Deux papas créent des poupées noires à l’image de leurs enfants

«On pense vraiment qu’exposer toutes sortes d’enfants à une diversité de jouets aura un impact pour la société dans le futur - pas seulement pour eux -, et permettra d’avoir un monde meilleur.»

Sur leur site, on peut y lire cette citation de Nelson Mandela: «Il est entre vos mains de créer un monde meilleur pour tous ceux qui y vivent.»

 

Dans le cas de Gaëtan Etoga et Yannick Nguepdjop, cela s’applique littéralement. Les deux papas québécois issus de l’immigration camerounaise ont créé la compagnie Ymma, qui offre une ligne de poupées noires et métisses, pour inspirer les enfants et les exposer à la différence.

 

Un manque de diversité dans les jouets

 

 

M. Etoga explique que c’est une idée qui trottait dans sa tête et dans celle de son associé et ami d’enfance depuis un certain temps. Les deux partenaires d’affaires ont été étonnés de constater que dans de grandes villes multiculturelles comme Montréal, par exemple, cette diversité n’était pas représentée dans certains secteurs – comme celui des jouets.

 

«Les poupées noires, on s’est rendu compte que ça manquait. Et même quand on en trouve sur des étagères, elles sont rares, mises au fond ou elles coûtent cher», déplore-t-il.

 

Ils ont donc voulu pallier à ce problème en faisant les choses «à leur manière». Gaëtan et Yannick se sont proposés de rendre ces jouets accessibles à tous et de leur donner la place qu’ils ont le droit d’avoir.

Faire grandir l’estime de soi et l’ouverture à l’autre

 

 

 

Pour les deux papas, le fait d’avoir accès à des jouets qui leur ressemblent est crucial pour les enfants issus de la diversité.

 

Gaëtan mentionne notamment une étude réalisée dans les années 1940 par le Dr Kenneth Clark et sa femme Mamie, des psychologues américains. Le couple présentait à des enfants noirs une poupée blanche et une poupée noire, et leur posait une série de questions sur leur perception de celles-ci. L’expérience a révélé que plusieurs enfants considéraient les poupées noires comme moins jolies que les blanches et indiquaient qu’ils préfèreraient jouer avec ces dernières plutôt que celles qui leur ressemblaient.

 

«La vidéo du test de la poupée, quand on la regarde, c’est déchirant», dit M. Etoga. «Ces petits enfants, ils n’ont pas côtoyé des jouets qui leur ressemblaient dès le bas âge. Je pense que dans certains endroits de la société, il y a certains diktats qui leur font croire que leurs cheveux et leurs nez ne sont pas beaux. Mais nous, ce qu’on leur dit, c’est que c’est faux», indique-t-il avec conviction.

 

En créant leur ligne de poupées, Gaëtan et Yannick veulent stimuler la confiance en soi des enfants et surtout, leur faire réaliser qu’ils sont beaux comme ils sont.

 

 

Mais attention: les poupées Ymma ne s’adressent pas seulement aux jeunes racisés, précise Gaëtan. Les deux associés estiment qu’exposer ceux qui ne sont pas noirs ou métisses à une diversité de jouets dès le bas âge aura un impact dans leur futur. Puisque ces enfants auront été déjà habitués à côtoyer une certaine diversité dans les jouets, il y a de fortes chances qu’ils soient plus ouverts dans le futur.

 

«Une étude qui a été produite par des neuroscientifiques de l’Université de Cardiff, au Royaume-Uni, explique justement que le fait de jouer avec des poupées fait développer une certaine empathie, mais surtout des aptitudes pour mieux gérer les relations sociales. On pense vraiment qu’exposer toutes sortes d’enfants à une diversité de jouets aura un impact pour la société dans le futur – pas seulement pour eux -, et permettra d’avoir un monde meilleur.»

 

Un impact économique… et humain

 

 

Originaires tous deux du Cameroun, les deux comparses ont grandi dans la ville de Douala. À travers leur compagnie, ils veulent aussi partager leur culture d’origine et lui rendre hommage.

 

«Je vais prendre l’exemple [du nom des poupées]: elles s’appellent Priso, Beri et Sadi. Pour la petite histoire, en fait, ce sont des diminutifs de noms de quartiers de Douala», précise M. Etoga

 

Tous les vêtements portés par Priso, Beri et Sadi sont d’ailleurs produits entièrement au Cameroun par de la main-d’oeuvre locale et à partir de tissus fabriqués sur place.

 

Deux des étoffes utilisées «sont des tissus traditionnels du Cameroun. Je vous donne un exemple: il y a un tissu bleu avec des motifs bleu ciel qui s’appelle le “ndop”. En fait, c’est un tissu traditionnel de l’ouest du pays, utilisé dans de grandes cérémonies. Et l’autre s’appelle le “toghu”; il est noir avec des cercles jaunes et un peu d’orange dessus. C’est un tissu spécifique de la région du nord-ouest.»

 

En plus de faire ces clin d’oeil à leur pays d’origine, Gaëtan et Yannick encouragent aussi l’économie québécoise; toutes leurs boîtes et emballages sont produits ici.

 

«On a pris ces décisions-là pour avoir un impact au Cameroun, mais aussi au Québec, surtout par rapport aux situations difficiles que les compagnies, les personnes vivent actuellement. On s’est dit que ce serait bien pour nous d’avoir cet impact-là.»

 

Sensibiliser pour mieux se comprendre

 

 

Que peut-on faire de plus au Québec pour renforcer l’inclusion des personnes racisées? Pour M. Etoga, cela passe par la sensibilisation avant tout.

 

«Je pense que le premier pas, ce serait de reconnaître qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Tant qu’on ne reconnaît pas qu’il y a quelque chose qui ne va pas, on ne sait pas quoi réparer», dit-il.

 

Par la suite, l’entrepreneur estime qu’il faudra créer une discussion entre les différentes communautés à propos des barrières que certaines personnes peuvent rencontrer.

 

«Il y a des personnes avec lesquelles j’ai discuté – je ne pense pas qu’elles soient mauvaises en soi -, mais elles ne savent pas ce que d’autres communautés rencontrent. Du coup, elles ne se sentent pas concernées.»

 

Il explique que certaines personnes étaient étonnées de savoir que ce n’était pas facile de trouver des poupées noires. «Elles ne réalisaient pas ça. Une fois qu’on a eu une discussion, [elles me disaient]: “Vu que ça me touchait pas, je ne m’étais jamais posée la question. Mais maintenant que je discute avec toi, je me rends compte que ce sont des choses qui arrivent.”»

 

Offrir des poupées noires… mais bien plus

 

 

«Si cette initiative-là peut faire en sorte que 5, 10, 20 enfants soient un peu plus ouverts à la diversité parce qu’ils auront côtoyé des jouets divers, je pense que ce serait mission accomplie pour nous.»

 

Au final, à travers leur projet, Gaëtan et Yannick offrent des poupées noires et métisses, oui, mais aussi beaucoup plus que ça.

 

«Oui on reste des entrepreneurs, un business, mais c’est beaucoup plus grand que ça. On sait que ça va être compliqué et que ça ne va pas être facile, mais c’est un combat que nous sommes prêts à mener, que nous avons choisi de mener», conclut-il, plein d’espoir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : HuffPost Québec (02/02/2021)

 

 

 

 

 

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