French Tech Tremplin, programme d’accompagnement des entrepreneurs issus de la diversité qui vise à enrayer l’endogamie galopante de l’écosystème tricolore, vient de dévoiler sa nouvelle promotion. « Les Echos » présente quatre profils témoignant de la variété des parcours.
Deux cents, c’est le nombre de start-up qui composent la nouvelle promotion de French Tech Tremplin, le programme d’accompagnement dédié aux entrepreneurs issus de la diversité. Sociale, géographique, genre… les formes de diversité sont multiples, mais essentielles pour la réussite d’un écosystème tech, comme le démontre la Silicon Valley. « Nous constatons que l’origine des patrons des grandes entreprises tech américaines est bien plus diverse que la nôtre, souligne Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du numérique. Et leur performance suffit à démontrer pourquoi cela est important. Nous ne faisons pas de la charité, seules 25 % des entreprises candidates ont été sélectionnées. »
Lancé en 2017 sous l’égide de Mounir Mahjoubi et de la mission French Tech, ce programme semble avoir trouvé la bonne formule après un pivot fin 2019. Il se scinde en deux parties avec une première phase pour soutenir les entrepreneurs qui commencent leur projet (French Tech Prepa), puis celle de l’incubation. Les entreprises retenues reçoivent 30.000 euros et sont accueillies au sein des nourricières qui composent le paysage. « Avec 15 millions d’euros sur deux ans, c’est le principal budget de la mission French Tech, rappelle Cédric O. L’égalité des chances est un axe important de la politique du gouvernement, et il en va de la soutenabilité de l’écosystème à long terme. »
Pour joindre le geste à la parole, le jury qui a sélectionné les heureux élus a pris le soin de s’approcher de la parité (40 % de femmes à la tête des start-up sélectionnées), avec des âges s’échelonnant de 19 à 57 ans. Reste à s’assurer de la continuité de cette formation malgré le probable reconfinement, qui touche encore plus sévèrement les populations issues de ces diversités. « Nous en avons effectivement perdu quelques-uns en route lors de la phase préparatoire, reconnaît le secrétaire d’Etat. Mais l’objectif est de bien suivre chacun d’entre eux avec les incubateurs partenaires. Nous avons vu des acteurs comme Les Déterminés réussir, nous devons faire la même chose. »
Justine Ba, « l’ambianceuse »
Il suffit d’échanger quelques instants avec elle pour le mesurer : Justine Ba est d’une bonne humeur contagieuse et n’aime rien tant que d’organiser des événements festifs. Ce n’est pas pour rien qu’elle a fondé RoomBâ, une start-up qui facilite la réservation de lieux publics. « Il y a 36.000 communes en France, mais seulement 16.000 ont un site Internet. Or, dans les villes, il y a parfois des lieux extraordinaires qu’on peut louer comme les salles municipales, des jardins privés ou des piscines municipales et personne ne le sait », observe l’entrepreneuse de vingt-six ans. RoomBâ s’efforce ainsi de les recenser afin de faciliter leur réservation en ligne. « On coconstruit ce service auprès des mairies », poursuit la Normande, qui mène de front ses études à l’IAE Gustave Eiffel et son projet entrepreneurial.
Justine Ba va profiter du soutien financier de French Tech Tremplin pour étoffer les effectifs de sa société – ils seront bientôt à huit. La jeune pousse prévoit également de lancer un nouveau site Internet en avril et espère, quand la situation sanitaire le permettra, répondre à une double mission : aider les Français à se rassembler dans des lieux riches en histoire, tout en contribuant à la revitalisation économique des petites communes.
Montasser Jabrane, le joker de la recherche d’emploi
C’est encore plus vrai en période de crise : l’accès à l’emploi peut relever d’un véritable parcours d’obstacles, surtout quand on n’a pas fait les grandes écoles ou que l’on ne dispose pas d’un solide carnet d’adresses. Mais Montasser Jabrane n’est pas du genre à être résigné. En 2019, ce diplômé d’un BTS informatique et d’un master en ressources humaines a fondé HandyCatch, une start-up qui veut faciliter l’accès à l’emploi et la montée en compétences. « On est la seule application au monde à mettre en relation des gens avec des gens, et non des CV avec des offres », résume le patron de trente-deux ans. HandyCatch utilise la géolocalisation et la vidéo afin de mettre directement en contact les candidats et les employeurs potentiels. L’application offre également des formations dispensées par des coachs et permet l’organisation d’événements (physiques ou virtuels) en faveur de l’emploi. « On mise tout sur la rencontre », poursuit le natif de Dreux, qui a imaginé HandyCatch pendant ses études en 2013. Ce projet a mûri dans l’esprit de Montasser Jabrane pendant quelques années avant d’aboutir et lui a valu d’être sélectionné parmi les lauréats du French Tech Tremplin. Installé à Station F, HandyCatch est en phase de bêta test auprès de 20.000 personnes à Paris et à Marseille. Le coup de pouce financier du programme French Tech Tremplin va permettre à la start-up de compter bientôt sept employés. « On a un bon produit, mais il faut maintenant booster la partie R&D », détaille l’entrepreneur, tout en précisant que l’application sera disponible pour le grand public à la fin mars ou début avril. Le rendez-vous est pris.
