va plus loin que le rejet du système éducatif discriminatoire en mettant en cause tout le système politique depuis l’indépendance basé sur l’exclusion des deux composantes nationales dans tous les rouages de l’Etat les reléguant ainsi au stade de citoyens inférieurs.
Cette période difficile pour les mauritaniens est considérée par les historiens Ciré Bâ et Boubacar Diagana de gestion de crise clivante du président Mokhtar Ould Daddah.
En effet son régime avait mis en place dès les premières de l’indépendance un système de quota dans les instances administratives et politiques avec une majorité de plus de 80 pour cent à la communauté maure au gouvernement obéissant en plus à des postes dits chasses-gardés comme la primature, la défense, les affaires étrangères l’éducation nationale, la justice, l’information et les commandements au niveau de l’armée la gendarmerie et la police et la garde nationale, au parti unique PPM, au parlement dans les mairies. Et 55 ans après, le manifeste est toujours d’actualité.
Aucun locataire du palais de Nouakchott est issu des noirs de la vallée ou des haratines et aucun général d’armée noir depuis plus de 60 ans. L’arabisation à outrance au fondamental comme au secondaire et à l’université vire à l’hécatombe chaque année des résultats du Baccalauréat. Les écoliers de la vallée en sont les principales victimes. Et la fracture ethnique est plus grande avec la marginalisation des noirs et des haratines qui représentent aujourd’hui plus de 50 pour cent de la population.
L’oppression culturelle n’a pas changé. Les langues nationales pourtant inscrites dans la constitution sont reléguées au stade de dialectes ou langues vernaculaires. Les mêmes revendications au niveau de la gouvernance se posent avec acuité à savoir la révision de la constitution pour une présidence bicéphale avec un vice-président noir ou haratine. Une guerre civile a été tuée dans l’œuf après ce premier manifeste des noirs et 20 ans plus tard c’est le Manifeste du négro-mauritanien opprimée publié par le premier mouvement de libération africaine de Mauritanie qui révéla au monde entier le racisme d’Etat mauritanien dont 4 parmi les auteurs n’ont pas échappé au mouroir de Oualata.
Cherif Kane
Coordinateur journaliste
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