Les forces de sécurité maliennes accusées de 101 exécutions extrajudiciaires par l’ONU

Un rapport de la Minusma pointe une forte hausse des violations des droits de l’homme entre janvier et mars, en particulier dans le centre du pays.

C’est un début d’année 2020 particulièrement sanglant pour le Mali qui fait face à une flambée des violences sur son territoire.

La mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a enregistré une augmentation de 61,21 % des abus et violations des droits de l’homme entre le 1er janvier et le 31 mars. Il s’agit de 598 cas d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées et involontaires documentés dans cette note trimestrielle de la division des droits de l’homme et de la protection.

Cette dernière s’inquiète de « l’implication de plus en plus croissante des Forces de sécurité maliennes (FDSM) dans les violations de droits de l’homme » et dénonce « l’impunité dont jouissent leurs auteurs ».

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Ainsi, l’ONU impute aux forces armées maliennes et à la garde nationale 101 exécutions extrajudiciaires depuis le début de l’année. Cela représente 26,58 % des 380 exécutions sommaires répertoriées par les enquêteurs de cette division. Il leur est aussi reproché « 32 cas de disparitions forcées », « 32 cas de torture ou traitement cruel inhumain ou dégradant », ainsi que « 115 arrestations arbitraires ». Des exactions commises principalement dans les cercles de Douentza et Niono, au centre du pays, où les conflits communautaires ont provoqué le déplacement de près de 100 000 civils.

Cycles de représailles

 

« C’est inquiétant, mais pas surprenant, affirme Héni Nsaibia, chercheur d’ACLED (The Armed Conflict Location & Event Data Project). Ces cas d’exécutions sommaires mais aussi de torture, d’arrestations arbitraires, et de disparitions forcées sont fréquents de la part des FDSM, et l’impunité qui les accompagne les a rendues inhérentes à la dynamique du conflit. Elles alimentent le recrutement de groupes djihadistes et leur permettent de se poser comme protecteurs communautaires, en particulier pour les Peuls, comme en témoigne leur propagande, non seulement au Mali mais aussi au Burkina Faso voisin. »

Selon le rapport, deux facteurs supplémentaires expliquent cette importante augmentation des violences au Mali : les cycles de représailles de plus en plus fréquents entre les membres des communautés peules et dogons, dont les milices et groupes d’autodéfense sont responsables de 39 % des abus des droits de l’homme sur cette période, et la multiplication des attaques des groupes djihadistes au nord et au centre du pays, notamment du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) et de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS).

Ces groupes, qui « constituent une sérieuse menace contre la paix au Mali », rappelle la note, sont responsables de 17,22 % des abus documentés, parmi lesquels des meurtres, des actes de torture, des menaces et des attaques d’humanitaires. Les données de l’enquête portent sur les exactions contre les civils et non contre les militaires.

Punissables par le droit malien

 

De nombreux incidents ont aussi émaillé le premier tour des législatives, le 29 mars, et viennent gonfler le bilan des violences.

La note expose des cas d’intimidation des populations, de destruction de matériel électoral, de meurtre et 21 cas d’enlèvements dont celui de Soumaïla Cissé, chef de fil de l’opposition, kidnappé avec d’autres membres de sa délégation dans sa circonscription électorale le 25 mars. Il est aujourd’hui encore entre les mains de ses ravisseurs.

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Si le rapport se penche en particulier sur la hausse des exactions « imputables » aux FDSM, il interpelle aussi les forces armées nigériennes responsables de 34 exécutions extrajudiciaires sur le territoire malien, dans le cadre de mission dans la zone des trois frontières, notamment dans la ville d’Anderamboukane et le village d’Inekar.

« Ces violations font partie des crimes punissables par le droit malien, il est donc important que des enquêtes maliennes soient menées et que les auteurs de ces actes répondent devant la justice, souligne Guillaume Ngefa, directeur de la division des droits de l’homme de la Minusma. L’impunité ne pourra qu’encourager la reproduction de ces actes dans le futur. »

Contacté par Le Monde Afrique, le ministère de la communication du Mali a indiqué que le gouvernement réagirait dans les prochains jours à ce rapport.

Matteo Maillard(Bamako, correspondance)

 

Source : Le Monde

 

 

 

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