La nièce de Ben Laden, trumpiste chic et choc

La Suissesse Noor Bin Ladin, 33 ans, fille du demi-frère du terroriste saoudien, est une fervente supportrice de Donald Trump. Le seul capable d’éviter un nouveau 11-Septembre, selon elle…

Sur sa photo de profil Twitter apparaît, devant un ciel étoilé, le mont Cervin, la montagne la plus emblématique de Suisse, recouverte du drapeau américain. Sur Instagram, Noor Bin Ladin, 33 ans, pose devant le lac Léman en survêtement bleu marine et casquette rouge, tous deux siglés du célèbre slogan trumpiste, Make America Great Again. De mère suisse et de père saoudien, cette nièce de Ben Laden qui, contrairement à ses deux sœurs, n’a jamais vécu en Arabie saoudite, reconnaît elle-même que son soutien à Trump tout comme son américanophilie peuvent surprendre.

Son père Yeslam, demi-frère d’Oussama Ben Laden, porte le nom « le plus controversé du XXIe siècle », écrit-elle. Il n’empêche : Noor Bin Ladin – elle tient à cette graphie, adoptée par sa branche de la famille – a toujours été fascinée par les Etats-Unis. Peut-être parce que c’est durant leurs études à l’université de Californie du Sud (USC), à Los Angeles, que ses parents ont connu leurs plus belles années de couple ? Avant que leur divorce n’entre dans les annales de Genève : la procédure, étalée sur une décennie, fut l’une des plus longues du canton.

 

Traumatisée par les attentats de 2001

 

Dans ses Mémoires, Inside the Kingdom, My Life in Saudi Arabia, devenues un best-seller en France et aux Etats-Unis après leur sortie en 2004, sa mère, Carmen Bin Ladin, née Dufour, se souvient de Noor rapportant d’un voyage en Caroline du Sud un drapeau américain qu’elle a ensuite collé au mur de sa chambre. Mère et fille visitent le pays plusieurs fois par an… jusqu’au 11 septembre 2001. Noor est encore lycéenne. Ce jour-là, Carmen se rappelle l’avoir retrouvée sous le choc, à la sortie des cours. « New York ne sera plus jamais comme avant », lui dit sa benjamine.

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Comme tout le monde, elles rentrent chez elles pour regarder CNN. Mais contrairement à tout le monde, quand le nom d’Oussama Ben Laden commence à circuler, leur vie prend un autre tournant. L’aînée, Wafah, aujourd’hui musicienne dans un groupe indé du ­quartier du Hackney à Londres, n’a pas pu rentrer à New York, où elle résidait alors. Menacée de mort, et accusée, à tort, d’avoir été prévenue en amont des attentats, elle a ensuite été poursuivie par les reporters dans sa nouvelle ville d’adoption, Londres, où sa carrière dans la musique a largement pâti de son nom de famille. Dans son livre, leur mère Carmen écrit : « Nous étions les seules Bin Ladin en Europe dont le numéro de téléphone était dans le Bottin. »

 

Lettre ouverte aux Etats-Unis

 

Jusqu’ici discrète, Noor Bin Ladin donne depuis cet été de la voix pour soutenir Donald Trump. Une position qui étonne à Genève, où elle a grandi et réside. Un sondage de 2018 indiquait que seuls 18 % des Suisses avaient une opinion favorable de Trump. Alors qu’elle arborait sa tenue trumpiste, la trentenaire a récemment été interpellée dans la rue par une dame d’une cinquantaine d’années. « J’ai gardé mon calme, raconte-t-elle dans une interview donnée début septembre au New York Post, un tabloïd conservateur. Et inutile de dire que j’ai aussi gardé ma casquette ! »

« Pourquoi est-ce que je soutiens Donald Trump ? », détaille Noor dans une tribune à la version américaine du Spectator, une autre publication conservatrice, après avoir publié sur son site personnel une lettre ouverte aux Etats-Unis. Dans les deux textes, la plume est soutenue et les arguments reprennent fidèlement la communication du locataire de la Maison Blanche. « Il a tenu tête à la Chine ; évité aux Etats-Unis d’entrer dans de nouvelles guerres ; annulé l’accord avec l’Iran, désastreux ; et anéanti l’Etat islamique. » Sur le plan domestique, Noor Bin Ladin salue la bonne santé de l’économie américaine, mais aussi les accords commerciaux et les réductions d’impôts engagées par Trump. Elle conclut sa tribune en assurant qu’elle sera dans l’un des premiers vols pour les Etats-Unis, se plaignant au passage des restrictions de mouvement dues à la situation sanitaire mondiale.

 

« Défenseuse des libertés individuelles »

 

Sur Twitter, ça se gâte. Elle s’attaque violemment à la députée du Minnesota, Ilhan Omar, reprenant les mêmes diatribes racistes que le président Trump à l’égard de l’élue d’origine somalienne ; estime que Barack Obama est le plus grand traître de l’histoire ; cite le fondateur du média d’extrême droite Breitbart News, Andrew Breitbart ; et semble convaincue que Trump est le meilleur rempart à l’islamisme radical. Pour elle, il serait le seul homme politique capable d’éviter un nouveau 11-Septembre.

Le 21 octobre, elle a partagé son effarement à la suite du meurtre de Samuel Paty, et en a tiré ce constat : « L’infiltration des terroristes islamistes en Europe est irréversible. » Un jour plus tard, comme toute la twittosphère de la droite américaine, elle s’insurge contre le réseau social qui a suspendu le compte du New York Post après que le journal a mis en ligne un article sur le fils de Joe Biden, Hunter, contenant des informations hackées. Pour Noor Bin Ladin, c’est la preuve que les Etats-Unis de 2020 pratiquent autant la censure que l’Arabie saoudite des années 1970 : « 1978 : ma mère faisait passer des livres interdits en Arabie saoudite où toute information était contrôlée par l’Etat et censurée. 2020 : le New York Post a été interdit de Twitter pendant plus d’une semaine. »

Celle qui se définit comme une grande défenseuse des libertés individuelles reconnaît avoir perdu pas mal d’amis depuis cinq ans, date à laquelle elle a commencé à soutenir Trump. Ce qui lui permet d’affirmer, bravache, que « dans certains cercles élitistes », cela lui aura coûté plus cher de devenir pro-Trump que de porter le nom de Ben Laden.

Source : M Le MagazineLe Monde (Le 01 Novembre 2020)

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