Vu du Sahel – La joie, mais déjà des questions après la libération de Sophie Pétronin et Soumaïla Cissé

L’humanitaire française Sophie Pétronin, l’homme politique malien Soumaïla Cissé, ainsi que deux otages italiens ont recouvré la liberté le jeudi 8 octobre au soir. Des libérations qui se sont faites au prix de celles de dizaines de terroristes, souligne le journal burkinabé.

“L’éternité, c’est long, surtout vers la fin”, a dit Woody Allen. Ainsi pourrait-on parler de l’interminable attente de la libération de [l’homme politique malien] Soumaïla Cissé et de [l’humanitaire française] Sophie Pétronin, qui a donné lieu à un emballement médiatique exceptionnel où les fake news le disputaient aux supputations de toute nature, depuis l’élargissement à plus d’une centaine de terroristes comme monnaie d’échange par les autorités du pays [selon le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), qui détenait les otages, 206 djihadistes ont été libérés]. Mais, comme le dit l’adage populaire, “quelle que soit la durée de la nuit, le jour finit par se lever”.

Enfin ! L’ex-chef de file de l’opposition politique malienne, enlevé le 25 mars 2020, en pleine campagne électorale, dans la région de Niafunké, et l’humanitaire française, kidnappée il y a quatre ans, précisément le 24 décembre 2016, à Gao, ont recouvré la liberté. Ces désormais ex-otages que tout séparait mais qui ont vu leurs destins liés par la captivité, ont pu rallier la capitale malienne, Bamako [le jeudi 8 octobre au soir], où trépignaient d’impatience leurs familles et leurs proches. C’est peu de dire que ce retour à la liberté est un immense soulagement pour les otages eux-mêmes, avant tout.

Un coup de maître pour les autorités de transition

 

Même si, pour l’instant, on sait peu de choses sur leurs conditions de détention, il n’est pas difficile d’imaginer qu’ils ont vécu l’enfer dans le désert malien, ne serait-ce que du simple fait de ne pouvoir jouir de la liberté d’aller et venir, de vivre séparés de leur famille, avec l’angoisse tenace de ne plus en revoir les membres un jour. Ces longs jours de captivité ne peuvent se solder que par des traumatismes psychologiques et physiques dont les séquelles indélébiles affectent profondément la personnalité.

 

C’est enfin et aussi un grand ouf de soulagement pour les autorités de la transition au Mali [des haut gradés tiennent les rênes du pays depuis le coup d’État du 18 août dernier], qui jouaient gros dans ces tractations pour la libération de l’opposant. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ont réussi un coup de maître là où le régime précédent [conduit par le président Ibrahim Boubacar Keïta] était essayé sans engranger le moindre succès.

 

 

Le gain politique immédiat est l’augmentation de leur capital de sympathie auprès des populations. Et cela n’est pas rien pour un pouvoir qui, à défaut de la légalité républicaine, est en quête d’une légitimité populaire. À cela, il faut désormais ajouter les faveurs des autorités françaises, qui applaudissent à se rompre les doigts la libération du dernier otage français dans le désert saharien.

 

Des libérations chèrement payées

 

Cela dit, ces effluves de joie masquent difficilement le fait que cette libération, dont on ignore encore tous les dessous [aucune information n’a pour l’heure filtré sur les négociations et le versement d’une éventuelle rançon], a été chèrement payée. Des centaines de terroristes ont été relâchés dans la nature. Il faut s’attendre à ce que ces fanatisés aillent à nouveau aux sources les plus profondes du radicalisme pour revenir semer, à tout vent, mort et désolation dans toute la sous-région.

 

 

Les craintes de véritables boucheries humaines peuvent être d’autant décuplées que bien des pays de la sous-région [la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso] se préparent à aller à des élections qui ont toujours été l’occasion de multiplications d’attaques terroristes. À cela, il faut ajouter les risques de développement, dans tout l’espace sahélo-saharien, d’une véritable industrie du rapt. Mais que ne devrait-on faire pour sauver des vies, surtout que l’on peut travailler à amoindrir les risques évoqués ?

 

 

Plus globalement pour le Mali, on peut espérer que la libération des deux otages ouvre une nouvelle page dans les relations entre l’État et les groupes armés qui écument tout le pays. Ces négociations abouties prouvent que, quand les Maliens le veulent, ils peuvent parler le même langage dans l’intérêt de toutes les parties prenantes à cette guerre sans fin qui ravage le pays depuis plus d’une décennie. En tout cas, cette actualité malienne redonne espoir à tous les autres otages détenus par les groupes armés du Sahel. Et c’est le moment de penser aux otages au Burkina Faso qui sont toujours entre les mains de leurs ravisseurs, en l’occurrence le docteur Elliott et le curé de Dori.

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Source : Courrier international

 

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