Mauritanie – Cheffe Délégation CICR : Le Covid-19, dans les prisons, ce serait dramatique

ALAKHBAR (Nouakchott) – Selon la cheffe de la Délégation du Comité International de la Croix Rouge (CICR-Mauritanie, Daphnee MARET, « On peut, clairement, imaginer que si le Covid-19 se rependait dans les prisons ce serait catastrophique, dramatique et très compliqué ».

« Si le virus s’attaquait aux détenus dans des lieux clos, il pourrait s’y rependre et sortir plus rapidement du fait de beaucoup d’aller-retour dans ces lieux de détentions avec le mouvement des familles en visite et des pénitentiaires », a-t-elle alerté.

Dans cette interview à Alakhbar, la cheffe de la Délégation rappelle que le CICR « a mis en place un système complet pour isoler les lieux de détention si les prisons devaient connaître des cas de covid-19 ».

 

ALAKHBAR _ Quelle est l’implication du CICR-Mauritanie dans la lutte contre le Covid-19 ?

Daphnee MARET : Nous devons rappeler d’abord que le CICR est présent en Mauritanie, bien avant cette pandémie du Covid-19. Nous avons ouvert un Bureau depuis 2005. Les programmes que nous avons en cours répondent déjà aux besoins, nés de la pandémie. Il s’agit, principalement, d’accès à l’eau et à l’l’hygiène dans l’Est du pays et dans les lieux de détention. Mais nous avons adapté ces programmes à la crise actuelle. Nous aidons, par exemple, le Gouvernement dans son plan de riposte contre le virus.

ALAKHBAR _ Pouvez-vous préciser des exemples ?

Daphnee MARET : Dans l’Est du pays, nous avions, depuis quelques années, un programme d’accès à l’eau et aux soins vétérinaires avant la crise. L’année dernière, le CICR a vacciné un demi million de petits ruminants. Nous avons aussi des activités, liées à l’accès à l’eau en milieu rural et urbain dans la ville de Bassiknou. Nous avons développé et accéléré tout cela, en particulier l’accès à l’eau à Bssiknou. Cela fait d’ailleurs quelques années que nous travaillons sur l’amélioration du système hydraulique urbain. Il faut que le système d’eau, déjà sous pression en raison de l’afflux des réfugiés, soit plus performant.  Nous y travaillions déjà avec la SNDE (Société Nationale D’Eau) et avec les autorités concernées. Nous avons accéléré les travaux afin de permettre le fonctionnement des cinq forages existants. Seuls quatre étaient fonctionnels.

Et puis, nous nous approchons de la saison sèche, la plus compliquée. Nous avons donc mis en place un générateur pour qu’en cas de panne d’électricité deux forages pourront, au moins, fonctionner. Nous pensons à un deuxième générateur.

Nous avons aussi développé des activités dans des villages aux alentours de Bassiknou (Moughata de la ville) et tout un programme de sensibilisation dans 22 villages environnants. Nous avons touché plusieurs ménages, dans des villages, parfois très éloignés, dont beaucoup n’ont pas, forcément, entendu parler du nouveau Coronavirus. Nous avons aussi distribué 8 mille kits d’hygiène dans ces différents villages et rassuré que toutes les adductions d’eau dans ces villages autour de Bassiknou ou de de Fassalé soient fonctionnelles.

Si la crise devait s’empirer – Nous ne le souhaitons pas – ce serait important que les populations, surtout dans la ville de Bassiknou, réfugiés et résidents, aient accès à l’eau pour se laver les mains et pour faire face à la pandémie.

Pourquoi la nécessité d’élargir vos activités au delà des réfugiés ?

Daphnee MARET : Il est important de dédier des activités aux populations résidentes. Il y a un afflux de réfugiés du fait de la crise malienne, plus de 50 Mille personnes qui mènent une pression, assez forte, sur les ressources des populations résidentes, principalement en eau. Pour cela, nous avons amélioré le système d’eau de la ville de Bassiknou. Nous avons aussi fait des adduction d’eau dans plusieurs villages environnants et au niveau des points d’eau pour le bétail.

Est-ce que le combat contre le Covid-19 concernent aussi les prisons ?

