De nombreux pays clonent secrètement les téléphones des dissidents et des journalistes

Les acteurs de la société civile, les journalistes et les dissidents politiques basés en Afrique devraient supposer que les gouvernements ont un accès illimité aux contenus de leurs appareils mobiles, a averti lundi un expert en cybersécurité.

 

« Il est important de comprendre que ces outils pénètrent le téléphone, pas les communications. C’est-à-dire que tout ce qui est dans votre téléphone peut être mis sous écoute », a déclaré John Scott Railton, chercheur principal au Citizen Lab, un groupe de recherche bénévole qui opère à partir de la Munk School of International Affairs, à l’Université de Toronto, au Canada. « Il faut que la société civile soit très vigilante », a-t-il ajouté.

Lundi, Citizen Lab a révélé que le gouvernement togolais avait utilisé des outils de cyber-espionnage contre des dissidents, dont Monseigneur Benoît Comlan Alowonou, l’évêque de Kpalimé, ville située à quelque 120 kilomètres au nord de Lomé, la capitale.

Le prêtre Pierre Marie-Chanel Affognon a été aussi ciblé par cet espionnage numérique, ainsi que l’ancien ministre Elliott Ohin et l’opposant Raymond Houndjo, leader de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC). Le journal français Le Monde et le quotidien britannique The Guardian ont confirmé ces révélations.

Arrestations, chantages et sex-tapes

Selon Citizen Lab, les autorités togolaises ont acquis un logiciel appelé Pegasus, qui leur permet de voir en sourdine tout ce qui se trouve dans le téléphone de la personne visée.

Pegasus est le produit d’une société israélienne appelée NSO Group. En janvier, l’agence de presse Reuters a rapporté que le FBI, la police fédérale américaine, avait ouvert une enquête pour savoir si les outils de NSO Group avaient été utilisés pour espionner les citoyens américains ou leurs institutions. Ni l’entreprise, ni son personnel ou ses propriétaires n’ont été accusés d’un crime.

La société NSO Group n’est pas le seul fournisseur d’outils d’espionnage en Afrique. En fait l’ONG Reporters sans frontières cite de nombreuses autres entreprises dans son rapport 2020 sur les « prédateurs numériques ».

Parmi elles, Memento Labs (également connu sous le nom de Hacking Team), que RSF accuse d’avoir attaqué des journalistes en Éthiopie et au Maroc. Il y a aussi le groupe Gamma, ou FinFisher, basé en Allemagne, fabricant du logiciel FinSpy.

Leurs logiciels donnent au gouvernement un accès direct aux téléphones ciblés et peuvent ainsi usurper l’identité du propriétaire sans que ce dernier ne s’en rende compte. Même les applications sécurisées telles que WhatsApp ou Telegram n’échappent pas à ce type d’espionnage.

Dans certains cas, les cibles font l’objet d’un chantage ou subissent un discrédit total, comme par exemple par la divulgation d’images intimes ou de sex-tapes. Dans d’autres cas, les autorités retracent la cartographie des réseaux de dissidents pour identifier les meneurs connus et ceux qui les soutiennent dans l’ombre.

Le marketing de ces produits les présente comme des outils de lutte contre le terrorisme, mais « le fil connecteur entre toutes ces entreprises c’est que leurs produits sont orientés vers les pays autocratiques ou pas très démocratiques pour viser leur opposition politique », a déploré M. Railton.

Selon RSF, la surveillance gouvernementale a été abusée dans de nombreux pays à travers le monde. Sur le continent africain, notamment en Algérie, en Égypte et au Soudan, les appareils sécuritaires sont notoires pour leur mainmise sur les communications privées des dissidents et des journalistes, selon l’ONG.

« C’est pourquoi c’est tellement problématique de mettre de tels outils entre les mains des États non démocratiques, parce que ça leur permet d’atteindre tout le monde, même dans la diaspora », a conclu M. Railton.

Koi Gouahinga

Source : VOA Afrique

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