Les pouvoirs de Trump en situation d’urgence inquiètent des experts et des élus

WASHINGTON – Le jour où il a déclaré l’état d’urgence nationale en raison de la pandémie de la COVID-19, le président Donald Trump a fait une mystérieuse déclaration désinvolte.

«J’ai le droit de faire une foule de choses dont les gens n’ont même pas idée», a-t-il lancé depuis la Maison-Blanche.

Donald Trump ne faisait pas que pavoiser. Des dizaines de pouvoirs légaux deviennent accessibles lorsque le président déclare l’urgence nationale. Ceux-ci sont rarement utilisés, mais Trump a stupéfait les experts lorsqu’il a clamé – à tort – qu’il avait l’autorité «totale» sur les gouverneurs dans sa volonté d’assouplir les consignes de confinement.

Cette déclaration a poussé dix sénateurs à analyser en profondeur quelle portée le président Trump croit que ses pouvoirs exceptionnels possèdent.

Les élus ont demandé à voir les Documents d’intervention d’urgence présidentielle (acronyme PEAD en anglais). Ces documents confidentiels méconnus sont essentiels à la planification d’une déclaration d’état d’urgence.

Ces documents n’accordent pas au président une autorité plus grande que celle prévue par la Constitution, mais ils précisent quels pouvoirs le président croit détenir, selon la Constitution, lors d’une situation d’urgence. Selon les sénateurs, ces documents leur fourniraient un portrait plus clair de ce que la Maison-Blanche interprète comme étant des pouvoirs d’urgence.

«Quelqu’un doit jeter un oeil à ces choses», a déclaré le sénateur indépendant du Maine Angus King lors d’un entretien téléphonique. «Il s’agit d’une affaire où le président peut déclarer une urgence et ensuite dire: «À cause de l’état d’urgence, je peux faire ceci et cela»».

Le sénateur King ainsi que sept collègues démocrates et un républicain ont signé une lettre, à la fin du mois dernier, adressée au directeur par intérim des services de renseignement Richard Grenell. Les élus demandaient à être informés de l’existence des documents PEAD et de leur contenu. Le sénateur démocrate du Vermont, Patrick Leahy, a également écrit une lettre semblable au procureur général William Barr et au conseiller de la Maison-Blanche Pat Cipollone.

«L’inquiétude c’est qu’il pourrait bien y avoir des gestes qui violeraient les libertés individuelles garanties par la Constitution», avance le sénateur King.

«Je ne fais que spéculer. Il est tout à fait possible que l’on obtienne les documents et qu’il n’y ait rien de mal dans les pouvoirs et contrepouvoirs et que tout soit raisonnable», reconnait-il aussi.

Professeur invité à la faculté de droit de l’Université Georgetown, Joshua Geltzer, confirme qu’il y a un mouvement pressant pour mettre la main sur ces documents en raison de la méfiance envers les interprétations légales de l’administration Trump. Une méfiance d’une ampleur qu’il dit n’avoir jamais connue de sa vie.

L’exemple le plus médiatisé de cette libre interprétation des lois est la décision, l’an dernier, de déclarer la situation des migrants à la frontière mexicaine comme étant une urgence nationale. Cette décision a permis de détourner 3,6 milliards $ US destinés à des projets militaires pour financer le prolongement du mur frontalier au-delà de ce que le congrès avait déterminé.

«Je m’inquiète des autres affaires qu’il pourrait qualifier d’urgence, mentionne le professeur Geltzer. Je pense particulièrement à l’élection en novembre. C’est là, où il semble y avoir un fort potentiel de malice avec ce président.»

Les sénateurs ont déposé leur requête quelques jours après la déclaration de Donald Trump, le 13 avril, selon laquelle il avait l’autorité de forcer les États à relancer leur économie malgré les ravages de la pandémie.

«Quand quelqu’un est le président des États-Unis, l’autorité est totale», avait-il affirmé, déclenchant de vives réactions de gouverneurs et d’experts du droit.
Plus tard, Donald Trump en avait rajouté sur Twitter en s’adressant aux gens qui croient que la décision de la relance appartient aux gouverneurs et non au président: «Que ce soit bien compris, cela est faux.»

Le président s’est tout de même éventuellement rétracté en ce qui concerne son autorité «totale» et a reconnu que ce sont les États qui ont le dernier mot pour imposer ou mettre fin au confinement.

 

 

Deb Riechmann
Associated Press
Source : Le Soleil (Québec)

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