Maryse Condé : l’histoire est mieux armée que la littérature pour parler de l’esclavage

« En tant qu’écrivain, je suis toujours un peu effrayée d’avoir à parler de l’esclavage, surtout quand j’essaye de le faire à des enfants. C’est tellement énorme, tellement injuste (…) Tandis que l’histoire, qui se base sur des faits précis, l’histoire me paraît mieux armée que la littérature.

En tant qu’écrivain, je suis toujours un peu effrayée d’avoir à parler de l’esclavage, surtout quand j’essaye de le faire à des enfants. C’est tellement énorme, tellement injuste, tellement arbitraire, que finalement essayer de faire rentrer un pareil phénomène dans une réalité que des jeunes peuvent accepter c’est pratiquement impossible. Tandis que l’histoire, qui se base sur des faits précis, des données, l’histoire me paraît mieux armée que la littérature.

Depuis une dizaine d’années, l’enseignement de l’histoire des traites, des esclavages et de leurs abolitions a pris dans certains pays une place plus importante à l’École, qu’il s’agisse des plus jeunes ou d’adolescents sur le point de devenir des citoyens de plein droit. Ces questions restent cependant encore des points relativement aveugles dans les programmes scolaires d’autres États et leur reconnaissance ou leur persistance dans le champ des savoirs scolaires constituent des objectifs toujours actuels.

L’École est elle aussi concernée par la conjonction d’une demande sociale, de processus de  reconnaissances mémorielles ainsi que d’avancées de la recherche scientifique dans les différentes  disciplines enseignées : histoire, géographie, langues, sciences économiques et sociales, philosophie,    littérature, arts… Comment toutes ces demandes et toutes ces exigences disciplinaires peuvent-elles, pour les écoliers, les collégiens et les lycéens, se fondre dans le creuset d’une transmission commune, qui fasse sens collectif ? Ce cas de figure souligne une fois de plus combien les savoirs scolaires se  situent au croisement d’enjeux citoyens, culturels et mémoriels, tout autant que scientifiques, ce qui participe de la complexité de ces questions » socialement vives ».

Un entretien enregistré en mai 2011, dans le cadre du colloque « Enseigner les traites, les esclavages, leurs abolitions et leurs héritages. Questions sensibles, recherches actuelles ».

 

 

Maryse Condé, journaliste, professeure de littérature et écrivaine, auteure notamment de Moi, Tituba sorcière… et de Ségou

 

 

Source : France Culture (Le 09 octobre 2020)
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