(Suite 5) : L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (6ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

L’avènement d’un régime hybride 

 

La destitution, le 6 août 2008 du Président élu Sidi OULD CHEIKH ABDALLAHI, par le mouvement rectificatif prôné par le Haut Conseil d’Etat  (HCE), met fin à la parenthèse d’expérience démocratique. Ainsi, le pays renoue avec les coups d’Etat militaires. Certains facteurs tels que : la recrudescence  en (2007-2008) de  l’insécurité particularisée pour la première fois dans le pays par une série d’attentats terroristes contre les expatriés occidentaux (Aleg, le 24 décembre 2007) et les forces armées et de sécurité, les crises sociales et économiques, les mouvements de contestation des étudiants et des travailleurs poussées par la flambée des prix et la démission d’un groupe d’une quarantaine de parlementaires de la formation politique du Président de la République, ont contribué à justifier et précipiter le renversement du régime civil.

 

Rompant avec les usages les plus partagés par les régimes issus des coups d’Etat militaires, la nouvelle junte s’aménage dans sa charte constitutionnelle la gestion du pouvoir exécutif tout en laissant fonctionner les deux chambres du Parlement accouchant ainsi d’un système hybride sans précédent dans les pratiques constitutionnelles. Ce rarissime cas d’espèce dénote de l’attachement du HCE aux acquis du processus électoral de la période de transition 2005-2007, tout en remettant en cause la régularité de l’exercice  par le Président de la République des ses pouvoirs. Plusieurs raisons sont évoquées en l’occurrence : l’abus de pouvoir, l’incarnation de la faiblesse de l’institution de la Présidence au regard de l’opinion nationale et internationale et la gestion improvisée et désastreuse de certains dossiers de grande importance pour la vie de la nation. La succession de ces mobiles a justifié la destitution du Président élu par le mouvement rectificatif du HCE. Cette destitution reste, en dépit des motifs avancés, au regard de certains protagonistes, une action anticonstitutionnelle nulle et non avenue.

Pour faire face à cet état de fait, d’autres parlementaires associés à des formations politiques ont constitué un front national pour la sauvegarde de  la démocratie (FNDD). Cette opposition au coup d’Etat ou au mouvement de rectification selon le bord politique où on se place, a livré une dynamique résistance renforcée en cela par le refus du Président Sidi OULD CHEIKH ABDALLAHI de démissionner de sa fonction. Suspendu de l’Union Africaine, de l’Organisation de la Francophonie et objet de certaines sanctions émanant de quelques partenaires au développement tels que l’Union Européenne qui n’a pas hésité à user de l’application de l’article 96 de l’accord de Cotonou qui gèle toute forme de coopération, le régime  en place cherche à esquiver un mécontentement interne grandissant et une pression internationale accrue. La paralysie du pays et le saut vers l’inconnu dans lequel, il se projette vont conduire le Président civil et le FNDD ainsi que le HCE et ses partisans à chercher une issue de dénouement à travers la voie de la négociation  avec la facilitation de certaines organisations internationales.

Pour transcender le blocage politique et la crise constitutionnelle que vit le pays, les protagonistes admettent de se confier à une médiation internationale. Aussi, sous les auspices de certaines institutions internationales telles que  l’Organisation des Nations Unies, l’Union Africaine, l’Organisation de la Conférence Islamique, l’Union européenne,  l’Organisation de la Francophonie  et  la Ligue  des Etats Arabe, une table ronde est organisée à Dakar au Sénégal pour discuter et échanger sur les voies et moyens de revenir à l’ordre constitutionnel.

Après de tumultes et rudes cycles de négociations, les deux parties ont finalement accepté de conclure un accord dénommé « Accord de Dakar », paraphé à Dakar le 2 juin 2009 et signé le lendemain à Nouakchott. Les principales dispositions de cet accord international instituent une transition politique que soutiendra la nomination d’un gouvernement d’union nationale, la création d’une commission électorale nationale indépendante, la démission officielle du Président de la République déchu par le coup d’Etat, la démission du Président du Haut Conseil d’Etat et l’assurance de l’intérim de la Présidence par le Président du Sénat ainsi que l’organisation d’une élection présidentielle fixée au 18 juillet 2009 avec la supervision d’une observation internationale.  A ces principales clauses s’ajoute l’engagement de deux parties d’amorcer, durant la période postélectorale, un processus d’échange et de négociation qui soit de nature à améliorer le système démocratique du pays.

Au terme de cet accord, les engagements auxquels les parties avaient souscrits, ont été respectés, l’élection organisée a été remportée par le candidat Mohamed OULD ABDEL AZIZ au premier tour avec plus de 52% des voix exprimées.  Un nouveau régime s’installe par le retour du Président du HCE en qualité de ‘’Président élu’’.

A suivre …

 

 

 

Professeur El Arby Mohamedou

 

Lire aussi  :

 

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (1ère Partie) / Par le Professeur EL Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (2ème Partie) / Par le Professeur EL Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (3ème Partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (4ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

L’énigme de la succession des régimes militaires en Mauritanie (5ème partie) / Par le Professeur El Arby Mohamedou

 

(Reçu à Kassataya le 29 août 2020)

 

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