Mohamed Mechry Athie (Aac), le marabout et l’artiste dans la « République des Saltimbanques » / Par Daouda Sow

Le jeudi 2 avril 20202, nous apprenons avec une profonde peine la disparition, suite à un malaise cardiaque, de Mohamed Mechry Athie que tout le monde appelait affectueusement « Moussiri ». Son décès a jeté l’émoi et la consternation parmi ceux qui, la veille encore, avaient échangé avec lui des messages sur « Facebook » et « Wathsapp ».

Kaédi perd avec lui une de ses grandes figures, parti sur la pointe des pieds sans crier gare. Il est parti comme il a vécu, dans la plus grande simplicité et s’est éteint entouré des siens, qui n’ont jamais cessé de lui manifester leur immense amour.

Né le 26 juin 1951 (à Kaédi), Moussiri sera appelé à faire partie du premier escadron des cadres de la jeunesse, premier noyau postindépendance chargé de la « modernisation » du secteur de la jeunesse et des sports(après ses ainés, les Lô Samba, Kane Abdoul Wahab, Fall Thierno, pour ne citer que ceux-ci) .

Il s’attellera à la tâche au point d’en faire le grand combat de sa vie ; et cela ne durera pas moins de trois décennies. Il était actif dans ce domaine aussi bien sur la scène nationale que régionale, n’hésitant guère à afficher des idées pionnières et à défendre la cause du pluralisme. Son engagement et sa sagacité lui ont valu le respect de tous et lui ont conféré aura et stature de prestige. Il a mis ce statut à profit pour participer activement à la promotion de la culture et à l’encouragement des « artistes ».

Personnalité marquante, homme de conviction et de caractère (agréable, bonne compagnie), sans âge ou de « tous les âges », il avait fait partie, avec ses compères Noureddine Kibli, Hamady Gafouré, Jules Lô, pour ne citer que ceux-là, de la première formation théâtrale de Kaédi et de la région du Gorgol qui, avec le « Ballet » et le « Cœur », a brillé au firmament du Premier Festival de la Jeunesse Mauritanienne tenu à Nouakchott en 1974. Il a par la suite contribué à façonner des générations des jeunes de Kaédi et de la région en sa qualité d’inspecteur de la jeunesse mais surtout en sa qualité d’artiste. Il a fait de la musique une référence, un vivier réunissant une pléiade de jeunes lors de la première semaine culturelle de la jeunesse kaédienne, en 1984, avec sa fameuse composition musicale intitulée « DENTAL ».

Rigoureux, il avait fait de la rectitude une règle d’excellence. Figure joviale d’éternel jeune premier avec moustaches fines et élégantes lunettes éternellement vissées sur le nez, mais également regard courtois qui faisait émaner de son visage une autorité naturelle empreinte de bienveillance qui forçait le respect. Cette impression était confortée par son penchant pour le sacrifice méritoire et le souci du devoir, marqueurs des intemporels.

Lui, qui a accompli une longue carrière au sein de la « jeunesse » et a fait de la culture « une école de la vie », a contribué à la mise en place d’un cadre d’encadrement des jeunes qui trouveront en lui un grand expert qui a saisi l’orientation des politiques publiques en la matière, nourri leur réflexion d’éléments utiles, éclairé leur décision et planché avec compétence sur toutes les options possibles de leur mise en œuvre. En « artiste accompli », il ne pouvait accepter ni l’oisiveté, ni continuer à « vivre » sans rien faire. Et voila que le destin nous prive de son expertise. Il a été emporté par la Faucheuse à un âge où il pouvait encore rendre de précieux services à son Dimbe natal car, depuis qu’il a fait valoir ses droits à la retraite, des idées nouvelles bouillonnaient en lui et qu’il comptait mettre au service de sa ville, voire à toute sa patrie. Car, tout au long de sa carrière, ce grand humaniste est toujours resté attaché à son pays natal, une terre et des hommes qu’il aimait profondément mais qui a tout de même su s’enraciner là où il est passé. Polyglotte, l’homme avait la soif de la connaissance contagieuse ; il était, de par ses origines et ses errances, la somme et la synthèse du Mauritanien.

À ses qualités de brillant orateur et d’excellent « agitateur » qui ont agi au-delà des frontières régionales s’ajoutait la grande ouverture de son esprit. Il laisse une empreinte indélébile là où il est passé et dans toutes les charges qu’il avait assumées. Mais, la grande œuvre qui tenait le plus à cœur de Mouchry était sans doute la vulgarisation de l’ART, son ADN non héréditaire, lui qui était descendant de la lignée de l’aristocratie religieuse des « Elimaan de Rinnjaw ».

Pionnier, il profitera du grand respect dont il jouissait auprès des jeunes pour réunir autour de lui un groupe de jeunes militants qui préfiguraient alors la société civile, aujourd’hui engagée dans l’action culturelle. Il engageait alors un combat déterminé, certes serein et apaisé, mais irréductible. L’ampleur prise par ce mouvement à Kaédi a rapidement inspiré des émules dans la région ; tous demandaient à notre frère de les fédérer dans une structure de synergie et de coordination, sous forme de fédération.

L’homme des « Plaintes, Complaintes et Cris de Cœur (sic) », qui nous a quitté en soldat du devoir, appelait encore récemment à la mobilisation des Kaédiens face au Covid-19, avait jusqu’aux tout derniers jours, gardé sa verve et son humour raffiné sur l’essentiel, jamais le futile.

Etrange et funeste destin, son décès, ce jeudi matin 2 avril 2020, nous rappelle la perte, il y a onze ans de cela, d’une autre grande figure de la jeunesse kaédienne partie très tôt, Docteur Abdallah Chaitou.

« C’est le perpétuel tremblement de la vie. Inclinons-nous, mes frères devant la sévère destinée. Inclinons-nous avec espérance »

A son épouse, à ses enfants, à sa famille et à la grande famille kaédienne, nos sincères condoléances. Allah Yerhamou.

 

Daouda Sow
Tunis-Tunisie

 

(Reçu à Kassataya le 08 avril 2020)

 

 

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