La Mauritanie malade de ses politiciens : La nécessité de faire de la politique autrement…

A deux mois  de la date anniversaire de l’élection présidentielle, le traumatisme des tensions post électorales est encore prégnant chez certains Mauritaniens. Cette élection si particulière de notre jeune république a révélé encore une fois la fragilité de notre volonté de vivre ensemble. Elle questionne également la sincérité de l’existence de notre pacte républicain.

 Si nous sommes sortis indemnes de ces joutes électorales, nous le devons à une « force invisible bienfaitrice », qui, d’ailleurs, jusqu’ici, veille comme un ange gardien sur la paix de notre petit pays. Le peuple mauritanien dans son ensemble a fait preuve de dépassement et de maturité. Au dam d’une partie de notre élite politique, qui a préféré souffler sur les braises de la division pour faire sombrer le pays dans la violence. Au lieu de se retrouver autour de l’essentiel, celui d’une « Mauritanie Unie et plurielle », résolument tournée vers un idéal démocratique, les politiciens pyromanes ont surfé davantage sur la vague du repli identitaire en attisant les peurs et les crispations.

Et comme le malheur n’arrive jamais seul, la crise sanitaire du COVID-19 vient nous rappeler la dure réalité de ce que nous sommes. Un pays fragile, sans réel socle démocratique et institutionnel. Cette crise sanitaire vient aussi mettre à nu, un autre virus sournois, avide et bien enrobé dans sa boite, qui fait des ravages dans ce pays. Ce virus n’a pas de nom scientifique répertorié comme le COVID-19, mais ses conséquences sont réelles et connues par une grande composante du pays. Cette pandémie presque incurable introduit chez certains les germes de lâcheté de haine de l’autre. Malheureusement, ni l’État ni notre élite politique et religieuse n’a réussi à trouver un remède efficace contre ce virus. Au contraire, l’État semble impuissant, avenant pour certains sur les vilénies des forces de puissances publiques. La dernière en date est la mort du jeune Abass DIALLO. A l’heure où les États-Unis d’Amérique s’embrasent suite à l’assassinat d’un homme noir par la Police de Minneapolis, en Mauritanie, c’est un militaire qui a tiré à bout portant sur un jeune et père de famille, non armé. Aucune force, même légitime ne devrait s’autoriser l’utilisation disproportionnée de la violence. Surtout quand elle émane de l’État qui devrait être le garant des libertés publiques et individuelles. Et l’usage excessif et gratuit de la violence ne peut qu’enfanter la violence. Ce peuple mérite mieux, surtout à un moment de notre histoire ou tout est à refaire.

La situation actuelle de notre pays impose la nécessité d’un Etat responsable, d’une opposition républicaine et d’une société civile forte et vigilante, le pire n’est jamais trop loin. C’est la raison pour laquelle, la participation des citoyens au débat est nécessaire afin d’éviter le délitement de notre tissu social. Il faut reconnaître que la cohabitation entre les différentes communautés se fait aujourd’hui à pas forcés, sans liant idéologique, et les ressorts de l’amortisseur social sont cassés. À cela, s’ajoute le déni de la réalité, l’orgueil mal placé, le silence complice de tous les acteurs inspirés par la peur ou la pudeur qui distraient notre vigilance et nous exposent à un nouveau péril.

 Il n’est jamais trop tard de faire notre introspection. Les résultats de l’élection présidentielle, à y regarder de près, confèrent une légitimité fragile au Président élu. Et le contexte actuel appelle à un dialogue et à la formation d’un gouvernement d’union nationale, pour apaiser le climat social. Pour ce faire l’opposition doit mettre un terme à cette guerre de privilèges, où elle offre le spectacle hideux d’une horde de prédateurs à la curée.

Cette division de l’opposition a ouvert un boulevard au Président nouvellement élu pour gouverner seul. Dans nos pays, à tendance présidentialiste et à la « démocrature », cela ouvre la voie au favoritisme et au clientélisme politique. Ainsi, pour préserver la paix et la justice sociale, aucune de nos composantes ne devrait être laissée en rade dans la gestion des affaires du pays. En devenant Président de la République, on devient le Président de tous les citoyens sans exception. Voilà pourquoi nous devons combattre ensemble toute tentative de domination d’une composante sur les autres par l’accaparement des richesses nationales ou par la promotion d’une langue spécifique sur les autres. La faillite collective de notre personnel politique, insouciante et individualiste a conduit à cette situation de pauvreté et de violence sociale extrême que nous vivons.

Notre vraie bataille aujourd’hui, c’est d’obtenir, dans l’unité et la détermination, le respect des principes républicains et d’une loi exprimant réellement la volonté générale. Il est temps d’exorciser les vieux démons de la division et de prendre notre avenir en main après des décennies de tâtonnement et de statuquo. Il donc est temps pour le Chef de l’État de rentrer dans l’Histoire en refondant le système.

Monsieur le Président, il est l’heure d’avoir le « sens de l’État », de savoir prendre des décisions courageuses et historiques, plutôt que d’être le chef d’une partie du pays, pour maintenir ces voraces de la République qui vous lâcheront dès qu’ils que leurs intérêts seront en jeu. Il est temps de réconcilier la Mauritanie avec elle-même et de lancer une nouvelle forme de citoyenneté et de gouvernance pouvant servir de modèle en Afrique de l’Ouest et au Maghreb.

Monsieur le Président, les Mauritaniens sont excédés. L’enjeu actuel est beaucoup plus transcendant. D’autant plus qu’après cette décennie de gestion calamiteuse, marquée par un tâtonnement chronique et en corollaire, le pays qui tourne en rond sans réel espoir de sortir de l’ornière.

Il est nécessaire d’introduire des ruptures indispensables au progrès de ce pays, de retisser et raccorder les morceaux d’une société complètement déstructurée, et en souffrance profonde. Il est plus qu’urgent de recentrer les priorités de notre société, sans quoi le pays va continuer à tourner en rond. Il est indispensable de rejeter la perte de temps et de nos énergies sur ce qui nous divise, et de nous mobiliser sur ce qui nous rassemble. La jeunesse consciente est prête à soutenir les nouvelles perspectives permettant d’approfondir les dynamiques du développement.

Monsieur, le Président, les Mauritaniens dans leur diversité attendent de vous que vous leur parliez.

 

 

Mansour LY

 

(Reçu à Kassataya.com le 17 juin 2020)

 

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