Sans surprise, les géants pharmaceutiques ne dévoilent pas les prix de leurs vaccins au nom de la confidentialité des contrats signés avec les Etats. Il a fallu une gaffe d’Eva De Bleeker, ministre belge d’Etat au Budget, pour en avoir une idée. Contrat négocié collectivement par la Commission européenne, la Belgique avait commandé à fin décembre 33 millions de doses pour 279 millions d’euros. A cette date, à l’exception de celui de Pfizer, aucun autre n’avait encore obtenu l’homologation de la part de l’Agence européenne des médicaments.
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Dans le détail, le gouvernement belge a payé 1,78 euro pour le vaccin d’AstraZeneca/Université d’Oxford, 8,50 euros pour Johnson&Johnson, 7,56 euros pour Sanofi/GSK, 12 euros pour Pfizer, 10 euros pour CureVac et, enfin, 18 euros pour la dose de Moderna. Embarrassées par la révélation, les entreprises n’ont pas caché leur agacement et la Commission a dû rappeler la ministre belge à l’ordre au nom de l’obligation de discrétion des contrats.
Subventions publiques
Pour Yuan Qionghu, juriste et experte en matière d’accès aux médicaments chez Médecins sans frontières (MSF), l’industrie pharmaceutique a un devoir de transparence sur les prix. «Il s’impose d’autant plus que les entreprises ont touché des milliards de subventions publiques pour développer les vaccins anti-covid», estime-t-elle. En effet, aux Etats-Unis, quelque 10 milliards de dollars ont été débloqués dans le cadre de l’opération «Warp Speed» pour trouver une réponse à la pandémie. Idem en Europe où les gouvernements allemand et britannique ainsi que la Banque européenne d’investissement ont financé la recherche. En Chine, trois des quatre laboratoires qui ont développé des vaccins sont directement soutenus par l’Etat.
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«Les prix ont un lien direct avec l’accès aux vaccins, plus particulièrement dans les pays pauvres, poursuit la juriste de MSF. Les grandes entreprises disent offrir des rabais, mais n’en fournissent aucun détail.» Dans le cas de l’Afrique du Sud où le nombre d’infections n’a cessé d’augmenter ces derniers jours et qui a menacé de suspendre les règles sur la protection de la propriété intellectuelle des vaccins, les fabricants viennent de négocier des livraisons à bas prix. Le principal fournisseur, AstraZeneca, a offert la dose à 3,50 dollars alors qu’en Belgique le prix était de 10,40 dollars.
Les bas prix freinent l’innovation
Pour la Fédération internationale de l’industrie du médicament, plusieurs facteurs entrent en jeu lorsqu’il s’agit de fixer les prix des vaccins anti-covid, notamment la taille de la commande, le délai de livraison et les conditions de paiement. «Notre industrie évolue dans un environnement dynamique et compétitif en présence de nombreux acteurs et les prix sont fixés selon les règles du marché», affirme une porte-parole. Dans les circonstances de pandémie toutefois, la tendance est d’offrir les vaccins à un «prix social». Et de mettre en garde: le secteur ne peut toutefois pas pratiquer des prix planchers car, selon elle, les bas prix freinent l’innovation.
Source : Le Temps (Suisse)
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