
Le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Doha a publié une grande enquête d’opinion publique dans le monde arabe. Aussi surprenant que cela puisse paraître, elle met en avant une relative ressemblance des réponses entre les habitants de pays très différents.
On disserte facilement de «l’opinion arabe» à partir d’un simple échange avec un chauffeur de taxi, d’un post sur Facebook ou d’un graffiti sur un mur. Et voilà l’occasion de confronter ces impressions, nécessairement fragmentaires, avec «la plus vaste enquête d’opinion publique effectuée dans le monde arabe», selon sa présentation. Il s’agit d’un sondage rendu public cette semaine par le Centre arabe de recherches et d’études politiques de Doha. Effectué, entre novembre 2019 et juillet 2020 dans treize pays arabes, auprès de 28 000 femmes et hommes, et mené par des entretiens individuels, ses résultats apportent des confirmations évidentes mais suscitent quelques interrogations.
Une même nation
Présenté comme «le baromètre de l’opinion publique arabe», le septième du genre depuis 2011 réalisé par le même centre, se veut plus global tant par le nombre de pays concernés que par la diversité des sujets couverts. Première surprise, la relative ressemblance des réponses entre les habitants de pays aussi différents que ceux du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie), du Machrek (Palestine, Liban, Jordanie, Irak), du Golfe (Arabie Saoudite, Koweït et Qatar) auxquels il faut ajouter l’Egypte et le Soudan. Une proximité logique quand plus de 80% des sondés considèrent que les pays arabes constitue une même nation, selon l’enquête.
A lire aussiLes autres épisodes de la chronique «A l’heure arabe»
Découvrir que les trois quarts des Arabes interrogés approuvent la démocratie est plutôt rassurant. Mais comment comprendre alors qu’ils évaluent à 6 sur une échelle de 10 le degré de démocratie dans leur pays ? Surtout qu’il est mesuré sur la liberté d’expression. Certes, l’appréciation varie entre les Tunisiens ou les Soudanais qui évaluent leur démocratie à 7/10 et les Saoudiens qui la note à 4/10. Mais tout de même donner le moindre indice à la démocratie en Egypte ou en Arabie Saoudite est un peu inquiétant. Autre contradiction apparente : alors que 90% des sondés estiment globalement que la corruption sévit parmi leurs gouvernants et leurs administrations, entre 43 à 50% d’entre eux, selon les pays, ont une perception positive de l’action de leurs gouvernements.
Rejet de l’exploitation de la religion par les gouvernants
Sur le chapitre de la religion, sujet souvent trop sacré et délicat pour être franchement abordé dans les pays arabes, essentiellement musulmans, l’enquête révèle des évolutions intéressantes. Certes une écrasante majorité de 86% des sondés se disent «religieux», dont 23% «très religieux» mais 12% s’affirment non religieux et même non croyants, et ce n’est pas rien. Mais surtout, 71% rejettent l’exploitation de la religion par les gouvernants, confirmant sans doute un affaiblissement de l’islamisme politique. Et si une petite majorité se dégage globalement pour une séparation entre l’Etat et la religion, le pourcentage atteint plus de 80% chez les Libanais et les Irakiens qui rejettent massivement leurs systèmes communautaristes.
Enfin, le regard des populations arabes sur la politique des puissances régionales et internationales dans la région, s’exprime par un rejet massif et général des interventions extérieures. Sans surprise, le rôle des Etats-Unis est le plus critiqué avec plus de 70% d’opinions défavorables. La Russie suit de près, puis l’Iran avec 67%, la France 55%.