Daphnee MARET : Du fait de son mandat, le Comité International de la Croix Rouge visite les lieux de détention en Mauritanie. On peut, clairement, imaginer que si le Covid-19 se rependait dans les prisons se serait catastrophique, dramatique et très compliqué. Mais dans ces prisons, nous avions déjà un programme d’accès à l’eau et à l’hygiène. Nous apportions aussi de la nourriture, aux personnes qui en ont le plus besoin et des médicaments au Système de santé. Mais comme déjà dit, nous avons accéléré tous ces programmes. Nous travaillons en collaboration avec la DAPAP (Direction des Affaires Pénales et de l’Administration Pénitentiaire) dans tout ce qui est prévention. Nous sensibilisons le personnel sécuritaire et pénitentiaire et contrôlons l’arrivée de nouveaux détenus et les visites de proches et parents.

Pour l’instant, nous sommes en phase de prévention. Heureusement, le virus ne s’est pas vraiment rependu dramatiquement en Mauritanie. Cette phase est extrêmement importante. Il faut rappeler aux personnel et détenus les gestes barrières, comme se laver les mains. C’est important d’amélioration l’accès à l’eau, à l’hygiène à de distribuer des savons dans tous les lieux de détention. Nous avons vraiment mis en place un système complet pour isoler les lieux de détention si les prisons devaient connaître des cas de covid-19.

Le CICR travaille aussi avec le Ministère de la Justice en leur expliquant l’importance de décongestionner, ce moment, les lieux de détention. D’autres pays l’ont fait avec les personnes les plus vulnérables qui doivent être protégées, voire libérées. En ce moment très délicat, il faut favoriser les peines alternatives.

ALAKHBAR _ Quelle est la réaction du Ministère de la Justice ?

Daphnee MARET : Les discussions sont en cours. Les autorités ont pris la question très sérieusement. Nous avons vu, concrètement, que plus de personnes sortaient des lieux de détention. Nous pensons que cela va continuer, parce c’est une bonne voie à suivre, comme ont fait d’autres pays dans la région.

ALAKHBAR _ Est-ce ces détenus sortent, grâce à vos recommandations ?

Daphnee MARET : Nous avons adressé une lettre – avec différentes recommandations- aux autorités. Nous osons espérer qu’elles ont pris en compte beaucoup de nos recommandations par rapport à la décongestion des lieux de détention et à la prévention.

ALAKHBAR _ Peut-on dire que le Gouvernement est en train d’appliquer ce décongestionnement ?

Daphnee MARET : Je ne sais pas si le Gouvernement va l’annoncer officiellement. Mais les peines alternatives ne sont pas quelque chose de nouveau. Le Gouvernement réfléchit et travaille sur la question, parce que la détention n’est pas la seule peine dans la palette des punitions qui existent en Droit.  Nous pensons, en tout cas, que c’est en ce moment qu’il faut plus l’appliquer pour protéger le milieu carcéral et la population de manière générale. Si le virus s’attaquait aux détenus dans des lieux clos, il pourrait s’y rependre grandement et sortir plus rapidement du fait de beaucoup d’aller-retour dans ces lieux de détentions avec le mouvement des familles en visite.

ALAKHBAR _ Quelle particularité pour les détenus salafistes dans vos recommandations ?

Daphnee MARET : Le CICR a une approche impliquant tout détenu. Nous faisons des recommandations générales sur la nécessité de décongestionner les prisons. Il appartient, en suite, à l’Etat mauritanien de décider quels sont les prisonniers les plus à même d’être libérés. Ce sont des critères, certainement, de vulnérabilité.  C’est intéressant de les à lier à l’âge mais aussi à des peines alternatives, comme la libération sous parole. Mais cela n’est pas seulement destiné à une catégorie particulière de détenus.

ALAKHBAR _ Votre mot de la fin ?

Daphnee MARET : Je voulais ajouter, pour terminer, que le Comité International de la Croix Rouge a fait un appel au niveau global d’environ 255 millions d’Euros par rapport à cette crise spécifique. Le CICR en Mauritanie, en particulier, à réalloué déjà un quart de ses coûts opérationnels généraux pour cette crise du Covid-19. Le quart de nos dépenses spécifiques représente déjà un demi million d’Euro. Nous allons nous encore adapter si la crise devait s’empirer. Nous ne le souhaitons pas.

 

Source : Alakhbar.info

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