Joe Biden se prépare à la victoire, malgré la lenteur des derniers décomptes

L’ancien vice-président s’est présenté devant les caméras, vendredi soir, multipliant les formules optimistes sur son sort électoral, et apaisantes pour ses concitoyens.

A force d’être sollicités, leurs visages ont fini par devenir familiers aux Américains encore rivés devant leurs écrans, vendredi 6 novembre, au troisième jour du dépouillement de l’élection présidentielle. Il s’agit de ceux de Josh Shapiro, le procureur général de la Pennsylvanie, de Kathy Boockvar, la secrétaire du même Etat chargée des élections, de ses homologues Katie Hobbs dans l’Arizona, ou encore Brad Raffensperger en Géorgie.

Les responsables des comtés décisifs, celui de Clark qui englobe Las Vegas (Nevada), ou celui d’Allegheny, qui comprend Pittsburgh (Pennsylvanie), n’ont pas été oubliés. Tous ont assuré comprendre l’impatience et invité chacun à ronger son frein dans le calme, tout en égrenant des comptabilités savantes de votes par correspondance, de bulletins provisoires ou de suffrages exprimés par des soldats déployés en dehors des frontières américaines.

 

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La familiarité a été renforcée lorsque l’un des fils du procureur général de Pennsylvanie, retenu à son domicile par le Covid-19, est entré par inadvertance, les yeux rivés sur son téléphone portable, dans le champ de vision de la caméra utilisée par son père, avant d’effectuer une discrète retraite. Le verdict est tombé quelques minutes plus tard sur le compte Twitter de Josh Shapiro, sur le ton de l’humour : une sentence de vingt-quatre heures de suspension de l’appareil.

La bévue a d’autant plus attiré l’attention que la journée n’a pas tenu les promesses de son aube. Le candidat démocrate, Joe Biden, avait alors rattrapé, puis dépassé, le président sortant en Géorgie, un ancien bastion républicain ayant résisté à Barack Obama, en 2008 comme en 2012. Puis l’addition de nouveaux votes, un peu avant 9 heures du matin, lui a permis de prendre la tête pour la première fois en Pennsylvanie.

 

Biden multiplie les formules optimistes et apaisantes

 

Ce démarrage en fanfare a poussé l’ancien vice-président à annoncer qu’il prononcerait une déclaration solennelle en fin d’après-midi. Mais les décomptes ont alors ralenti. Le compteur démocrate s’est bloqué en Géorgie à un peu plus de 4 000 voix d’avance, ouvrant la voie à un recomptage annoncé par Brad Raffensperger. Il a triplé dans le Nevada pour atteindre le seuil de 22 000 suffrages, sans plus en bouger. Il a fallu quinze heures pour obtenir une avance de près de 29 000 voix en Pennsylvanie, pendant que celle enregistrée dans l’Arizona était au contraire réduite d’un tiers avec un peu moins de 30 000 voix.

Cette lenteur a empêché qu’un Etat supplémentaire soit ajouté au compte de Joe Biden. L’apport de la Pennsylvanie lui aurait permis d’obtenir les 270 grands électeurs nécessaires pour entrer à la Maison Blanche. La combinaison de l’Arizona et du Nevada, ou de la Géorgie et du Nevada, aurait produit le même résultat.

 

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Faute du signal décisif donné par le juge de paix par défaut des élections, l’agence Associated Press, Joe Biden n’a pu revendiquer la victoire comme il l’avait imaginé, alors que le Secret Service, l’institution chargée de la protection des personnalités, renforçait son dispositif autour de sa personne.

 

L’ancien vice-président s’est néanmoins présenté devant les caméras, en fin de soirée, pour y afficher le calme des vieilles troupes. Comme les deux jours précédents, il a multiplié les formules optimistes sur son sort électoral, et apaisantes pour ses concitoyens. « Nous sommes sur la bonne voie pour obtenir plus de 300 votes au collège électoral, et regardez les chiffres au niveau national : nous allons gagner cette élection avec une nette majorité de la nation derrière nous. Nous avons recueilli plus de 74 millions de votes. C’est plus de votes que n’importe quel ticket présidentiel dans l’histoire des Etats-Unis d’Amérique, et notre total continue de croître », s’est-il réjoui.