David Nget, le classeur du logiciel Saas
David Nget l’avoue simplement : « durant mon parcours, j’ai eu la chance de croiser des gens qui m’ont donné ma chance. » Avant de créer Sempai.io, une place de marché intelligente permettant aux entreprises de bien choisir leur logiciel Saas, cet ancien champion de karaté a notamment passé deux années chez Feed. « J’y suis rentré par la petite porte en tant que responsable CRM et le fondateur, Anthony Bourbon, m’a pris sous son aile. » L’entrepreneur lui permet alors de toucher un peu à tout, lui donnant la possibilité de structurer le service client, de mettre en place un système d’abonnement pour la vente des repas nutritionnels, « de reprendre le chemin du ROI », résume David Nget.
C’est aussi son ancien patron avec qui il discute d’idées d’entreprises qui le pousse à monter sa propre société. « J’y ai passé deux années de folie, raconte, aujourd’hui, le néostartuppeur. D’un point de vue managérial, relationnel, cognitif, elles m’ont beaucoup inspiré. » Au point d’y puiser l’idée fondatrice de Sempai.io. Avec l’avènement du cloud et l’explosion des solutions Saas pour répondre aux différentes problématiques métiers, les décideurs passent entre trois semaines et six mois à implanter une solution…
Une perte de temps que l’entrepreneur, qui a grandi à Angoulême, veut totalement supprimer : « Le plus souvent, aucun cahier des charges n’est rédigé, c’est aussi aberrant que de partir en vacances sans savoir où l’on va, comment on y va et combien cela va coûter. » Lui et son associé proposent donc de qualifier les besoins et de pousser la solution la plus pertinente, en prenant un pourcentage au passage.
Malgré la jeunesse du projet, son ambition est mondiale. Elle passe désormais par 50 Partners, qui accompagne Sempai.io dans son programme d’incubation. Mais elle s’appuie aussi et surtout sur les valeurs qui lui ont été transmises durant son enfance : « Mes parents sont arrivés en France dans les années 1970, car ils ont fui les Khmers rouges. Ils ne parlaient pas français et ont créé un restaurant, les fins de mois étaient difficiles et la vie était assez chiche. Mais cela m’a aussi appris la persévérance, le dépassement et le fait de ne jamais se plaindre. »
Clémence Polveche et Mamadou Dramé, le couple « santé »
Comme l’histoire de Jack Ma (Alibaba) l’a prouvé, c’est parfois la succession de « non » qui forge un entrepreneur. Des « non », Clémence Polveche en a entendu. Avant de rejoindre son compagnon Mamadou Dramé sur la start-up Benn Yoon, la jeune femme a suivi un parcours semé d’embûches. Des péripéties qui témoignent de la nécessité d’accompagner les personnes issues de toutes les formes de diversité. En IUT en Seine-Saint-Denis, malgré les meilleures notes de sa promotion, la passerelle d’accès vers l’ESCP lui est refusée : « Je n’étais pas très assidu, mais j’ai tout de même été major . J’ai postulé dans plusieurs universités et Dauphine m’a accepté où cela s’est très bien passé. L’expérience de l’IUT a été un mal pour un bien. » Issue d’une famille monoparentale avec des revenus peu élevés, elle refuse d’être catégorisée aujourd’hui : « Je ne sais pas ce que diversité veut dire. J’ai grandi en HLM dans le 19e arrondissement à Paris, je mangeais beaucoup de pâtes, mais j’avais un ordinateur et j’ai eu une très belle enfance. » Son histoire l’a porté jusqu’à la rencontre avec Mamadou Dramé, originaire du même quartier parisien. Le voyant se passionner pour les drones et les possibilités qu’ils offrent aux populations les plus reculées d’accéder à la médecine, elle le rejoint dans son projet pour lui donner une dimension plus pérenne. « Il n’a pas de parcours académique, mais a réussi à mettre au point des technologies qu’il fallait sortir du salon », se souvient l’entrepreneuse.
Les deux compagnons se mettent en quête d’une structuration de leur offre. Ils créent alors Benn Yoon, une entreprise de livraison médicale par drone, qui a pour mission de toucher les territoires les plus reculés. Zipline, une start-up californienne est déjà sur le créneau. Qu’à cela ne tienne, les deux associés français misent sur l’innovation pour trouver leur marché : décollage à la verticale, capacité à embarquer des analyses biologiques sur le chemin retour de l’aéronef, recherches sur des sources d’énergies alternatives… La jeune pousse pourrait tirer son épingle du jeu. C’est tout l’objectif de l’accompagnement d’Incuballiance partenaire du French Tech Tremplin.
Les Echos
Adrien Lelièvre,et Guillaume Bregeras
À noter
Pour être éligibles, les candidats au French Tech Tremplin devaient pouvoir justifier de toucher les minima sociaux, de bénéficier d’une bourse de l’enseignement supérieur, d’être un résident d’un quartier prioritaire de la ville (QPV), ou d’être réfugié.
Source : LireLactu
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