Du New York Times au Washington Post en passant par le Philadelphia Inquirer ou le Pittsburgh Post-Gazette, des tensions éclatent au grand jour dans les rédactions américaines sur la façon de couvrir les manifestations antiracistes et la présidence Trump.
Au New York Times, le rédacteur en chef en charge des pages débat, James Bennett, a fini par présenter sa démission le 7 juin après la publication très polémique d’une tribune signée par le sénateur conservateur de l’Arkansas Tom Cotton, appelant à “envoyer l’armée” contre les manifestants.
Les journalistes du quotidien new-yorkais, et en particulier ses journalistes noirs, s’étaient mobilisés publiquement contre cette tribune, arguant sur Twitter que “la publication de cet article mettait en danger les reporters noirs” du journal.
La veille, c’est un rédacteur en chef du Philadelphia Inquirer qui avait démissionné de ses fonctions face à la bronca provoquée au sein de la rédaction par un article titré “Buildings Matter Too” [les bâtiments comptent aussi], référence malheureuse au slogan Black Lives Matter.
Au Pittsburgh Post-Gazette, c’est la mise à l’écart de deux journalistes noirs, la reporter Alexis Johnson et le photojournaliste Michael Santiago, qui se sont vu interdire d’aller couvrir les manifestations contre les violences policières, qui a mis le feu aux poudres. La première a été écartée après avoir été accusée de ne pas respecter la politique de neutralité du journal sur les réseaux sociaux et le second pour l’avoir soutenue sur les mêmes réseaux.
Le précédent de Ferguson
Pour le chroniqueur médias du New York Times, Ben Smith, un même événement fondateur éclaire ces récents remous. Tout a commencé “à Ferguson en 2014, lorsqu’une nouvelle génération de journalistes noirs se sont retrouvés à couvrir les émeutes qui ont éclaté après la mort de Michael Brown”, un jeune homme noir abattu par la police.
Ils ont alors été témoins de la brutalité avec laquelle les “tenants du pouvoir blancs traitaient les citoyens noirs pauvres, ce qui a durablement changé leur regard sur leur métier lorsqu’ils sont rentrés dans leurs rédactions”. Qui plus est, ces reporters noirs ont également été traités par la police avec la même violence que les manifestants.
Parmi eux, Wesley Lowery, un jeune journaliste prometteur du Washington Post, arrêté par la police à Ferguson. Il a fini par quitter le quotidien de la capitale fédérale en janvier 2020 en raison de désaccords persistants avec sa hiérarchie, notamment sur la question du racisme et de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux.
Oublier la déférence face à Trump
Certaines des leçons apprises à Ferguson sur les questions raciales et sur l’expérience d’être un journaliste noir dans de telles circonstances “ont trouvé un prolongement avec l’arrivée de Trump au pouvoir” et la façon de couvrir sa présidence, souligne Ben Smith.
“Les reporters noirs ont alors été rejoints par d’autres journalistes qui se sont mis à faire pression en interne dans les salles de rédaction, mais aussi sur Twitter, en faveur de l’utilisation d’un langage plus direct et pour traiter avec moins de déférence un président” connus pour ses propos racistes et son mépris des institutions.
Pour Ben Smith, “ce changement de ton dans les médias américains, avec des journalistes osant employer un ton plus personnel pour dire leur vérité sans avoir peur de froisser les lecteurs conservateurs est désormais irréversible”.
Source : Courrier international
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