 

Instiller l’idée d’une transition déjà à l’œuvre

 

« Je sais que regarder ces décomptes de voix à la télévision monter lentement peut engourdir. Mais n’oubliez jamais que les totaux ne sont pas que des chiffres, ils représentent des votes des hommes et des femmes qui ont exercé leur droit fondamental à faire entendre leur voix », a-il ajouté. Et puis ceci : « Votre vote sera pris en compte. Peu m’importe l’énergie avec laquelle les gens essaient de l’arrêter. Je ne laisserai pas cela se produire. »

Joe Biden n’a consacré que ces deux courtes phrases aux efforts désespérés déployés par le camp républicain pour étayer par des faits tangibles les multiples accusations de fraude massive martelées par Donald Trump. Ces efforts n’ont été qu’en partie récompensés, lorsqu’un juge conservateur de la Cour suprême, Samuel Alito, a ordonné que les bulletins de vote arrivés par courrier après le 3 novembre, en Pennsylvanie, soient traités séparément des autres bulletins. Mais le juge n’a toutefois pas ordonné l’arrêt réclamé de leur comptage.

Vendredi soir, Joe Biden a préféré parler des dossiers à traiter en urgence dès son arrivée dans le bureau Ovale. « Pendant que nous patientons pour avoir les résultats définitifs, je veux que les gens sachent que nous n’attendons pas pour nous mettre au travail », a-t-il assuré afin d’instiller l’idée d’une transition déjà à l’œuvre, évoquant l’économie et l’épidémie de Covid-19, au moment même où était annoncée la contamination du plus proche collaborateur de Donald Trump, son chief of staff (chef de cabinet) Mark Meadows ; elle a coïncidé pour le troisième jour de suite avec un nouveau record de cas détectés, 127 000, selon l’université Johns-Hopkins, qui fait référence en la matière.

Cette transition relève pour l’instant d’une vue de l’esprit, tant le président sortant se refuse à envisager la perspective d’une défaite. En 2016, la démocrate Hillary Clinton, donnée favorite avant le scrutin, n’avait eu besoin que de quelques heures pour admettre la sienne. Elle avait sacrifié au rituel de l’appel téléphonique au vainqueur qui, pendant la campagne, lui promettait la prison. Elle n’avait pas contesté par la suite les résultats, pas même dans le Michigan où elle n’avait été distancée que de 10 000 voix, et elle avait assisté à la prestation de serment du président élu, le 20 janvier 2017, en sa qualité d’ancienne First Lady.

 

Vendredi, Donald Trump est resté invisible

 

Joe Biden n’a pas eu besoin d’attendre vendredi pour découvrir que Donald Trump ne serait pas disposé à faire sienne cette élégance non constitutionnelle. Avant que le moindre bulletin de vote ne soit déposé dans une urne, ce dernier avait assuré qu’il ne pourrait être battu que dans le cadre d’une « élection truquée ». Des mois durant, il a répété que le recours aux votes par correspondance, dont l’afflux était prévisible du fait de l’épidémie, alimenterait une « fraude massive ». « L’élection n’est pas terminée », a assuré son équipe de campagne, vendredi matin, annonçant une longue bataille qui s’achèvera, a-t-elle affirmé, par la réélection du président sortant.

Cet état d’esprit est la garantie de la plus tumultueuse des transitions. Car Donald Trump n’entend pas faciliter la tâche de son adversaire. « JE GAGNE facilement la présidence des Etats-Unis avec des votes légaux », a-t-il assuré sur son compte Twitter, au milieu de la nuit de jeudi à vendredi. « Les OBSERVATEURS n’étaient pas autorisés, de quelque manière que ce soit, sous quelque forme que ce soit, à faire leur travail et, par conséquent, les votes acceptés pendant cette période doivent être considérés comme des VOTES ILLÉGAUX. La Cour suprême des Etats-Unis devrait décider ! », a-t-il ajouté après avoir demandé vainement une première fois, deux nuits plus tôt, que la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis interrompe les opérations de dépouillement.

Resté invisible vendredi, Donald Trump a jugé, en milieu de journée, sur le même canal, qu’« avec l’attaque des démocrates radicaux de gauche contre le Sénat républicain la présidence devient encore plus importante ! ». Ce cri de ralliement a eu des accents désespérés, compte tenu du peu d’empressement manifesté par la majorité des républicains pour soutenir sans barguigner ses accusations de fraude massive.

L’élection présidentielle ne va s’achever que pour laisser la place à la sourde bataille engagée devant les tribunaux par Donald Trump, qui ne part pas de la plus enviable des positions. Pendant ce temps, Joe Biden compte mettre en scène la constitution de ses équipes, même s’il se heurte à l’absence de coopération du président sortant, pour jouer une fois encore de l’effet de contraste avec son adversaire.

Gilles Paris

Source : Le Monde

 

 

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