La situation actuelle de propagation rapide du virus à Nouakchott fait planer une remise en cause du programme quinquennal du président mauritanien dont le programme de résilience économique et social est critiqué par les parlementaires majorité et opposition confondues. Les risques d’explosion sociale et de récession économique sont dans le viseur des observateurs.
Le président Ould Ghazouani a débloqué plus de 2 milliards de nouvelle monnaie pour faire face aux implications économiques et sociales du covid-19. Un fonds de solidarité sociale qui a plus servi à venir en aide aux 20000 familles nécessiteuses. Mais dans sa phase de distribution des vivres par l’armée pendant le couvre-feu des milliers de familles pauvres sont oubliées laissant sur les carreaux notamment les femmes des quartiers populaires et les populations fragilisées par le confinement dans les régions.
En réalité ce programme de résilience économique et sociale est passé sous le nez des sans revenus et des travailleurs de l’informel dont l’apport dans l’économie est non négligeable. Le covid-19 n’a pas ouvert les yeux du gouvernement face aux entreprises privées qui ont du mal à faire face au chômage technique. Toutes ces lacunes viennent d’être pointées par les parlementaires de la majorité et de l’opposition dans le cadre d’une contribution informelle.
Cette pandémie sonne dans le programme quinquennal tracé par Ould Ghazouani comme une remise en cause des réformes déjà engagées dans tous les domaines de la vie publique. La durée de l’épidémie coûte très à l’Etat qui s’est déjà endetté avec le fonds de solidarité social auquel il faudra ajouter la dette publique abyssale représentant plus de 80 pour cent du PIB et une croissance chutant à moins de 2 pour cent alors qu’elle devait atteindre plus de 6 pour cent en 2020. Le covid-19 a mis en évidence un système de santé balbutiant manquant de lits de réanimation et de respirateurs même si l’hôpital national s’est doté d’un nouveau service des maladies infectieuses grâce à la Chine.
Le redressement des grandes sociétés publiques comme la SNIM le fleuron de l’industrie mauritanienne est plus que jamais hypothétique avec une production au ralenti sur fond d’un marché mondial confiné. La production des mines d’or est paralysée par des grèves des travailleurs qui réclament une révision des conditions de travail en violation avec le droit du travail en vigueur. Dans l’agriculture et l’élevage les récoltes et le bétail sont menacés par une hypothétique campagne agricole 2020 au point que l’approvisionnement en denrées alimentaires risque d’être sous tension surtout dans les régions où planent la faim et la soif en dépit du soutien aux éleveurs qui ne voient rien venir à quelque mois de l’hivernage.
Deux secteurs essentiels pour l’autosuffisance alimentaire préoccupés par la fermeture des frontières dont le prolongement serait très dur à supporter par les populations notamment de la vallée. Au plan social avec le programme Ta’azour doté de 20 milliards d’ouguiya la priorité du gouvernement pour lutter contre la fracture sociale pourrait être impacté par le covid-19 qui ne permet pas pour l’instant aux bénéficiaires d’accéder à l’emploi et à la formation.
L’explosion des cas positifs depuis une semaine pourrait amener le gouvernement à durcir les mesures sanitaires au point de reconfiner la capitale avec des conséquences sanitaires économiques et sociales plus importantes jusqu’ici, la fermeture de sociétés d’Etat et d’entreprises privées un chômage massif surtout les jeunes et le retour à des ajustements structurels qui pourraient déclencher une explosion sociale et la fin de l’union sacrée contre le covid-19.
Cherif Kane
Coordinateur journaliste
(Reçu à Kassataya le 18 mai 2020)
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