Meurtre de Khashoggi : un verdict final saoudien annule les cinq peines capitales

Un tribunal de Ryad a annulé lundi les peines capitales prononcées pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, dans un verdict final aussitôt qualifié de « parodie de justice » et « farce » par une experte de l’ONU et la fiancée de cet ancien critique du pouvoir saoudien.

« Cinq prévenus ont été condamnés à 20 ans de prison et trois autres à des peines allant de 7 à 10 ans », a indiqué l’agence officielle saoudienne SPA, citant les services du procureur général.

« Le procureur saoudien a joué un nouvel acte dans cette parodie de justice », a réagi sur Twitter la rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions sommaires, Agnès Callamard, selon qui « ces verdicts n’ont aucune légitimité juridique ou morale ».

La fiancée turque de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz, les a pour sa part qualifiés de « farce ».

« Les autorités saoudiennes ont clos ce dossier sans que le monde sache la vérité sur qui est responsable du meurtre de Jamal », a-t-elle ajouté.

Depuis le début de la procédure judiciaire en Arabie saoudite, il n’y a eu « que des tentatives répétées de dissimulation », a également déclaré à l’AFP Ines Osman, directrice de MENA, une ONG de défense des droits humains basée à Genève.

AFP

La rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions sommaires, Agnès Callamard, le 26 juin 2019, à Genève

Le verdict intervient après que les fils de Jamal Khashoggi ont annoncé en mai « avoir pardonné » ses tueurs. Par le passé, son fils ainé Salah Khashoggi avait assuré avoir « pleinement confiance » dans le système judiciaire saoudien.

En avril 2019, le Washington Post avait de son côté assuré que les quatre enfants du journaliste assassiné, y compris Salah, avaient reçu des maisons d’une valeur de plusieurs millions de dollars et étaient payés des milliers de dollars par mois par les autorités. La famille avait alors démenti.

– Versions –

Collaborateur du Washington Post et critique du régime saoudien après en avoir été proche, Jamal Khashoggi a été assassiné et son corps découpé en morceaux en octobre 2018 dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, où il s’était rendu pour récupérer un document.

Il était alors âgé de 59 ans et ses restes n’ont jamais été retrouvés.

AFP

Hatice Cengiz, ancienne fiancée turque de Jamal Khashoggi, après avoir assisté au procès de 20 suspects pour le meurtre du journaliste saoudien, le 3 juillet 2020, à Istanbul

Ce meurtre a plongé l’Arabie saoudite dans l’une de ses pires crises diplomatiques et terni l’image du prince héritier Mohammed ben Salmane, dit « MBS », désigné par des responsables turcs et américains comme le commanditaire du meurtre.

Après avoir nié l’assassinat, puis avancé plusieurs versions, Ryad a affirmé qu’il avait été commis par des agents saoudiens qui auraient agi seuls et sans recevoir d’ordres de leurs dirigeants.

Le procureur saoudien a innocenté le prince héritier. Ce dernier a déclaré à la télévision américaine PBS qu’il acceptait la responsabilité du meurtre, parce qu?il s’est produit « sous son règne » tout en niant en avoir eu connaissance auparavant.

La CIA américaine aurait également conclu que le prince, qui contrôle tous les leviers du pouvoir, a probablement ordonné le meurtre.

La justice saoudienne s’était elle-même saisie de l’affaire et, à l’issue d’un procès opaque, cinq Saoudiens avaient été condamnés à mort et trois autres à des peines de prison, sur un total de 11 personnes inculpées. Les trois autres avaient été « blanchies ».

Ce verdict, prononcé en décembre dernier, avait été critiqué par les organisations internationales de défense des droits humains.

– « Fin » –

Les personnes condamnées lundi n’ont pas été identifiées.

Les services du procureur général ont en revanche tenu à souligner que ce nouveau jugement mettait « fin » à l’affaire du meurtre de Jamal Khashoggi, marquant la volonté de Ryad de tourner définitivement la page.

Saudi Royal Palace/AFP

Le prince héritier Mohammed ben Salmane, à Al-Ula, en Arabie saoudite, le 12 janvier 2020

La justice turque a pour sa part commencé début juillet à juger par contumace 20 Saoudiens, dont deux proches du prince héritier, l’ex-conseiller Saoud al-Qahtani et l’ancien numéro deux du renseignement, le général Ahmed al-Assiri, identifiés comme les commanditaires du meurtre.

Le premier a fait l’objet d’une enquête en Arabie saoudite mais n’a pas été inculpé « en raison de preuves insuffisantes » et le second, mis en accusation, a été acquitté pour les mêmes motifs, selon le parquet saoudien.

Les deux hommes ont été officiellement évincés du cercle politique du prince hériter.

 

Ryad (AFP)

 

Source : Courrier international

 

 

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